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Portrait : pour Thilde Karlsson, l'environnement au nom des siens

Tout au long de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, France 24 part à la rencontre des jeunes citoyens européens participant à l’évènement. Près de 800 Européens originaires des 27 pays de l’UE sont concernés. Parmi eux, un tiers a moins de 25 ans. Quelles sont leurs attentes en matière de migration, d’environnement, de santé, ou de climat ? Quels sont leurs projets et l’origine de leur implication ? Premier volet de cette série avec Thilde, une jeune Suédoise engagée pour l’environnement. 

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Thilde est Suédoise, elle a 21 ans. Elle a été tirée au sort pour participer à la Conférence sur l’avenir de l’Europe l’été dernier et travaille désormais au sein du panel 3 de la conférence qui se penche sur l’environnement et les questions de santé.

“Au départ, quand on m’a contactée pour faire partie de la conférence je ne voulais pas vraiment y croire. J’ai même pensé à une mauvaise blague… Et puis après vérification, j’ai dit ‘ok allez, je me lance à l’eau’ : c’est une vraie opportunité et c’est très important de pouvoir faire entendre ma voix”, explique-t-elle. Et elle poursuit : “En tout, on est assez nombreux (environ 800 panélistes venus des 27 pays de l’UE, NDLR) mais on n’est pas très nombreux à venir de Suède et encore moins à venir de la campagne suédoise. Et je pense qu’il est important de parler des problèmes auxquels on fait face ici. Je suis très reconnaissante envers cette conférence de me permettre de le faire.” 

Dans son pays – qui compte un peu plus de 10 millions d’habitants – le réchauffement climatique prend de plus en plus de place dans les préoccupations des citoyens. À en croire le sondage Eurobaromètre publié en mars dernier, 64 % des Suédois se disent préoccupés par les problématiques environnementales.

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Pour Thilde, cet engagement est rapidement devenu une évidence. 

Des incendies hors du commun

“Ici, le réchauffement climatique, on y est directement confrontés”, affirme la jeune femme. “En 2018, les bêtes n’avaient plus assez d’herbe pour manger correctement. On ne pouvait plus nourrir les animaux. C’est devenu difficile. Les gens étaient en panique et tentaient de trouver des solutions, du fourrage… À ce moment-là, évidemment vous ressentez beaucoup de tristesse pour eux, parce qu’ils n’avaient plus rien à manger, et puis de la détermination aussi parce que les animaux ne devraient pas avoir à vivre des moments comme ceux-là. Ce sont nous les humains qui ruinons la planète, pas eux.” 

Thilde Karlsson, près de Karlskrona en Suède : "Ce sont nous les humains, qui ruinons la planète, pas eux, les animaux."
Thilde Karlsson, près de Karlskrona en Suède : “Ce sont nous les humains, qui ruinons la planète, pas eux, les animaux.” © France 24

Dans son champ à quelques pas de la ferme familiale, Thilde marche au milieu d’une dizaine de brebis. L’évocation de l’été 2018 est forcément éprouvante tant il rappelle de mauvais souvenirs. Il a d’ailleurs servi de détonateur à travers le pays, forçant tout le monde à prendre conscience du problème. L’herbe était sèche depuis le mois de mai, la sécheresse et la chaleur qui ont suivi ont fait le reste : 25 000 hectares de forêts sont alors partis en fumée. Des incendies hors du commun qui ont traumatisé le pays. 

>> À lire sur France 24 : Incendies en Suède et en Grèce : les canicules amenées à se multiplier en Europe

“Les feux sont arrivés jusqu’à 200 mètres de la maison. J’étais dehors en train de jouer avec mon chien quand j’ai vu arriver les hélicoptères chargés d’eau. C’était quelque chose de totalement nouveau. Je n’avais jamais vu ça ici avant”, explique-t-elle. “Bien sûr je savais que ça arrivait en Italie, en Espagne, dans le sud de la France ou en Grèce mais je ne l’avais pas vécu. C’était si proche de moi et assez effrayant.”

Et elle se souvient : “Il a fallu mettre à la va-vite les objets de valeur de la maison dans la voiture, au cas où le feu se rapprocherait trop de la maison. À ce moment-là, c’est sûr, j’ai pris conscience qu’il fallait faire quelque chose. Mais c’était un peu bizarre Je n’étais pas préparée à ça. Je me disais ‘ça n’est pas possible, ça ne peut pas arriver ici et maintenant’… On doit arrêter ça, on doit changer ça maintenant.” 

