Les 27 sont désunis sur la plupart des grands dossiers qui les mettent sous tension : élargissement européen, relations avec la Russie, les États-Unis, la Chine, place de l’UE dans le monde, valeurs fondamentales, autonomie stratégique… Autant de dossiers qui sont abordés par Stefano Sannino. Une plongée dans les arcanes de la diplomatie européenne avec le Secrétaire général du Service européen pour l’Action extérieure (SEAE), qui chapeaute les 142 ambassadeurs et deux chargés d’affaires que compte l’Union dans les pays tiers.
Respect des valeurs fondamentales de l’UE
L’Europe est à la recherche d’une autonomie stratégique pour penser le monde et faire valoir les valeurs fondamentales sur lesquelles est fondée l’Union. Mais en son sein, certains pays ne respectent pas certaines d’entre elles, à l’instar de la Pologne et de la Hongrie, qui font l’objet d’une procédure d’infraction de la Commission à cause de leurs législations homophobes. Stefano Sannino rappelle l’existence d’un mécanisme interne à l’UE qui permet de demander à ces pays de “revenir vers l’État de droit”, et qui légitime donc la volonté de l’UE de faire respecter ces valeurs en dehors de ses frontières, pouvant aller jusqu’à “exercer une pression sur la CPI, soit d’un point de vue politique ou juridique” par le biais de la Cour de Justice européenne.
Sommet UE-Ukraine
Le sommet UE-Ukraine qui s’est tenu à Kiev, le 12 octobre, a accouché d’un accord sur l’espace aérien et d’une aide de 6 milliards d’euros. Mais les Ukrainiens attendaient surtout l’Europe sur d’autres dossiers. Stefano Sannino assure que l’UE s’est “exprimée de façon très forte en faveur et en soutien de l’Ukraine” vis-à-vis de la Russie, car “on ne peut pas oublier ce que la Russie a fait en Ukraine”. Que ce soit au sujet de la Crimée, dont “l’Union n’a jamais reconnu l’annexion illégale”, ou sur la question du transit du gaz, l’Europe soutient l’Ukraine. “Et le fait même que l’on ait un régime de sanctions vis-à-vis d’un certain nombre de personnes ou d’entités en Russie est très éloquent”. Mais en contrepartie, et pour que l’Ukraine “continue sur son chemin de rapprochement à l’UE”, cette dernière lui demande de “s’engager sur une voie de réformes, de lutte contre la corruption, et de l’État de droit”.
Gaz russe
L’Europe est aujourd’hui en pleine crise de l’énergie avec des prix qui flambent. L’un des principaux fournisseurs de l’Europe, le russe Gazprom, est accusé de ne pas livrer suffisamment de gaz aux Européens. Selon le représentant de la Russie auprès de l’UE, Vladimir Tchijov, “la crise serait résolue facilement si l’Europe cessait de traiter la Russie comme un adversaire”. Mais pour Stefano Sannino, “ce n’est pas l’UE qui a décidé d’avoir une relation difficile avec la Russie, c’est le contraire”. Même si l’Union est “très inquiète au sujet de ce qu’il se passe dans le pays en termes de droits de l’Homme, de droits fondamentaux et de droit politique”, elle souhaite continuer à “parler avec la Russie sur des thèmes, des sujets comme la question énergétique, pour laquelle nous avons des intérêts en commun”.
Dans le cadre de la livraison de gaz aux Européens, Stefano Sannino souligne que “même si le respect du contrat est garanti, la Russie ne fait pas d’efforts pour en faciliter l’acheminement”, ce qui a pour conséquence une hausse des prix, mais il espère que cette situation est “conjoncturelle” et “que l’on pourra trouver rapidement des mesures au niveau national mais aussi des mesures que l’Union européenne pourrait prendre dans le moyen à long terme” pour améliorer la situation des européens.
Élargissement européen
La Slovénie, qui occupe jusqu’au 31 décembre la présidence tournante de l’UE, souhaitait à tout prix obtenir des progrès sur la voie de l’élargissement aux pays des Balkans. Mais le récent sommet UE-Balkans a une fois encore laissé les six aspirants dans l’antichambre du club européen, ce qui pourrait avoir comme conséquence de laisser le champ libre à la Russie et à la Chine pour étendre leur influence dans la région. Pour Stefano Sannino, l’UE “a un intérêt à avoir ces pays au sein de l’Union” et il est “naturel que les pays des Balkans entrent à terme dans l’UE”. Il se réjouit d’ailleurs que l’Albanie et la Macédoine du Nord aient “exprimé sans ambiguïté que leur place était avec l’Union européenne”. Mais il s’agit surtout d’un “choix politique” des pays concernés de “se placer dans un contexte européen ou essayer de jouer autre chose” et de leur “volonté d’aller de l’avant en ce qui concerne l’État de droit ou la lutte contre la corruption”.
La Chine et l’autonomie stratégique de l’Union européenne
Les États-Unis voudraient mobiliser leurs alliés européens face à la Chine. Mais au regard du récent “coup de poignard” des Américains et des Australiens dans l’affaire des sous-marins, l’intérêt pour l’UE de s’aligner sur Washington n’est plus si évident, et l’idée de développer l’autonomie stratégique de l’Union fait son chemin. Stefano Sannino “comprend l’amertume de la France”, mais fait la distinction entre les deux types de relations. L’Europe envisage la Chine depuis longtemps déjà “comme un partenaire, un concurrent ou un rival”, et ne se voit pas l’exclure dans le contexte international, car c’est un “grand pays, qui a une capacité importante et qui peut être un partenaire très important”, sans pour autant occulter “qu’il y a certains éléments politiques et économiques qui ne sont pas en ligne” avec le système européen. L’Union européenne reste donc vigilante à ce que “la Chine ne puisse pas tirer un avantage de sa manière de gérer l’économie par rapport à l’Union européenne”.
Émission préparée par Isabelle Romero, Yi Song, Perrine Desplats, Georgina Robertson et Céline Schmitt.