Ketanji Brown Jackson, candidate de Joe Biden à la Cour suprême des États-Unis, a fait face mardi aux attaques des sénateurs républicains pendant son audition de confirmation. La magistrate ne s’est pas démontée.
La magistrate afro-américaine Ketanji Brown Jackson s’est vigoureusement défendue mardi 22 février face aux accusations de laxisme envers les pédophiles portées par des élus républicains lors de l’examen de sa candidature historique à la Cour suprême.
Après plusieurs heures d’interrogatoire plutôt policé devant la commission judiciaire du Sénat, le républicain Ted Cruz l’a accusée frontalement d’avoir tout au long de sa carrière “milité pour les prédateurs sexuels”.
L’élu du Texas a assuré qu’elle avait, en tant que juge fédérale, “prononcé des peines inférieures aux réquisitions dans 100 % des dossiers de pédopornographie” qui lui ont été soumis.
“En tant que mère, ces affaires m’ont horrifiée” et “j’en fais encore parfois des cauchemars”, a-t-elle rétorqué, en laissant percer pour la première fois une pointe d’émotion. “Je les ai toujours traitées très sérieusement, comme tous les autres crimes qui m’ont été soumis.”
Passes d’armes
Le sénateur Josh Hawley est revenu à la charge un peu plus tard, en insistant longuement sur sa décision de condamner à trois mois de prison un homme arrêté en possession d’images pornographiques mettant en scène des enfants, alors que les procureurs réclamaient au moins deux ans de détention.
Il sortait tout juste du lycée et d’autres éléments du dossier étaient spécifiques, a justifié la magistrate. “Si vous regardiez plus largement la centaine de décisions que j’ai rendues, et celles des autres juges (…), vous verriez que nous essayons tous de prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents pour rendre la justice de manière individualisée”, a-t-elle ajouté.
Volant à son secours, plusieurs élus démocrates ont rappelé qu’au niveau national, 70 % des peines prononcées dans les affaires de pédopornographie étaient inférieures aux barèmes fixés par le Congrès.
Ces passes d’armes, dans une audition plutôt ronronnante, ne devraient pas faire dérailler la candidature de la juge Jackson. Nommée par le président Joe Biden à la Cour suprême, cette brillante juriste de 51 ans devrait, sauf surprise, obtenir le feu vert du Sénat début avril et devenir la première femme noire à siéger au sein de la haute juridiction.
“Théorie critique de la race”
Selon un sondage Politico-Morning Consult, 47 % des Américains souhaitent qu’elle soit confirmée et seuls 19 % s’y opposent.
Au-delà du symbole, son arrivée, pour remplacer le juge démissionnaire Stephen Breyer, ne modifiera pas les équilibres au sein du temple du droit américain, où les conservateurs garderont une solide majorité de six sièges sur neuf. Pour toutes ces raisons, la plupart des élus républicains ne se battent pas férocement pour contrer sa candidature.
Mais ceux qui nourrissent des ambitions présidentielles ont utilisé son audition pour faire résonner leurs thèmes de prédilection. Au-delà de son coup d’éclat sur les pédophiles, Ted Cruz a également laissé entendre que la juge Jackson soutenait la “théorie critique de la race”. Dans l’esprit des conservateurs, cette théorie est enseignée à l’école et oblige les enfants blancs à se voir comme des oppresseurs et les enfants noirs comme des victimes.
“C’est une théorie académique qui analyse le racisme au niveau institutionnel” et “n’est enseignée à mon sens qu’en faculté de droit”, a-t-elle rétorqué. “Mais je ne l’ai jamais étudiée ni utilisée dans mon travail de juge et je ne le ferai pas si je suis confirmée à la Cour suprême.”
Guantanamo
D’autres élus républicains lui ont reproché d’avoir défendu des détenus de Guantanamo ou des criminels endurcis quand elle était avocate dans les services d’aide juridictionnelle à Washington de 2005 à 2007. Aux États-Unis, tout accusé a droit à un avocat, a-t-elle répondu : “c’est ce qui fait notre grandeur”.
“Des membres de ma famille sont sur la ligne de feu, donc je suis très attachée à la sécurité publique”, a-t-elle également souligné, en rappelant que son frère et deux de ses oncles étaient ou avaient été policiers.
Se disant “troublé” par le fait que plusieurs “associations gauchistes” soutiennent sa candidature, le sénateur républicain Lindsey Graham lui a demandé si elle était “militante”. “Non”, a-t-elle rétorqué. “Je n’importe pas mes vues personnelles ou mes préférences” dans mes décisions, a-t-elle martelé à plusieurs reprises.
Sur les sujets politiques, conformément aux usages, elle s’est montrée évasive. Elle a notamment refusé de se prononcer sur les appels, émis par plusieurs élus et associations de gauche, à créer de nouveaux sièges au sein de la Cour suprême pour diluer l’influence des magistrats conservateurs. “À mon avis, les juges ne doivent pas parler de politique.”
Avec AFP