Selfie devant un mur délabré, bubble tea sur une table qui ressemble à une boîte de munition : sur les réseaux sociaux chinois, les influenceurs assurent la promotion d’un design qu’ils ont baptisé “style syrien”, semblable à un décor ravagé par la guerre.
“Je viens de tester LE nouveau café “style syrien” dont tout le monde parle ! C’est l’endroit idéal pour faire vos photos” commente une jeune Chinoise sur Xiaohongshu, sorte d’Instagram chinois où les influenceurs échangent leurs adresses et bons plans pour se prendre en selfie. Elle n’est pas la seule à être emballée : ces cafés de “style syrien” cartonnent.
Avec leur design semblable à un lieu dilapidé ou bombardé, en écho aux habitations et constructions syriennes ravagées par la guerre.
Si vous pensez y trouver un excellent houmous ou de savoureux baklavas, vous faites fausse route. Ici c’est la décoration qui prime, et elle n’est pas commune. Des briques rouges poussiéreuses qui apparaissent sous du plâtre faussement délabré, des murs cassés ou des tuyaux de canalisations apparents : voilà ce qui fait ce “style” syrien qui s’est répandu depuis à partir de 2020 dans les cafés et restaurants en Chine. Associé à d’autres styles populaires en Chine, comme le style “industriel” et le style minimaliste, le style “syrien” est en fait un terme utilisé en général pour qualifier tout ce qui a une apparence délabrée, que cela soit volontaire ou non. Mais le “style syrien” est devenu un véritable phénomène de mode en lui-même.
La “tendance” est portée par des milliers de petits et grands influenceurs qui partagent leurs clichés et vidéos du nouveau “style syrien” à la mode sur Xiaohongshu et sur Douyin, la version chinoise de TikTok.
Ces influenceurs s’intéressent avant tout à la décoration optimale pour leurs photos, et la qualité de la nourriture. “Grâce à quelques touches de lumière, le style de décoration “réfugié” devient très chaleureux” commente ainsi une jeune fille sur Xiaohongshu pour recommander ’un restaurant à Wuhan. “Ce restaurant style “destruction syrienne” vous occupera pour une longue séance photo” indique une autre au sujet d’un restaurant à Shantou (Canton).
Certaines enseignes ne se limitent pas qu’à l’appellation et poussent encore plus loin le “style syrien” allant jusqu’à proposer des zones “réfugiées” avec de la musique “triste” et des jouets ou autres objets du quotidien faussement détruits, comme le rapporte un article de “Vice”.
Interrogé par le média américain, le propriétaire d’un café “style syrien” dit comprendre que le terme puisse être problématique, mais il explique que cette appellation lui permet d’attirer une importante clientèle via les réseaux sociaux.
Le “style syrien” ne se limite pas aux derniers cafés et restaurants “branchés”, il s’invite également dans les intérieurs chinois.
Sur Douyin (TikTok) on trouve plusieurs tutoriels pour réaliser sa propre décoration “style syrien” comme cette vidéo qui montre comment donner à ses murs un air faussement endommagé à l’aide de micro-ciment, ou encore celle-ci, pour créer un “effet” brique. Les sites chinois de vente en ligne comme Tao Bao proposent également de nombreux articles dans ce style.
Il existe même des logements entiers en “style syrien”, comme on peut le voir sur cette vidéo d’un agent immobilier, qui propose un appartement de 109 m2 pour trois à Guilin.
Malgré ce succès, le “style syrien” fait débat sur les réseaux sociaux chinois. Alors que certains ne voient pas le problème, d’autres s’en indignent et tentent de pointer l’indécence d’une telle appellation.
D’autant plus que “style syrien” est une appellation utilisée de manière générale pour qualifier les objets et lieux aux apparences délabrées – que ce soit de façon volontaire ou non. D’autres termes, tel que “en ruine”, “style industriel” ou “style minimaliste” sont en outre utilisés pour décrire le design en question.
Se rendre dans un lien au “style syrien” serait un moyen pour une blogueuse de “rappeler les difficultés et les désastres causés par la guerre !” dans un article où elle évoque surtout la nourriture et la beauté d’une des gérantes. “ N’utilisez pas ce terme “style syrien” comme ça, ça ne se fait pas ! Imaginez si notre pays était en guerre, et que des étrangers fassent la même chose !” point un autre en réponse à sa publication.