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Guerre en Ukraine : faut-il avoir peur d’un défaut de paiement de la Russie ?

La Russie risque de ne pas pouvoir rembourser, mercredi, 117 millions de dollars qu’elle doit à des créanciers internationaux. Elle ferait alors défaut sur sa dette externe pour la première fois depuis la révolution de 1917. Un symbole fort, dû aux sanctions imposées après le début de l’invasion russe en Ukraine, mais dont les conséquences seraient limitées.

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Deux Vladimir, un même défaut. La Russie de Vladimir Poutine risque fort, mercredi 16 mars, de ne pas rembourser ses créanciers internationaux. La dernière fois que le pays a, ainsi, fait défaut sur sa dette externe remonte aux débuts de la révolution bolchévique, en 1918, lorsque Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, était aux commandes.

Un défaut de paiement de Moscou “n’est plus improbable”, a averti Kristalina Georgieva, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), dimanche 13 mars. Les principales agences de notation – Fitch, Standard & Poor et Moody’s – ont toutes rétrogradé la dette russe aux statuts d’investissement toxique, signalant leur peu de foi dans la capacité de remboursement de l’État russe.

La menace de payer en roubles

Ce pessimisme généralisé concerne un paiement de 117 millions de dollars que la Russie doit effectuer mercredi. Ce n’est rien et, il y a encore un mois, l’idée que Moscou soit incapable de rembourser cette dette aurait fait sourire n’importe quel investisseur. “La Russie était dans une situation fiscale des plus confortables, grâce aux importants revenus gaziers et pétroliers et aux plus de 630 milliards de dollars de devises étrangères détenues par la Banque centrale russe”, rappelle le Wall Street Journal

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Mais depuis, Vladimir Poutine a lancé l’invasion en Ukraine, incitant les puissances occidentales à multiplier les sanctions économiques afin de priver le Kremlin du fameux “nerf de la guerre” : l’accès à l’argent.

“Ce qui a pris le pouvoir russe par surprise, c’est la décision américaine de geler les avoirs en dollars de la Banque centrale russe”, souligne Sergueï Popov, économiste à l’université de Cardiff, contacté par France 24. L’histoire ne bégaie donc pas complètement puisqu’en 1917, Lénine avait décidé de ne pas rembourser les dettes contractées par le régime tsariste. Aujourd’hui, même si la Russie voulait payer, elle n’aurait tout bonnement pas accès aux fonds (en dollars) nécessaires pour éponger son ardoise, aussi faible soit-elle.

Anton Silouanov, ministre russe des Finances, a d’ailleurs averti que les dettes dues aux investisseurs des “pays qui se sont montrés hostiles envers la Russie seraient payées en roubles”. De quoi donner des sueurs froides à ces créanciers internationaux, puisque la monnaie russe est actuellement en chute libre. Ils pourront peut-être être payés en rouble l’équivalent de ce qui leur était dû en dollar un jour, mais le lendemain cette somme versée vaudra probablement beaucoup moins.

Mais cette astuce ne permettra pas à Moscou d’échapper au défaut de paiement. Les créances dont les intérêts doivent être payés mercredi sont à régler en dollars, donc “techniquement, payer en rouble est une rupture du contrat qui équivaut à un défaut de paiement”, résume Sergueï Popov.

Très différent du défaut de paiement de 1998

Défaut de paiement qui n’interviendra pas tout de suite, car il y a toujours une période de grâce de trente jours pour laisser une chance aux négociations sur la dette. Sauf qu’en l’occurrence, l’humeur n’est pas trop au règlement à l’amiable. “La période de grâce peut être raccourcie par les agences de notation [qui ont l’autorité de déclarer qu’un débiteur ne peut pas payer] si elles estiment que la Russie n’a pas la volonté de trouver un compromis”, souligne la chaîne américaine CNN.

Ce défaut de paiement probable fait ressurgir le spectre de 1998, quand la Russie n’a pas payé une partie de ses dettes pour la dernière fois. À l’époque, la quasi faillite de l’État avait entraîné une profonde crise économique dans le pays. Le chômage avait explosé, passant d’environ 8 % à près de 12 % en un an, tandis que les prix avaient grimpé de plus de 80 % en 1999.

