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Espagne : le scandale des placements d'enfants

En 2020, 50 000 enfants étaient sous tutelle de l’État en Espagne. Un chiffre élevé du à de graves défaillances du système judiciaire : le placement d’office est cinq fois plus pratiqué qu’en France car il suit souvent un principe de précaution. À la différence de l’Hexagone où un juge doit trancher, la décision repose uniquement sur des dossiers élaborés et validés par des travailleurs sociaux. Un acte lourd de conséquences car il est, la plupart du temps, irréversible. Un reportage d’Anaïs Guérard et Laura Cambaud.

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“Chaque jour est un calvaire. Je n’avais plus envie de vivre, de me réveiller le jour suivant”. Ce sont les mots de Maria, la mère de Nicolas. Ils ont longtemps été séparés par une décision administrative et ne s’en sont jamais complètement remis.

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Plusieurs familles témoignent dans ce reportage de France 24 des difficultés qu’elles rencontrent pour récupérer leurs fils ou filles. Si un enfant ne peut officiellement pas être retiré en Espagne au motif de la pauvreté du foyer, dans les faits, elle constitue un dénominateur commun troublant chez les parents qui dénoncent le système. 

L’intervention des services sociaux a brisé le cœur de nombreux parents, souvent déjà fragilisés économiquement, et de leurs enfants qui grandissent, la plupart du temps, dans des centres pour mineurs. Ces structures, qui sont privées à 80 %, font l’objet de nombreux scandales en Espagne : gestion opaque, personnel pas toujours qualifié, trafic sexuel… La police a ainsi découvert l’an dernier à Majorque que 16 jeunes filles mineures hébergées faisaient partie d’un réseau de prostitution.

Les jeunes qui sortent de situations familiales terribles ne trouvent dans ces lieux d’accueil qu’un fragile refuge. Ils évoquent des pratiques humiliantes, voire de la maltraitance. Peu acceptent d’en parler, même avec le visage caché. La jeune femme appelée Claudia dans ce reportage assure qu’elle ne “souhaite à personne de passer dans un centre pour mineurs”.

De nombreux avocats font part de leur impuissance face aux décisions administratives. Bien que le système d’aide à l’enfance soit régional, la faille du système se ressent dans tout le pays. Elle trouve peut-être son origine en 2006, lorsque l’Espagne a été marquée par l’affaire de la petite Alba qui avait mis en lumière l’immobilisme des services sociaux. Cette fillette de 5 ans avait été laissée pour morte sous les coups de son beau-père. Elle a survécu mais est devenue tétraplégique. À l’époque, malgré plusieurs hospitalisations provoquées par des coups, les institutions n’étaient pas intervenues, se contentant des témoignages mensongers de la mère qui protégeait systématiquement son conjoint, qu’elle savait pourtant violent. Tous les deux sont encore en prison.

Ce drame familial, qui avait fortement ému l’Espagne, provoque sans doute, quinze ans plus tard, un réflexe protecteur, mais parfois abusif : des décisionnaires préfèrent prévenir que guérir. Quitte à retirer, sur la base de simples soupçons, des enfants à leurs familles.

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