Les rebelles houthistes maintiennent la pression sur la ville de Marib, dernier bastion du gouvernement dans le nord du Yémen, qu’ils ont presque totalement encerclée au prix de nombreuses pertes et de victimes civiles. Malgré l’intensification ces derniers semaines des bombardements de la coalition menée par l’Arabie saoudite, ils restent déterminés à se saisir de cette cité stratégique qui leur offrirait une carte maîtresse dans le cadre de futures négociations de paix.
Dernier bastion du gouvernement dans le nord du Yémen, la ville de Marib, située à plus d’une centaine de kilomètres à l’est de Sanaa, est depuis février au cœur d’une bataille sanglante qui oppose les forces loyalistes soutenues par l’Arabie saoudite et une alliance de milices tribales aux rebelles houthis appuyés par l’Iran.
Ces derniers jours, la coalition internationale menée par Riyad annonce quotidiennement de lourds bilans dans les rangs rebelles. Selon elle, les raids ont tué plus d’un millier de Houthis dans cette zone, où ces derniers ont pourtant réussi à gagner du terrain.
“Elle est là la grande offensive des Houthis, la coalition répète que ses bombardements font à peu près 150 morts par jour, ce sont des chiffres qui sont peut-être exagérés, mais ce sont des chiffres qui disent qu’il y a des offensives bien réelles en cours”, indique à France 24 Quentin Müller, un des seuls journalistes francophones à avoir récemment couvert le front au Yémen, précisément dans la zone de Marib.
“Alors que les combats se sont intensifiés en début d’année, les Houthis sont entrés depuis début septembre dans une phase offensive très agressive qui leur a permis d’enregistrer des avancées au sud de la ville, notamment dans les gouvernorats de Shabwa et d’Al-Bayda”, ajoute-t-il.
Une ville presque totalement encerclée
Résultat : Marib est presque totalement encerclée, du nord à l’ouest, et au sud désormais, “à l’exception d’une route vers l’est qui mène vers l’Hadramaout”. Signe de l’importance vitale et stratégique de cette route, elle est sécurisée par une quarantaine de check-points, précise le journaliste indépendant.
“C’est l’unique voie de réapprovisionnement en vivres et en armes des forces loyalistes, et donc la seule porte de sortie pour la population dans le cas où les rebelles parviennent à prendre la ville.”
L’escalade dans la violence fait craindre une catastrophe humanitaire pour les plus de deux millions de personnes qui ont fui vers cette région pour échapper aux combats dans d’autres parties du pays.
Le 10 septembre, le nouvel émissaire de l’ONU, Hans Grundberg, avait affirmé que l’offensive des Houthis à Marib “doit cesser”. “Les civils (…) vivent dans la peur constante de la violence et de nouveaux déplacements”, déclarait-il.
Mercredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à la “désescalade” au Yémen, dans une déclaration adoptée à l’unanimité, afin de contrer “le risque croissant d’une famine à grande échelle” dans ce pays où les combats ont fait environ un millier de morts ces derniers jours. Il est nécessaire d’avoir “une désescalade par tous, y compris la fin immédiate de l’offensive menée par les Houthis à Marib”, soulignent dans leur texte les 15 membres du Conseil, en exigeant “un cessez-le-feu national immédiat” et en condamnant le “recrutement et l’utilisation d’enfants et de la violence sexuelle dans le conflit”.
“Le dernier symbole de la résistance”
Reste que jusqu’ici les rebelles, qui ont conquis la capitale Sanaa en 2014 et la majeure partie du nord du pays, ne semblent pas enclins à stopper leur offensive sur Marib.
“Si jamais les Houthis arrivaient à se saisir de Marib, située dans une région dans laquelle se trouve l’essentiel des ressources en hydrocarbures du pays, ils abattraient le dernier bastion militaire unifié contre eux, alors que la coalition a beaucoup investi pour la défendre, indique Quentin Müller. La ville est en effet le dernier symbole de la résistance des tribus, de l’armée et de la coalition, qui sont relativement unis dans cette guerre contre les Houthis, alors que sur d’autres fronts ce n’est pas toujours le cas.”
En plus du symbole et de l’éventuelle prise de contrôle des ressources pétrolières de cette région, qui abrite par ailleurs certains des monuments les plus importants de l’antique royaume de Saba, les Houthis cherchent surtout à renforcer leur position dans les pourparlers de paix.
“Les rebelles ont mis tout leur poids dans cette bataille parce qu’ils ont tout intérêt à s’emparer de la ville dans le cadre de futurs pourparlers de paix ou éventuellement d’une future partition du pays car le gouvernement n’aura rien à faire valoir pendant les négociations.”
Et pour cause : Marib est un peu devenue la “capitale informelle” du gouvernement – qui a été expulsé d’Aden par les séparatistes – et une partie du ministère de la Défense y a été transférée. Sa perte serait un nouveau camouflet pour les loyalistes – et pour Riyad.
Avec AFP