>>À lire sur France 24 : Incendies : la solidarité de l’Union européenne dans le feu de l’action

Les feux de forêt avaient pu être contenus grâce à la plus importante opération européenne de protection civile jamais menée jusqu’alors. Mais avec les épisodes de réchauffement projetés par les météorologues, le pays a dû revoir sa stratégie en la matière. Les épisodes de réchauffement devraient se multiplier dans les prochaines années et la Suède pourrait compter entre deux à six semaines de sécheresse par an. 

Selon Thilde, “avant, dans le sud du pays, on avait de la neige avant Noël mais maintenant il faut bien souvent attendre janvier ou plus tard. En novembre désormais, plus vraiment besoin de manteau. Le temps a beaucoup changé, hiver comme été, et particulièrement ces dix dernières années.”  

Une réforme des transports en zone rurale 

Thilde souhaitait devenir agricultrice mais a finalement changé de voie et choisi de s’engager professionnellement dans la petite enfance. L’idée de devoir travailler au sein d’une grosse exploitation ne correspondait pas à ses attentes. Mais le changement climatique l’a décidée à sauter le pas et à agir. Sur un autre front.

“J’ai envie de m’impliquer pour moi mais aussi pour mes frères et sœurs, et pour mes enfants plus tard”, explique-t-elle. “Ils ne méritent pas ce qui est en train de se passer. Ils méritent un meilleur environnement, on le mériterait tous. Mais eux sont jeunes  : ils ne conduisent pas de voitures, ils n’ont pas choisi de grandir dans un monde comme celui-là”. 

"Nous avons besoin de transports en commun en zone rurale pour changer les choses".Thilde Karlsson, 21 ans
“Nous avons besoin de transports en commun en zone rurale pour changer les choses”.Thilde Karlsson, 21 ans © france 24

Au sein de la conférence sur l’avenir de l’Europe, la jeune Suédoise a ainsi très vite trouvé ses marques et impressionné par son calme et sa détermination. Dès les premières réunions de son panel, Thilde a plaidé en faveur d’une réforme des transports en commun dans les zones rurales. 

“Nous avons besoin de ces transports en commun pour changer les choses. La voiture est centrale dans nos vies, et pour cause : il n’y a quasiment pas de bus, un par jour à 7 h. C’est un vrai problème, il va falloir le régler”, explique Thilde.

Et elle poursuit : “On nous demande – à juste titre – de réduire notre utilisation de la voiture mais ici c’est bien souvent notre unique solution. Pour aller à ma formation, j’ai besoin de ma voiture. Pour aller au travail, pareil, voiture. Pour aller faire des courses, ou si je veux aller en ville, j’ai besoin de ma voiture. C’est un problème pour moi, c’est un problème pour ma famille (on est obligés d’avoir plusieurs voitures) et pour les gens de la campagne en Suède. Mais je crois que ça concerne beaucoup de gens en Europe qui vivent à la campagne.”

À la tribune du Parlement européen à Strasbourg

Thilde Karlsson lors de son discours devant le Parlement européen, le 24 octobre 2021.
Thilde Karlsson lors de son discours devant le Parlement européen, le 24 octobre 2021. © France 24

Désignée ambassadrice de son panel, Thilde siège désormais aussi au sein de l’Assemblée plénière de la conférence et peut désormais porter son message régulièrement à Strasbourg, notamment face aux députés européens qui y travaillent. Ce message, elle le martèle, elle l’a porté au point d’en faire une thématique de son groupe de travail. Agir, s’engager, c’est dans l’ADN familial. Le père de Thilde s’est impliqué en politique il y a quelques années au niveau local. Il était responsable des thématiques d’emploi sur la circonscription. Lors d’un dîner chez sa fille, en novembre dernier, Thilde et lui évoquent les échanges au Parlement quelques heures seulement après la fin de la session parlementaire hybride. Discret mais attentif, il observe l’engagement de sa fille de loin mais avec sans doute une forme de satisfaction. 

