Près de 39 millions de Colombiens sont attendus aux urnes ce dimanche pour renouveler les deux chambres du Parlement et désigner les candidats qui s’affronteront le 29 mai à la présidentielle, où la gauche, pour la première fois dans l’histoire du pays, part favorite.
Avec la présidentielle de mai en ligne de mire et une poussée attendue de la gauche face à la droite au pouvoir, les Colombiens votent, dimanche 13 mars, pour renouveler les deux chambres du Parlement.
Les électeurs doivent choisir pour quatre ans les 296 membres du Sénat et de la Chambre basse, un Parlement sortant contrôlé par une droite au pouvoir à bout de souffle, et à l’image considérablement ternie par les affaires de corruption.
Dans un pays où la violence des groupes armés s’est accrue de façon alarmante ces dernières années, le gouvernement conservateur du président Ivan Duque a assuré avoir mis en place les “garanties complètes” pour le bon déroulement du processus électoral.
Un scrutin sous haute sécurité
Près de 241 000 policiers et militaires ont été mobilisés. Dont 33 000 soldats déployés dans des “zones stratégiques” particulièrement touchées par l’insécurité, dans le Catacumbo et l’Arauca, frontaliers du Venezuela, ainsi que dans le Cauca et Narino dans le sud-ouest du pays, selon le ministère de la Défense. Ces hommes “seront directement présents dans les centres urbains, les zones rurales, les routes et, en particulier, dans les bureaux de vote”.
Alors que la Colombie est sortie accablée par les ravages économiques de la pandémie et blessée par la répression des manifestations massives du printemps 2021 contre le gouvernement, les analystes prévoient un vote de sanction contre le gouvernement sortant d’Ivan Duque.
Le parti de droite du “Centre démocratique va très probablement cesser d’être la première force politique du pays”, pronostique Alejo Vargas, politologue à l’Université nationale.
Un large éventail de mouvements sociaux, issus notamment de la contestation populaire de 2021, vont également pouvoir mesurer leur force face aux partis traditionnels, à l’égard desquels beaucoup de Colombiens disent leur lassitude.
Nouveauté de ces législatives, les victimes du conflit avec l’ex-guérilla marxiste des Farc, qui a déposé les armes grâce à l’accord de paix de 2016, auront leurs propres représentants au Parlement. Seize sièges leur sont spécialement réservés pour les deux prochaines législatures dans 167 municipalités, où le regain de violence fait cependant craindre pour la transparence du scrutin et alimente les soupçons de possible corruption.
Primaires pour la présidentielle
Dimanche, les électeurs auront également la possibilité de prendre part aux primaires des principaux partis pour choisir leur candidat à la présidentielle du 29 mai, à laquelle le chef de l’État sortant ne peut se représenter.
Dans ce système original, ils auront la possibilité de désigner, au choix, le candidat d’une des trois coalitions, de centre-droit (“Équipe Colombie”), de centre-gauche (“Coalition centre-espérance”) ou de gauche (“Pacte historique”).
La désignation du candidat de la gauche Gustavo Petro, un guérillero reconverti au “progressisme” social-démocrate, ne fait aucun doute. Selon tous les sondages, cet homme de 61 ans fait actuellement figure de favori face au camp conservateur divisé, miné par l’impopularité du gouvernement Duque et l’usure de son vieux champion, l’ex-président Alvaro Uribe, empêtré dans les démêlés judiciaires.
Candidat en 2018, Gustavo Petro avait perdu au second tour face à Ivan Duque. Son accession au pouvoir constituerait un séisme politique en Colombie, historiquement toujours dirigée par la droite conservatrice.
L’ancien maire de Medellin Federico Gutierrez est en bonne place pour remporter l’investiture du centre-droit, tandis qu’au centre-gauche, l’ex-gouverneur du puissant département d’Antoquia Sergio Fajardo est le favori.
Sept autres candidats sont d’ores et déjà inscrits pour la présidentielle, dont celui de droite Oscar Zuluaga, l’indépendant Rodolfo Hernandez, et l’ex-otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, créditée d’à peine 3 % des intentions de vote.
Pour le site d’analyse politique La Silla Vacia, “les consultations pour la présidentielle ont monopolisé presque toute l’attention”, éclipsant les débats des législatives, pour lesquelles aucune figure politique majeure n’est en lice.
“Le principal sujet de la campagne jusqu’à présent a été Petro”, observe ce site. “Au centre de l’attention, celui-ci a réussi comme personne à parler aux gens et aux médias, et a concentré le débat autour de ses propositions.”
Et “pour la première fois depuis vingt ans”, le leader historique de la droite Alvaro Uribe “n’est pas sous les feux de la rampe, son discours n’a aucun écho, son image est au plus bas et son candidat Oscar Zuluaga n’a aucune visibilité”.
Avec AFP