Un centre d’accueil pour les déplacés ukrainiens a ouvert Paris. France 24 s’est rendu à la rencontre de ceux qui ont fui la guerre. Des Parisiens les accompagnent dans des démarches administratives parfois compliquées, malgré l’ouverture de ce guichet unique.
“La préfecture de Paris est fermée le week-end”, explique un groupe d’agents de sécurité à des réfugiés ukrainiens désorientés, tout juste arrivés samedi 26 mars devant les portes du centre Accueil Ukraine situé dans l’un des halls du Parc des expositions de la porte de Versailles, dans le sud-ouest de Paris. Un lieu ouvert spécifiquement par la ville de Paris et géré par l’association France Terre d’Asile, pour accueillir et orienter les déplacés ukrainiens.
Le site internet de la mairie de Paris indique que ce centre est ouvert sept jours sur sept, de 9 h à 18 h, mais aujourd’hui, ses services administratifs sont fermés. Seuls les Ukrainiens ayant besoin d’un logement sont reçus. Les migrants qui arrivent au centre pour d’autres raisons accueillent stoïquement la nouvelle et quittent docilement l’enceinte du bâtiment, serrant contre eux leurs affaires personnelles et leurs papiers d’identité.
Martine et son mari Pierre, un couple de Parisiens, sont venus accompagner Svetlana, 53 ans, et sa fille Alyssa, 19 ans. Tous les quatre semblent ne pas savoir quoi faire après avoir appris que les services administratifs du centre étaient fermés. Ils s’attardent sous le soleil printanier de ce début de matinée et échangent des numéros de téléphone avec une femme russophone qui s’est présentée avec un autre groupe de déplacés ukrainiens. Plus aguerrie, elle ne tarit pas de conseils pour s’orienter dans le labyrinthe de la bureaucratie française.
Lorsqu’on lui demande comment ils ont rencontré leurs protégés, Martine répond : “Par le Mozambique !”, esquissant un sourire derrière son masque. “Mon fils vit au Mozambique, où il a une amie qui lui a demandé si nous pouvions l’aider en accueillant des amis ukrainiens en France”. Le couple français a accepté de venir en aide aux deux femmes sans hésitation, bien qu’il ne connaisse rien de leur passé.
Un voyage éreintant à travers l’Europe
Au quotidien, Martine et Pierre ont réussi, grâce à Google Translate, à casser la barrière linguistique avec leurs invitées. À l’aide de l’outil de traduction et de Google Maps, ils ont appris d’où venaient Svetlana et Alyssa : une ville appelée Dnipro, située sur la rive du fleuve Dniepr. Les deux femmes ont pu raconter leur épuisant périple de cinq jours pour rejoindre la France. Après avoir quitté l’Ukraine, mère et fille ont voyagé en bus de la Pologne à Berlin, puis elles ont pris un avion de Berlin à Paris, avant d’arriver à mercredi à Meudon, en banlieue parisienne, à quelques kilomètres du centre Accueil Ukraine. Martine et son mari sont venus les chercher ce samedi matin, au domicile d’une autre personne qui ne pouvait pas les accueillir plus longtemps.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) recensait lundi un total de plus de 3,8 millions de migrants ukrainiens depuis le début du conflit. Avec la Pologne, la Roumanie et la Moldavie ont reçu la plupart des réfugiés et la pression migratoire sur ces trois États européens se fait de plus en plus forte pour l’accueil, mais aussi la réinstallation des personnes en fuite. Alors de nombreux déplacés tentent leur chance et partent vers l’Ouest, qu’ils aient ou non de la famille ou des amis sur place.
Svetlana et Alyssa ne sont pas encore sûre d’obtenir le statut de protection temporaire, qui offre l’asile en France, mais d’ores-et-déjà “elles veulent être autonomes et trouver du travail, ce qui est le plus dur”, dit Martine. Au 23 mars, la France a accueilli 26 000 migrants d’Ukraine, dont 10 500 seulement ont reçu un titre de séjour temporaire.
“Il y a un siècle, mon grand-père a quitté Odessa en bateau”
“Les associations sont capables de fournir un hébergement, mais les particuliers sont plus à même d’apporter des réponses immédiates comme trouver des écoles pour les enfants, nourrir les gens, les aider à obtenir des documents”, explique Martine. “C’est naturel pour moi d’aider car il y a un siècle, mon grand-père a quitté Odessa en bateau. Il fuyait la guerre civile en Russie. L’histoire se répète”, raconte-elle visiblement touchée.
À midi, un bus arrive et décharge une foule de personnes. Beaucoup portent des valises et des sacs à dos, les hurlements d’un bébé se font entendre au loin. Les migrants amenés au centre Accueil Ukraine par la Croix-Rouge n’y resteront qu’un ou deux jours avant de partir pour d’autres régions françaises.
Au même moment, Olena et son père, originaire de Tcherkassy, une ville située au sud-est de Kiev, arrivent aux portes du centre d’accueil. “J’ai invité mon père en France pour son anniversaire et aussi parce que c’était les vacances des enfants, puis la guerre a éclaté et il est resté avec nous”, raconte Olena, résidant en France. “Nous sommes ici parce que mon père a eu un cancer et si quelque chose arrive à sa santé, je veux qu’il soit couvert par la Sécurité sociale française.”
Comme Svetlana et Alyssa, Olena et son père se voient demander de revenir lundi pour lancer les démarches visant à obtenir une carte Vitale. L’Ukrainienne jure que son père restera avec sa famille à Paris aussi longtemps que durera la guerre. “Tout le monde veut rentrer à la maison”, dit-elle, les larmes aux yeux.
Cet article a été adapté de l’anglais. Retrouvez l’original ici.