“On n’en parle pas très souvent, je reste généralement un peu à l’écart, mais c’est très intéressant de suivre cette conférence et leurs travaux. Qu’on le veuille ou non, tout dans notre vie est lié à la politique ou à des décisions politiques. Je pense que tout le monde devrait une fois dans sa vie avoir l’opportunité de s’engager en politique pour faire changer les choses”, explique son père. “Alors c’est important de voir qu’elle (Thilde) peut s’exprimer et s’engager pour une autre politique au niveau européen, qu’elle puisse également tenter de proposer des solutions. Quelque fois je suis un peu jaloux, je crois que j’aurais bien aimé aller au Parlement européen moi aussi. Quand je l’ai vue prendre la parole à Strasbourg lors de la session plénière cet automne, elle m’a vraiment impressionné. J’ai même été assez fier je dois le reconnaître. L’endroit est assez imposant c’est un endroit particulier. Ça n’est pas facile de prendre la parole dans ces conditions, cela peut rendre nerveux. Tout le monde ne parvient pas à prendre la parole avec autant de facilité.”

“Oh, bien sûr, j’ai été un peu nerveuse avant, mais quand je me suis levée pour parler, la question ne s’est pas vraiment posée”, se rappelle Hilde. “Quand tu es passionnée, portée par ton engagement, tu sais ce que tu veux et du coup tu sais aussi ce que tu veux dire. J’étais juste concentrée sur ce que je voulais dire et sur la meilleure façon de faire passer mon message. Mais je crois que j’aurais pu faire un peu plus : j’ai attendu qu’on me donne la parole alors que certains la prennent et parlent. Quand je m’exprime, je tente d’être assez synthétique et claire.”

Elle poursuit : “Mais j’aurais aimé parler peut-être un peu plus d’un autre aspect : le transport des marchandises par les trains, par exemple, pour réduire le transport routier. Je pensais que d’autres personnes l’évoqueraient, ça n’a pas été le cas. J’essaierai sans doute de l’évoquer la prochaine fois. Chacun essaie d’avancer ses problèmes et on essaie de chercher des solutions ensemble. Cette conférence me permet à la fois de donner mon avis en tant que citoyenne qui vit en zone rurale mais aussi d’apprendre beaucoup sur les besoins et les problèmes des citadins auxquels je ne suis pas directement confrontée.”

"Quand je l’ai vue prendre la parole au Parlement de Strasbourg lors de la session plénière cet automne, elle m’a vraiment impressionné", raconte le père de Thilde Karlsson, lors d'un échange de débriefing au dîner.
“Quand je l’ai vue prendre la parole au Parlement de Strasbourg lors de la session plénière cet automne, elle m’a vraiment impressionné”, raconte le père de Thilde Karlsson, lors d’un échange de débriefing au dîner. © France 24

Engagée, déterminée, Thilde ne veut pas forcément en rester là. Elle prend son rôle très à cœur et veut faire bouger les choses. Déçue par les débats de la COP26 à l’automne à Glasgow, elle croit fermement en l’action de l’Europe et des citoyens européens en la matière.

Moins radicale peut-être que sa compatriote Greta Thunberg, Thilde n’en demeure pas moins exigeante : “Je trouve que les hommes politiques ne font pas assez. Il faut passer aux actes, on n’a plus le temps de parler, de faire des beaux discours. On ne veut plus de beaux parleurs, on veut des ‘faiseurs’, passer à l’action.”

“Les thématiques environnementales, on en entend parler depuis que je suis née et même bien avant. Je sais que c’est dur et que c’est aussi assez impopulaire, alors ils préfèrent renoncer… Mais je ne veux pas perdre tout ça, cette nature, ça serait horrible”, poursuit Thilde. “La Terre ne peut pas survivre à ce qu’on lui inflige, on doit protéger cet environnement. Je crois que tout le monde le sait. On doit le faire. Tout le monde pense aux gros changements mais on oublie qu’on peut commencer par des petits changements. On peut tous le faire : vous, nous. J’aimerais que les gens comprennent qu’on peut tous avoir un gros impact. Tout le monde a un rôle à jouer à son échelle. On ne pourra pas résoudre nos défis avec la moitié de la population. On aura besoin de tout le monde pour essayer d’en venir à bout.”

Engagée, motivée, déterminée, Thilde portera ce message ce week-end à Natolin, près de Varsovie, où se réunira son panel. L’occasion de faire une nouvelle fois entendre sa voix et celle des habitants des zones rurales. Son père suivra forcément cela à distance depuis leur ferme dans le sud de la Suède, près de Karlskrona. Il sera secrètement un peu jaloux. Admiratif aussi de son engagement et de ce combat entamé.

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