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La menace russe pousse la Pologne dans les bras de ses partenaires européens

Habituellement positionné dans le camp des eurosceptiques aux côtés du Hongrois Viktor Orban, le président conservateur polonais, Andrzej Duda, opère un rapprochement de circonstance avec la France et l’Allemagne, à mesure que la Russie menace d’envahir l’Ukraine. En tentant de régler plusieurs contentieux l’opposant à l’Union européenne, la Pologne espère regagner quelques lettres de noblesse auprès de ses partenaires européens. 

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La Pologne serait-elle décidée à se rapprocher durablement de ses partenaires européens ? C’est ce que suggère la rencontre, mardi 8 février, entre le président polonais, Andrzej Duda, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président français, Emmanuel Macron. Face à la menace d’une invasion russe en Ukraine, les trois dirigeants se sont retrouvés à Berlin où ils ont affiché leur unité pour préserver la paix en Europe “par la diplomatie et par des messages clairs, ainsi que la volonté commune d’agir ensemble”, a fait savoir Olaf Scholz, l’hôte de ce dîner de travail. 

Un rapprochement qui ne convainc pas Dorota Dakowska, professeure de science politique à Sciences Po Aix, interrogée par France 24. “La photo était belle”, commente cette spécialiste de la Pologne et de l’Union européenne (UE), qui y voit avant tout un “rapprochement de circonstance sonnant comme une belle opération de communication”. La réunion des trois chefs d’État mardi a ressuscité, du moins en apparence, le fameux triangle de Weimar. Cette instance de coopération trilatérale entre Paris, Berlin et Varsovie a été inventée en 1991 après la réunification de l’Allemagne. 

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Le retour du triangle de Weimar

Or depuis plusieurs années, ce triangle avait pris la poussière, au grés des positions eurosceptiques de la Pologne, plus proche de la Hongrie du nationaliste Viktor Orban que du noyau dur européen.  

Mais “l’effet Poutine” est passé par là, et Andrzej Duda s’inquiète de la présence militaire russe aux frontières de son voisin ukrainien, mais aussi de la militarisation de plus en plus importante de l’enclave russe de Kaliningrad, située entre la Pologne et la Lituanie. Aussi le dirigeant polonais prône-t-il une ligne dure envers à Moscou. Une position qu’il défend bec et ongle sur tous les fronts, auprès de l’Otan, des Américains, y compris auprès de l’UE, quitte à mettre de l’eau dans son vin.

“Les apparences sont trompeuses”, souligne toutefois Dorota Dakowska : “Le gouvernement polonais actuel n’est toujours pas considéré comme un partenaire fiable de l’UE, notamment en raison de son non-respect de l’État de droit.” 

Pourtant des efforts ont été faits par la Pologne ces dernières semaines pour régler plusieurs contentieux qui l’oppose à ses partenaires de l’UE. En premier lieu, le président polonais a annoncé le 3 février la suppression de la chambre disciplinaire de la Cour suprême.  

Suppression d’un organe jugé non-conforme aux normes démocratiques européennes 

Cet organe, chargée de superviser les juges a le pouvoir en Pologne de lever leur immunité pour les exposer à des poursuites pénales ou de réduire leurs salaires. La Cour de justice de l’UE (CJUE) avait estimé, en juillet, que cette chambre n’était “pas à l’abri d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif”. En octobre, la CJUE avait donc imposé à la Pologne une amende journalière d’un million d’euros face à son refus de supprimer cet organe non-conforme aux normes démocratiques européennes. 

Une amende que Varsovie n’a toujours pas payée. Face à ce refus, la Commission européenne lui a réclamé le versement de près de 70 millions d’euros d’astreintes accumulées, menaçant même de les prélever directement sur des fonds européens destinés à la Pologne. 

Pour certains commentateurs, l’annonce du projet de loi visant à supprimer l’organe judiciaire soupçonnée de partialité, n’est qu’une tentative d’obtenir de l’argent de l’UE. Ils soulignent que la transformation disciplinaire de la Cour suprême en une “chambre de responsabilité professionnelle” pourrait n’être qu’un changement de façade. 

Dorota Dakowska abonde en ce sens. “C’est une avancée très timide”, explique-t-elle, rappelant qu’il existe toujours de nombreuses divergences sur la question de l’indépendance judiciaire en Pologne. L’UE continue en effet de se pencher sur d’autres cas problématiques, tel que la Cour constitutionnelle polonaise, où l’EÉat a nommé des parlementaires du parti ultraconservateur au pouvoir, Droit et Justice (PiS), faisant de cet autre organe une nouvelle institution “à la botte du pouvoir”. 

Un accord sur une mine de charbon polluant les voisins européens 

Autre point de friction avec ses alliés européens :la mine géante de charbon de Turow exploitée par les Polonais depuis 1904 à la frontière avec la République tchèque et l’Allemagne. 

Prague se plaignait depuis plusieurs années des conséquences (bruit, poussières, appauvrissement des réserves souterraines en eau) de l’exploitation de ce gisement. Saisie par la République tchèque, la CJUE a ordonné en mai 2021 la cessation “immédiate” de l’exploitation de Turow en raison d’effets nocifs pour l’environnement, lui infligeant une astreinte de 500 000 euros par jour jusqu’à l’arrêt de la mine.  

>> À lire aussi sur france24.com : Mine de Turow en Pologne : le charbon de la colère

Mais Varsovie a jusqu’ici refusé de payer, fustigeant une “sanction illégale” et jugeant Turow indispensable à la sécurité énergétique du pays. Or Andrzej Duda a subitement mis fin au contentieux, en signant le 3 février 2022 un accord avec son voisin tchèque. Hasard du calendrier ? Ce règlement à l’amiable intervient le même jour que l’annonce de la suppression de la chambre disciplinaire de la Cour suprême. 

Un nouveau geste perçu comme une volonté de solder les comptes avec l’UE, à l’heure où la crise ukrainienne pousse Varsovie à un rapprochement. 

Mais encore une fois, la Pologne agit parce qu’une amende record lui pend au nez. Et de nouveau, Varsovie risque de devoir payer. Bruxelles a envoyé le 8 février un signal de fermeté, en décidant de prélever dans les fonds européens destinés à Pologne les jours d’astreinte dus, avant l’accord à l’amiable avec la République tchèque. Une sanction estimée à environ 15 millions d’euros que la Pologne entend contester par “tous les moyens légaux”. 

Pour Dorota Dakowska le gouvernement polonais pourrait bien n’avoir d’autres choix que de se montrer de plus en plus “pragmatique” à mesure que la Russie poursuit sa politique agressive. D’autant que Andrzej Duda manque cruellement d’alliés en Europe depuis que son ami Viktor Orban “a lâché la Pologne” pour se rapprocher de Vladimir Poutine en allant négocier un accord gazier à Moscou début février.  

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