L’opposant russe en exil Mikhaïl Khodorkovski a accordé un entretien à France 24 depuis Londres. L’ancien oligarque estime que l’invasion russe de l’Ukraine est un “suicide” politique pour Vladimir Poutine, le maître du Kremlin ne “pouvant pas gagner en Ukraine, même s’il arrive à prendre Kiev ou Kharkiv”. Selon lui, cette guerre est le fruit d’une “décision émotionnelle” de Vladimir Poutine, qui a constaté que la situation ne tournait pas en sa faveur en Ukraine depuis 2014.
France 24 s’est entretenu avec Mikhaïl Khodorkovski, un opposant qui a passé dix ans de sa vie en prison, accusé notamment de fraude fiscale par le Kremlin. Une accusation toujours récusée par notre invité. Cet ancien oligarque, qui fut jadis l’homme le plus riche de Russie, vit désormais en exil à Londres, depuis sa libération en 2013.
Pour lui, Vladimir Poutine a été “profondément vexé” par les événements survenus en Ukraine depuis 2014, qu’il considère comme une manœuvre américaine pour le faire tomber. Sa décision d’envahir l’Ukraine est de nature “émotionnelle” selon notre invité, Vladimir Poutine constatant que les choses n’évoluaient pas en sa faveur. Même si Mikhaïl Khodorkovski reconnaît chez le président septuagénaire des “signes de paranoïa sénile”, ce dernier n’est pas selon lui un “fou au sens clinique”.
Le maître du Kremlin a néanmoins planifié cette opération en commettant “beaucoup d’erreurs”, estime Mikhaïl Khodorkovski, en raison de son isolement, lequel est symptomatique de “tous les leaders autoritaires”. Il a même commis “une erreur historique”, sans laquelle il aurait pu se maintenir au pouvoir jusqu’à sa mort selon l’homme d’affaires et opposant. Le président russe commet un “suicide” car “il ne peut gagner en Ukraine même en prenant Kiev et Kharkiv”.
Mikhaïl Khodorkovski prédit la “décomposition” du régime russe d’ici “un ou deux ans”. Notre invité concède que l’opinion publique russe soutient “plutôt” la guerre, du fait de la propagande du pouvoir, pour le moment. Mais il affirme que celle-ci changera “sous l’influence des faits” : lorsque des soldats russes reviendront dans leur pays dans des cercueils et quand la population paiera le prix économique de l’isolement international d’une Russie frappée par une inflation énorme.
L’ancien oligarque estime que Vladimir Poutine cherche à “gagner du temps” face à la contestation antiguerre qui se développe au sein de la population russe : pour endiguer les manifestations, il devra recourir à l’intervention de son armée et donc “dénuder” le front ukrainien.
Mikhaïl Khodorkovski se joint à l’appel à manifester contre la guerre lancé, depuis sa prison, par l’opposant Alexeï Navalny.
L’opposant russe reconnaît qu’il y a encore une semaine, il “aurait ri” à l’évocation d’une guerre nucléaire. Mais “plus aujourd’hui”, explique-t-il : “Poutine est prêt à utiliser les armes nucléaires tactiques”.
Mikhaïl Khodorkovski “suppose” toutefois que l’homme fort de Moscou n’est pas prêt à attaquer un pays protégé par le parapluie nucléaire comme l’Ukraine, ni qu’il mettrait “en péril la destinée de toute l’humanité” simplement pour tester la réaction de pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni.