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Champagne, voitures de luxe… le mode de vie de l’élite russe dans le collimateur des Occidentaux

L’Union européenne et le Royaume-Uni ont emboîté le pas aux États-Unis en annonçant, mardi, l’interdiction de l’exportation de produits de luxe vers la Russie, une mesure qui ne devrait pas bouleverser le train de vie des oligarques, mais qui porte un message politique à l’ensemble de la population russe. Explications.

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Entre la chute du rouble et la baisse du pouvoir d’achat, les sanctions contre la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, ont déjà des conséquences très concrètes pour la population russe. Mais les Occidentaux cherchent surtout à rendre la vie de plus en plus difficile à une poignée de personnalités proches de Vladimir Poutine.  

Saisie de biens, gel d’avoirs, les sanctions visent désormais directement le goût du luxe des élites russes. L’Union européenne a en effet interdit, mardi 15 mars, l’exportation vers la Russie de ses berlines haut de gamme, de son champagne, ses bijoux et autres articles prisés des oligarques.

Ne sont toutefois concernés que les biens d’une valeur supérieure à un certain seuil fixé, par exemple, à 50 000 euros pour les voitures.

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“Ceux qui soutiennent la machine de guerre de Poutine ne devraient plus pouvoir profiter de leur style de vie somptueux pendant que des bombes tombent sur des innocents en Ukraine”, a expliqué Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Le Royaume-Uni a pris une décision similaire en imposant un embargo sur la mode et les œuvres d’art.

Une décision analogue avait été prise quelques jours auparavant par les États-Unis. La mesure est exceptionnelle, car jusqu’à présent, seule la Corée du Nord faisait l’objet de restrictions sur l’exportation de produits de luxe.

“Le message s’adresse ici aux élites et consiste à leur faire comprendre qu’il est encore temps de se détacher de Vladimir Poutine”, explique à France 24, Jean Vercueil, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), qui note un rapport “schizophrénique” des oligarques au luxe européen ou américain. “L’Occident est un modèle pour tout ce qui concerne la consommation ostentatoire, mais dans leurs discours, les élites sont contraintes de conspuer cet Occident décadent. Car ses valeurs ne sont pas celles de Vladimir Poutine”, analyse ce spécialiste de l’économie des états post-soviétiques.

Mode de vie “distingué”

Cependant, ces nouvelles sanctions ont peu de chances de bouleverser le mode de vie fastueux de ces hauts gradés, chefs d’entreprise et hommes politiques qui gravitent autour du Kremlin.

“Cela reste compliqué de faire la chasse à ces gens, qui ont un pouvoir financier surdimensionné parce qu’ils voyagent ou ont parfois une double nationalité”, précise Bruno Lavagna, auteur de “Géopolitique du luxe” (ed.Eyrolles), joint par France 24.

Comme l’explique Courrier international, de “riches oligarques russes quittent leur pays pour s’installer et investir aux Émirats arabes unis ou en Turquie. Une manière de protéger leurs actifs financiers, mais aussi d’avoir “un mode de vie distingué”, affirme le quotidien émirati Al-Bayan.

>> À lire : Gaz, oligarques, finance… Comment la Russie se protège des sanctions occidentales

Parmi eux, Roman Abramovitch, propriétaire du club de football britannique de Chelsea, dont l’avion a déjà atterri plusieurs fois à Istanbul depuis le début du mois de mars. Contrairement à ses voisins européens, la Turquie n’impose pas de restrictions aux avions russes ou aux luxueux yachts qui ont jeté l’ancre dans ses ports ces dernières semaines.

Enfin, pour s’approvisionner en champagne, vêtements et horlogerie de luxe, le Kazakhstan apparaît comme une porte d’entrée idéale pour les Russes les plus fortunés. “Il existe une union économique eurasiatique qui permettra aux élites russes d’acheter ces produits sans droits de douane supplémentaire”, précise Jean Verceuil.

La Russie, palme d’or des inégalités en Europe

Mais le message envoyé par ces nouvelles sanctions ciblant spécifiquement les produits de luxe ne s’adresse pas qu’aux oligarques. Il s’agit également d’accentuer le divorce entre ces super riches et le reste de la population.

“Une majorité de Russes est heurtée par les inégalités qu’ils observent autour d’eux et la manière dont ces fortunes ont été constituées”, assure Jean Verceuil.

La Russie est le pays le plus inégalitaire d’Europe. Selon un rapport du Crédit Suisse, 1 % de la population russe concentre 74,5 % des richesses nationales et 10 % détiennent 89% des biens.

Ces inégalités sont le fruit d’une augmentation stratosphérique des hauts revenus dans les années 1990 liée à l’accaparement du système économique par une poignée d’hommes d’affaires. L’écart a continué de se creuser à la faveur d’une hausse continue du prix des matières premières.

Les Russes capables de dépenser plusieurs milliers d’euros pour un sac à main Chanel ou Prada ne représentent qu’une infime partie de la population. Contrairement au cliché véhiculé par le milliardaire bling-bling, amateur de montres Rolex et de champagne Dom Pérignon, le marché russe n’est donc pas primordial pour les géants du secteur.

Selon LVMH, leader mondial avec des marques comme Christian Dior, Kenzo ou encore Moët et Chandon, la Russie ne représente que 2 % de son chiffre d’affaires. Pour le champagne, la Russie achète chaque année environ 1,5 million de bouteilles, soit 0,5 % du marché. Une goutte d’eau, si on le compare aux 34 millions de bouteilles vendues en 2021 aux États-Unis.

>> Guerre des appellations d’origine : la France reprend ses exportations de champagne vers la Russie

“Les acheteurs russes pèsent environ 5 % du marché mondial. Le monde du luxe pourra donc s’en remettre, car il est extrêmement résilient comme l’a démontré la crise sanitaire”, résume Bruno Lavagna. “Il faut également noter qu’il est solidaire de la communauté internationale”, ajoute le spécialiste du monde du luxe.

Dès le début du mois de mars, plusieurs grands groupes ont effet affiché leur soutien à l’Ukraine en fermant temporairement leurs boutiques en Russie. Certains, comme LVMH, ont annoncé qu’ils continueraient à payer leurs employés dans le pays.

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