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Procès Assange : “Ce qui se joue, c’est avant tout la liberté de la presse”

Les États-Unis espèrent convaincre, mercredi, la Haute Cour de Londres d’extrader Julian Assange. Débouté en janvier, Washington a fait appel de la décision britannique, motivée par un risque de suicide en cas d’incarcération dans une prison américaine du fondateur de Wikileaks. Les défenseurs de la liberté de la presse dénoncent, eux, un procès dont l’issue pourrait constituer une atteinte grave au journalisme. Explications. 

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Le bras de fer juridique opposant Julian Assange et les États-Unis a entamé un nouveau chapitre, mercredi 27 octobre, avec le début du procès en appel pour son extradition. Depuis la publication d’une série de documents classifiés en 2010, dont des centaines sur la guerre d’Afghanistan et d’Irak, la justice américaine poursuit le fondateur de Wikileaks et souhaite désormais qu’il soit jugé et condamné sur son sol.  

L’Australien de 50 ans, qui risque 175 ans de prison aux États-Unis, avait remporté une première victoire en janvier, lorsque les juges britanniques avaient estimé son état de santé trop fragile et rejeté la demande américaine. Alors que se tient un deuxième procès, ses défenseurs comptent mettre en avant le danger qu’une condamnation pour récupération et diffusion de documents classifiés fait peser sur l’activité journalistique dans son ensemble.  

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Retour de l’”Espionnage Act”  

Dans ce procès, Julian Assange est poursuivi pour 18 chefs d’inculpation aux États-Unis, dont 17 en vertu de la loi sur l’espionnage et un au nom de la loi sur la fraude et les abus informatiques. Cette loi sur l’espionnage, qui date de 1917, visait à interdire toute interférence avec les opérations ou le recrutement militaires, à prévenir l’insubordination dans l’armée et à empêcher le soutien des ennemis des États-Unis en temps de guerre.  

Longtemps restée en sommeil car jugée contraire au premier amendement garantissant la liberté d’expression, elle a été réactivée sous la présidence Obama pour poursuivre et condamner des lanceurs d’alerte. Alors qu’au cours du 20e siècle elle n’avait abouti qu’à une seule condamnation pour une affaire de fuite de documents confidentiels, l’administration Obama a poursuivi huit personnes au nom de l’”Espionnage Act”.   

En mai 2019, alors que les poursuites américaines contre Julian Assange piétinent, Donald Trump décide de recourir à cette loi contre le fondateur de Wikileaks. Ce dernier, jusqu’alors poursuivi pour piratage informatique, fait désormais l’objet de 17 charges supplémentaires.  

Il est notamment accusé d’avoir incité sa source à lui remettre les documents confidentiels ou bien encore de les avoir diffusés en sachant qu’ils pourraient être utilisés pour nuire aux États-Unis. “Est-ce que vous imaginez qu’en France on puisse activer une loi de 1917, qui est censée réprimer les espions pendant la Première Guerre mondiale, contre un homme qui a diffusé des informations ?” s’indigne l’avocat français de Julian Assange, maître Antoine Vey, interviewé sur France 24.  

“C’est le principe du journalisme de diffuser des informations quand elles sont vraies et d’intérêt général, que ça plaise ou non au gouvernement, sinon vous n’êtes plus dans une démocratie ” poursuit-il, dénonçant une “instrumentalisation des règles juridiques à des fins exclusivement politiques”.  

Assange, un journaliste ?  

Parmi les faits d’armes de Julian Assange, la diffusion de documents révélant des tueries de civils en Irak et en Afghanistan par l’armée américaine a particulièrement marqué les esprits. La vidéo “Collateral murders” d’un crime de guerre à Bagdad en 12 juillet 2007, lors duquel un hélicoptère Apache ouvre le feu, tuant au moins 18 personnes dont deux journalistes de Reuters, devient, au moment de sa diffusion, le symbole des bavures américaines et déclenche un scandale retentissant.  

Ces fuites de documents sont alors jugées d’une importance extrême par nombre d’organisations journalistiques et de défense des droits de l’Homme. Mais aux États-Unis, ces révélations sont attaquées par des politiques de tous bords, certains dénonçant de graves violations de la loi alors que d’autres accusent WikiLeaks de s’en prendre à la communauté internationale. Les États-Unis reprochent notamment à Julian Assange d’avoir mis en danger la sécurité de certains de leurs informateurs avec la publication brute de ces milliers de documents.  

Ces attaques contre celui qui exige une transparence totale des gouvernements ainsi que des accusations de viol à son encontre en Suède, abandonnées depuis, ont généré un débat sur sa personne et ses méthodes qui, selon le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, ont servi d’écran de fumée.  

“Le personnage est certainement critiquable à bien des égards. Chez RSF nous ne défendons pas la  transparence absolue et nous sommes convaincus que le journalisme a un rôle à jouer dans la sélection d’informations d’intérêt public. Mais il est indéniable que la procédure contre Assange, et en particulier les chefs d’inculpation liés à la loi américaine sur l’espionnage, pose un risque réel pour notre travail.  

“Il faut bien comprendre que si cette loi avait déjà été utilisée contre des lanceurs d’alerte, donc des personnes qui étaient tenues au secret par leur hiérarchie et ont enfreint les règles, Julian Assange, lui, est poursuivi pour son rôle de diffuseur. Il ne s’agit pas de défendre la personne ou de savoir si ses méthodes en font un vrai journaliste, mais il risque une condamnation pour sa contribution au journalisme et avec ce procès, ce qui se joue, c’est avant tout la liberté de la presse”.   

Détenu depuis deux ans et demi à la prison de haute sécurité de Belmarsh, à l’est de la capitale britannique, après sa longue réclusion volontaire à l’ambassade d’Équateur, Julian Assange a participé à l’audience à distance, par visioconférence. Les débats se poursuivront jeudi. Une décision n’est pas attendue avant plusieurs semaines.

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