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Au Sri Lanka, treize ans après la fin d’une guerre civile qui aura duré un quart de siècle, les blessures restent béantes. Élu en 2019, le président Gotabaya Rajapaksa, vu par les Cinghalais comme un héros et accusé par les Tamouls de crimes de guerre, incarne cette fracture. Un reportage de Thomas Denis.
Les racines du conflit remontent à la colonisation britannique. Lorsque l’île de Ceylan obtient son indépendance en 1948, la majorité cinghalaise et bouddhiste prend le pouvoir. La minorité tamoule, hindoue et chrétienne est accusée d’avoir été proche des colons et se retrouve marginalisée.
En 1972, Ceylan devient le Sri Lanka et le bouddhisme religion d’État.
Mais dans le nord-est du pays, les indépendantistes tamouls s’organisent et un mouvement armé apparaît : les Tigres tamouls. Ils réclament la création d’un État indépendant, l’Eelam tamoul. Les tensions ethniques s’exacerbent.
En 1977, des affrontements entre des jeunes Tamouls et des policiers dégénèrent. Des émeutes anti-Tamouls éclatent à travers le pays et font plusieurs centaines de morts dans la minorité. La jeunesse tamoule se radicalise.
La guérilla des Tigres mène des opérations contre l’armée sri-lankaise. En 1983, 13 soldats sont tués dans une embuscade. En représailles, à travers tout le pays, des pogroms sont organisés contre les Tamouls. Ils vont faire plusieurs milliers de victimes. C’est le début de la guerre civile.
Elle durera jusqu’à ce que la guérilla des Tigres soit définitivement éliminée, en 2009. Le conflit fera au moins 100 000 morts, des centaines de milliers de déplacés et plusieurs dizaines de milliers de disparus. L’essentiel des victimes civiles sont des Tamouls.
Treize ans après, la réconciliation reste bien difficile. Le président actuel, Gotabaya Rajapaksa, est considéré comme un héros par les Cinghalais, mais il est accusé de crimes de guerre par les Tamouls. Dans l’ancienne zone de guerre, dans le nord-est du pays, des dizaines de milliers de femmes ont perdu leurs maris dans le conflit, tués ou disparus. Elles luttent pour s’en sortir et connaître la vérité. Pour elles, le deuil est impossible.
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