El Shafee el-Sheikh est jugé à partir de mercredi aux États-Unis pour son rôle dans l’enlèvement et la mort d’otages occidentaux en Syrie. Il était membre d’un groupe de ravisseurs de l’État islamique surnommés “les Beatles” par leurs prisonniers en raison de leur accent britannique.
C’est le premier procès sur le sol américain d’une figure majeure du groupe État islamique. Un jihadiste d’une cellule spécialisée dans la capture et l’exécution d’otages occidentaux comparaît, mercredi 30 mars, près de Washington.
Au lendemain de la sélection de 18 jurés, dont six suppléants, les procureurs et les avocats d’El Shafee el-Sheikh, 33 ans, croiseront le fer pour la première fois dans le tribunal fédéral d’Alexandria, en Virginie.
Arrivé en 2012 en Syrie, “Jihadi George” faisait partie d’un groupe de ravisseurs de l’État islamique surnommés “les Beatles” par leurs prisonniers en raison de leur accent britannique. Ce quatuor, actif jusqu’en 2015, s’était fait connaître en mettant en scène la décapitation d’otages dans d’insoutenables vidéos de propagande.
Parmi leurs victimes figuraient quatre ressortissants américains : les journalistes James Foley et Steven Sotloff, ainsi que les travailleurs humanitaires Kayla Mueller et Peter Kassig, ce qui justifie l’intervention de la justice américaine.
Mais les “Beatles” sont accusés d’avoir supervisé la détention d’au moins 27 otages, originaires d’une quinzaine de pays (Royaume-Uni, Espagne, Japon, France, Danemark, Nouvelle-Zélande, Pérou…).
Certains de leurs anciens prisonniers devraient être appelés par l’accusation pour raconter les sévices endurés pendant leur détention.
“Il décidait qui devait vivre ou mourir”
Une femme yazidie, qui a été détenue pendant plusieurs mois avec Kayla Mueller, pourrait aussi figurer parmi la soixantaine de témoins attendus pendant les trois à quatre semaines de procès.
Contrairement à ses compatriotes masculins, qui ont tous été exécutés, la jeune Américaine avait été livrée au chef du groupe État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, qui l’aurait réduite au rôle d’esclave sexuelle avant de la tuer en 2015.
Selon l’acte d’accusation, les “Beatles” se sont livrés à des actes de torture sur leurs captifs, notamment à des simulations de noyade et de crucifixion ou à des séances d’électrocution.
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D’après d’anciens otages, El Shafee el-Sheikh, alias “George”, était “le plus brutal” du groupe. C’était “le leader : il décidait qui devait vivre ou mourir”, a déclaré à l’AFP le reporter espagnol Javier Espinosa, qui a passé six mois aux mains du groupe jihadiste.
Mohammed Emwazi, dit “Jihadi John”, a davantage marqué les esprits en apparaissant armé d’un couteau de boucher sur les films montrant l’exécution des otages. Mais ce bourreau, mort dans un bombardement américain en 2015, “n’était que les muscles” du groupe, selon le journaliste.
Pour sa part, El Shafee el-Sheikh a été arrêté par les forces kurdes syriennes en 2018 avec Alexanda Kotey, dit “Ringo”.
Avant leur transfert aux États-Unis, il a admis, dans des interviews accordées à plusieurs médias, avoir “interagi” sans “compassion” avec les otages.
“Jihadi George” plaide non coupable
Mais il a cherché à minimiser son rôle, en se décrivant surtout comme un intermédiaire chargé de récupérer les adresses e-mail des proches des détenus pour négocier les rançons.
En septembre, Alexanda Kotey a plaidé coupable de “prise d’otages ayant entraîné la mort”, dans l’espoir de purger une partie de sa peine, qui sera prononcée fin avril au Royaume-Uni.
El Shafee el-Sheikh, qui a été déchu de sa nationalité britannique, continue pour sa part de se dire “non coupable”.
Il encourt une peine de prison à vie incompressible, les États-Unis s’étant engagés à ne pas requérir la peine de mort afin d’obtenir la coopération judiciaire de Londres.
Le quatrième membre du groupe, Aine Davis, est en prison en Turquie, où il a été condamné pour terrorisme.
Avec AFP