Eurojust, organe européen de coordination de la lutte contre la criminalité organisée, a annoncé lundi la saisie d’environ 120 millions d’euros d’actifs d’origine libanaise dans différents pays européens, dont la France. Le parquet en Allemagne a précisé que Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale du Liban, faisait partie des suspects dans cette enquête.
La France, l’Allemagne et le Luxembourg ont gelé 120 millions d’euros d’avoirs libanais à la suite d’une enquête pour blanchiment d’argent qui vise cinq personnes, dont le gouverneur de la Banque centrale du Liban Riad Salamé.
Ces cinq suspects sont soupçonnés d’avoir “détourné des fonds publics au Liban pour des montants de plus de 330 millions de dollars et 5 millions d’euros, respectivement, entre 2002 et 2021”, a souligné, lundi 28 mars, l’agence européenne pour la coopération judiciaire (Eurojust) dans un communiqué.
Des sources proches du dossier ont précisé à l’AFP que ces cinq personnes étaient Riad Salamé et quatre membres de sa famille ou de son entourage.
>> À lire : Riad Salamé, le grand argentier du Liban visé par la justice française
Le parquet financier français (PNF) avait ouvert le 2 juillet 2021 une information judiciaire visant le riche patrimoine en Europe du responsable libanais, sur lequel pèsent les chefs d’accusation de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs.
Cible d’une série d’enquêtes judiciaires aussi bien au Liban qu’à l’étranger, Riad Salamé fait également l’objet de nouvelles accusations liées à un “enrichissement illicite” émises par une juge à Beyrouth, avait indiqué une source judiciaire le 21 mars.
Des “saisies d’ampleur”
Le PNF a salué sur Twitter des “saisies d’ampleur” dans le cadre d’une information judiciaire qu’il avait ouverte pour des chefs de “blanchiment en bande organisée, d’association de malfaiteurs et de recel de délit commis notamment en France et au Liban”.
Eurojust, qui a coordonné l’opération, n’a pour sa part pas donné d’informations sur l’identité des suspects et insisté sur le fait que ces derniers sont “présumés innocents jusqu’à ce qu’ils aient été reconnus coupables”.
En France, les autorités ont saisi, vendredi dernier, deux ensembles immobiliers à Paris d’une valeur totale de 16 millions d’euros, a détaillé Eurojust. Il s’agit de deux appartements situés dans le XVIe arrondissement de Paris, selon une source proche du dossier.
Plusieurs comptes bancaires ont également été saisis en France (2,2 millions d’euros) et à Monaco (46 millions d’euros), ainsi qu’un immeuble à Bruxelles d’une valeur de 7 millions d’euros, a précisé Eurojust.
Les autorités judiciaires allemandes ont pour leur part saisi trois propriétés (une à Hambourg, deux à Munich). Des parts dans une société immobilière basée à Düsseldorf ont également été sécurisées. Outre les propriétés, valant actuellement environ 28 millions d’euros, d’autres actifs d’environ 7 millions d’euros ont été saisis dans toute l’Allemagne, a précisé Eurojust.
Riad Salamé estime être un “bouc-émissaire” de la crise
Au Luxembourg, environ 11 millions d’euros ont été saisis sur plusieurs comptes bancaires, selon l’agence.
La procédure judiciaire contre Riad Salamé a pour point de départ les plaintes déposées en avril à Paris par la fondation suisse Accountability Now d’un côté et, de l’autre, l’ONG Sherpa et le “Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban”, constitué d’épargnants spoliés dans la crise qui frappe le pays depuis 2019.
>> À lire : Le retrait de Saad Hariri, un séisme politique qui rebat toutes les cartes au Liban
Alors que le Liban est confronté à une crise économique sans précédent, ce proche du clan de la famille Hariri est conspué par la rue, qui le soupçonne d’avoir, comme d’autres responsables du pays, transféré d’importantes sommes à l’étranger lors du soulèvement d’octobre 2019.
Il s’en est défendu dans les médias, estimant être le “bouc-émissaire” de la crise et affirmant avoir fait fructifier le patrimoine de 23 millions de dollars (19,5 millions d’euros) qu’il détenait en 1993 lors de sa prise de fonction à la tête de la Banque centrale.
“Nous exercerons tous les recours utiles”, a réagi lundi Me Pierre-Olivier Sur, l’avocat de Riad Salamé en France.
Avec AFP