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Victime de pannes de courant, la Chine face à sa dépendance au charbon

La Chine, comme l’Europe, est actuellement confrontée à une crise énergétique. Le gouvernement a annoncé, jeudi, des mesures d’urgence pour mettre un terme à une série de pannes de courant qui affectent aussi bien l’industrie que la population. Une situation inédite qui pourrait avoir des répercussions jusqu’en Europe.

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L’Europe n’avait pas besoin de ça. Il y avait déjà les pénuries de carburant au Royaume-Uni et la flambée des prix du gaz et de l’électricité un peu partout sur le continent, notamment en France. Or, d’après le Financial Times, une nouvelle menace se profile à l’horizon énergétique européen : la Chine.

Pékin a demandé aux groupes nationaux de gaz et d’électricité de constituer “à tout prix” des stocks pour l’hiver. Le vice-Premier ministre, Han Zheng, leur a même enjoint d’augmenter les importations de gaz naturel liquéfié… une denrée également très demandée en Europe. 

La ruée chinoise sur cette matière première “suggère que d’autres régions du globe, comme l’Europe, vont avoir encore plus de mal à sécuriser leur approvisionnement”, ce qui pourrait alourdir encore la facture énergétique, souligne le Financial Times. 

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Couper les feux de circulation pour économiser l’électricité

Si la Chine est prête à payer sans compter pour son approvisionnement en gaz, c’est parce qu’elle fait face à sa propre crise énergétique depuis quelques semaines. Des coupures de courant ont été constatées dans plus de vingt provinces administratives sur les 32 que compte le pays. “Les grandes et riches provinces industrielles du Sud comme Guangdong ainsi que les régions minières du Nord-Ouest ont institué des mesures de rationnement d’électricité qui ont provoqué une vive inquiétude parmi la population et ont menacé de plonger l’économie dans le chaos”, résume le South China Morning Post.

La Chine s’est habituée, ces dernières années, à voir une partie de ses usines fermer temporairement pour économiser de l’énergie à l’approche de l’hiver. Mais cette fois-ci, des quartiers résidentiels sont également affectés par des coupures de courant, ce qui “ne s’était pas produit depuis près d’une décennie”, rappelle le site de la BBC.

La situation est à ce point tendue dans certaines régions que des villes “ont dû éteindre les feux de circulation afin d’éviter un effondrement du réseau électrique”, raconte encore le South China Morning Post. 

Les tensions sur les marchés chinois et européens de l’énergie ont une même origine : “Dans les deux cas, c’est lié à la reprise économique. Les usines se sont remises à tourner à plein régime, ce qui entraîne une forte hausse des besoins en électricité que l’offre en énergie ne peut assouvir”, explique Xin Sun, spécialiste de la politique économique chinoise au King’s College de Londres, contacté par France 24.

Peine de prison

Mais les raisons de la faiblesse de l’offre sont très différentes en Europe et en Chine. Sur le Vieux Continent, “c’est une question de prix du gaz, de problèmes d’approvisionnement et des énergies renouvelables qui n’arrivent pas encore à suivre”, résume Xin Sun.

En Chine, le principal coupable s’appelle le charbon. Il y en a trop peu et il est devenu trop cher pour un pays qui, malgré sa volonté de verdir son réseau électrique, dépend encore à 70 % des mines de charbon pour générer son courant.

Fin septembre, les six grands fournisseurs nationaux d’énergie n’avaient que 11,5 millions de tonnes de charbon en réserve, “ce qui suffit à peine pour couvrir les besoins du pays pendant quinze jours”, soulignait, en début de semaine, Sinolink Securities, une société chinoise d’investissement, dans une note sur le marché de l’énergie

Cette pénurie est le “résultat d’une politique appliquée depuis plusieurs années par la Chine pour devenir moins dépendante du charbon”, affirme Xin Sun. Il y a environ cinq ans, Pékin a en effet commencé à planifier les fermetures progressives des mines concentrées dans le nord-ouest du pays. À cette époque, l’industrie minière chinoise produisait trop de charbon et avait donc un impact environnemental très négatif. Elle avait aussi très mauvaise presse à cause de nombreux accidents mortels.

Les mines qui ont survécu ont dû, en outre, se soumettre à des nouvelles règles environnementales et de sécurité qui auraient rendu le secteur moins réactif à des changements brutaux, comme ceux induits par la crise sanitaire, affirme Bloomberg.

La chaîne économique américaine suggère même qu’une des nouvelles lois a fortement contribué à la pénurie actuelle. Ce texte stipule que les exploitants des mines risquent des peines de prison en cas d’accidents dus à des manquements aux règles de sécurité. “De ce fait, les mineurs sont plus réticents à mettre les bouchées doubles en cas de forte hausse de la demande, car cela augmente aussi le risque d’accidents”, résume Bloomberg.

“Il est clair que cette situation est en partie le résultat de la fin du n’importe quoi et du laisser-faire dans le secteur minier”, confirme Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse, contacté par France 24. Mais pour lui, les ambitions climatiques chinoises sont tout autant responsables de la faible production de charbon, Pékin ayant fixé des limites annuelles aux émissions de gaz à effet de serre dues à l’extraction minière. 

Très cher charbon

L’été dernier, une partie des autorités provinciales se sont fait remonter les bretelles par le pouvoir central car elles n’étaient pas dans les clous des objectifs climatiques. Elles ont donc mis la pression sur les groupes miniers pour qu’ils baissent leur production… au pire moment. “Les autorités locales ne voulaient pas payer le prix politique de ne pas satisfaire aux exigences du pouvoir central, même si cela a contribué à la crise énergétique actuelle”, confirme Xin Sun.

Jean-François Dufour soupçonne même les groupes miniers d’avoir organisé, en partie, la pénurie de charbon. “C’est un signal envoyé au pouvoir central pour lui démontrer que l’économie chinoise est toujours très dépendante du charbon et qu’il faudrait peut-être ralentir le rythme de la transition énergétique qui leur coûte très cher”, estime cet économiste. 

Le charbon se se faisant rare, il devient très cher… au grand dam des producteurs d’électricité, qui ne peuvent pas jouer sur les tarifs de l’électricité. Ces derniers sont fixés par l’État, qui “refuse actuellement de les monter pour ne pas susciter la colère de la population”, note Xin Sun. Du coup, les fournisseurs d’énergie produisent actuellement de l’électricité à perte, “ce qui ne les motive pas à augmenter la production pour tenter de limiter les coupures de courants”, ajoute Jean-François Dufour.

Le gouvernement a donc décidé de remettre quelques mines en marche et d’en laisser d’autres produire plus malgré les limites annuelles. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain, et c’est pourquoi Pékin veut augmenter au plus vite ses importations, au risque d’accentuer l’envolée des prix. C’est la mauvaise nouvelle pour l’Europe. 

La bonne est que la Chine n’est pas aussi friande de gaz que l’Europe pour se chauffer. “La plupart des centrales thermiques fonctionnent encore au charbon”, rappelle Xin Sun. L’impact sur les prix du gaz ne devrait donc qu’être limité. Mais parfois, il suffit d’une goutte pour faire déborder le vase.

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