Endetté jusqu’au cou, Evergrande a effectué in extremis un transfert surprise de 83,5 millions de dollars à ces créanciers. Cependant, le géant chinois de l’immobilier, dont la chute pourrait avoir des conséquences sur l’économie mondiale, est loin d’être sorti d’affaire.
Au bord du précipice, Evergrande vient d’acheter du temps : le promoteur chinois ultra-endetté, dont la faillite pourrait ébranler l’économie du pays, a effectué un versement juste avant une date butoir, a indiqué, vendredi 22 octobre, un média d’État.
Le groupe immobilier, l’un des plus gros de Chine, traîne une ardoise estimée à 260 milliards d’euros. Sa situation financière est scrutée avec inquiétude car son potentiel effondrement pourrait freiner la croissance du géant asiatique.
Avec son club de football du Guangzhou FC, deux fois champion d’Asie et jusqu’à peu entraîné par le champion du monde italien Fabio Cannavaro, Evergrande semblait il y a quelques années une entreprise indestructible.
Mais le groupe basé à Shenzhen (sud de la Chine) se débat désormais face à une dette abyssale, des paiements d’intérêts à honorer et des livraisons d’appartements qui tardent faute de liquidités pour terminer les travaux.
Evergrande devait s’acquitter le 23 septembre d’un paiement d’intérêts sur des obligations en dollars. Le versement n’a pas été effectué, mais l’entreprise disposait toutefois d’un délai de grâce d’un mois – qui courait jusqu’à samedi.
À la surprise des analystes, le promoteur a finalement bien effectué un transfert de 83,5 millions de dollars (71,8 millions d’euros) pour honorer ce paiement d’intérêts, a indiqué le journal Securities Times, citant des “sources”.
Les craintes d’une faillite d’Evergrande ont affolé les marchés internationaux en septembre. L’action du groupe avait elle plongé, jeudi, à Hong Kong à la reprise des cotations après deux semaines d’interruption.
Inquiétude des particuliers
Mais le cours est reparti à la hausse vendredi dans la foulée de l’annonce du Securities Times, gagnant près de 5 % en début de séance. Outre l’immobilier, Evergrande, sûr de sa force financière, a investi ces dernières années dans le tourisme, le numérique, les assurances, la santé ou encore les voitures électriques.
Mais inquiet du gonflement de la dette dans le secteur immobilier, les régulateurs chinois ont imposé l’an passé aux principaux promoteurs “trois lignes rouges”, des ratios prudentiels qui visent à réduire leur recours à l’emprunt.
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Cette décision a marqué le début des soucis financiers pour Evergrande. Il peine depuis à maintenir à flot ses activités et cherche à se délester d’actifs pour se renflouer.
Le groupe a concédé cette semaine n’avoir pas fait de progrès significatif à cet égard, après l’échec de la vente de 50,1 % du capital de l’une de ses filiales. Cette cession aurait pu rapporter 2,2 milliards d’euros.
La banque centrale chinoise a jugé la semaine dernière “gérables” les risques posés par l’endettement d’Evergrande pour le système financier du pays.
Mais l’inquiétude se fait sentir chez les particuliers. Des dizaines de propriétaires lésés, n’ayant pas reçu livraison de leur appartement, ainsi que des fournisseurs non payés, ont manifesté en septembre devant le siège du groupe.
Dans l’attente d’un “miracle”
Cette crainte d’agitation sociale pourrait pousser les autorités à intervenir pour renflouer ou restructurer le groupe endetté. Même si aucun signal clair n’a jusqu’à présent été donné par Pékin.
Evergrande “est peut-être en mesure de payer ces intérêts, et même d’en payer d’autres. Ils auront des paiements d’intérêts toutes les deux semaines environ” et ils ne constituent pas “une somme énorme”, déclare à l’AFP l’analyste Chen Long du cabinet Plenum à Pékin.
“Mais à un moment donné, au-delà des intérêts, il y aura le principal qui arrivera à échéance, et celui-là s’élève à plusieurs milliards de dollars”, note Chen Long, selon qui Evergrande joue la montre en attendant un “miracle” ou une initiative de Pékin.
La mauvaise santé du groupe n’est qu’un des symptômes d’un secteur immobilier globalement grippé. Les prix des logements neufs sont en repli pour la première fois en six ans, dans un contexte de méfiance des acheteurs face au risque de faillite de plusieurs promoteurs.
Dans 70 grandes et moyennes villes de Chine, les tarifs étaient ainsi orientés à la baisse sur un an en septembre, a indiqué mercredi le gouvernement. Selon les calculs de l’agence Bloomberg, les prix ont baissé en moyenne de près de 1 %.
Avec AFP