Si l’histoire venait à se répéter, peut-être que la population russe se révolterait contre le maître du Kremlin pour sa décision d’entraîner le pays dans une guerre coûteuse ? C’est loin d’être sûr. Sans même évoquer les incertitudes liées à un soulèvement populaire en Russie, le défaut de 2022 n’a rien à voir avec celui de 1998.

“À l’époque, c’était un défaut sur la dette interne, détenue par des banques et entreprises russes. Autrement dit, elles ne pouvaient plus fonctionner correctement, car elles comptaient sur le remboursement par l’État des créances qu’elles détenaient. Cette fois-ci ce ne sont que des investisseurs étrangers qui sont concernés, ce qui n’a pas d’impact direct sur la vie des Russes”, résume Sergueï Popov.

La seule conséquence concrète, si Moscou ne peut pas rembourser, est que le pays n’aura plus accès aux marchés internationaux de capitaux pour lever des fonds. “Cela ne tracasse pas Vladimir Poutine outre mesure en ce moment”, estime Sergueï Popov. D’autant que l’État russe se finance davantage sur le marché intérieur que sur l’emprunt à des créanciers internationaux.

Limiter les ambitions guerrières de Poutine

Ce qui peut avoir un impact plus fort sur la détermination guerrière du président russe, ce sont toutes les entreprises étrangères qui se retirent du marché russe. Ce grand départ signifie “que tout ce qui était fabriqué à l’étranger et dont l’économie russe a besoin ne sera bientôt plus disponible”, explique Sergueï Popov. Certaines parties des avions sont construits par des groupes étrangers, tout comme des pièces de rechange pour des tracteurs utilisés dans les champs de céréales ou encore les machines-outils qui servent aux usines de transformation du pétrole en gasoil.

Toute la question est de savoir quand les stocks russes seront épuisés. Ce ne sera peut-être pas suffisamment rapide pour que cela ait un impact sur l’offensive en Ukraine, mais “l’idée est d’éviter que Vladimir Poutine pousse ses ambitions encore plus loin, que ce soit en Pologne ou en Estonie, par exemple”, estime Sergueï Popov. Sans pièces de rechange pour réparer les avions ou les capacités de produire rapidement du carburant pour les tanks, mener une guerre devient beaucoup plus difficile.

Mais avant d’en arriver là, le défaut de paiement qui se profile à l’horizon pourrait frapper durement des banques ou entreprises occidentales. En 1998, l’un des plus importants fonds d’investissement américain avait failli mettre la clef sous la porte, alors que le défaut (de paiement) russe était avant tout une affaire interne, rappelle le Financial Times. Cette fois-ci, Moscou menace directement de ne pas rembourser ses créanciers internationaux. Certains grands groupes risquent gros, comme le fonds d’investissement américain Pimco qui pourrait perdre plus de 1 milliard de dollars, souligne Bloomberg.

Cependant, Moscou a pris soin, depuis 2014, de ne pas emprunter trop d’argent à des créanciers internationaux. En tout, l’État russe doit seulement environ 70 milliards de dollars à des banques ou fonds d’investissement étranger. Pas de quoi déstabiliser le système financier international si la Russie venait à ne rien rembourser. “L’affaire GameStop [des petits investisseurs ayant misé sur des groupes en perte de vitesse en Bourse, faisant perdre des milliards à des grands fonds qui pariaient sur la chute de ces valeurs] a eu un impact plus important que ce que pourrait avoir le défaut de paiement russe”, estime Sergueï Popov. Et lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, elle devait un peu plus d’argent encore aux créanciers internationaux et malgré cela, il n’y a pas eu de choc financier mondial.

Mais le jeu des comparaisons historiques a ses limites, avertit Capital Economics, un cercle de réflexion financier nord-américain qui a publié, début mars, une note d’analyse sur les conséquences d’un défaut russe. Le principal danger viendrait d’une banque ou d’un fonds d’investissement qui aurait trop investi en Russie et se retrouverait au bord de la faillite parce que Moscou ne peut plus rembourser. Et l’existence d’un tel mouton noir ne sera connu que si la Russie fait réellement défaut.

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