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Les pénuries au Royaume-Uni, le résultat d'un “Brexit trop rapide”

Depuis plusieurs jours, le Royaume-Uni manque de chauffeurs routiers pour transporter le carburant, provoquant des pénuries dans l’ensemble du pays. En cause, un mélange de Covid-19 et de Brexit. Explications.

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Des automobilistes bloqués dans d’immenses files d’attente devant les stations-service et des panneaux indiquant “hors d’usage”. Depuis plusieurs jours, des centaines de pompes à essence sont vides au Royaume-Uni. Déjà, les Britanniques avaient observé des rayons quasi vides dans certains supermarchés.

Pourtant, le pays ne manque pas de carburants ou de produits de consommation. En réalité, il fait face à une pénurie de chauffeurs routiers disponibles pour acheminer les produits.

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Pour le gouvernement britannique, le Covid-19 est le seul coupable de cette crise. “Les mesures de restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 ont perturbé la formation des chauffeurs routiers. Cela a provoqué une pénurie de main-d’œuvre”, a ainsi plaidé le secrétaire d’État britannique aux Transports, Grant Schapps, interrogé vendredi 24 septembre sur la chaîne Skynews. Selon lui, l’Allemagne et la Pologne vivent actuellement la même problématique.

La pandémie de Covid-19 s’est en effet traduite, outre-Manche, par la fermeture pendant des mois des centres de formation des nouveaux chauffeurs outre-Manche. Selon la Road Haulage Association (RHA), qui regroupe des transporteurs, 40 000 tests de formation ont ainsi dû être annulés lors des confinements successifs.

“C’est évident, la pandémie a eu des conséquences négatives sur les effectifs”, confirme auprès de France 24 Jacob Kirkegaard, chercheur à l’Institut Peterson, un think tank privé et indépendant s’intéressant aux problèmes économiques internationaux, et au bureau bruxellois du German Marshall Fund.

Un manque de personnel “amplifié” par le Brexit

Mais si le monde entier fait face à cette problématique, il reste que la situation au Royaume-Uni semble pire qu’ailleurs. Face à ce constat, de nombreux experts pointent du doigt le Brexit

Avant le départ effectif du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er janvier 2021, la libre circulation permettait aux chauffeurs routiers de toute l’Europe, et notamment d’Europe de l’Est, de trouver un emploi à peine arrivés dans le pays. Mais les nouvelles règles migratoires liées à la sortie du marché unique sont venues compliquer l’arrivée de ces nouveaux chauffeurs, les nouvelles formalités d’immigration étant bien plus complexes.

Toujours d’après les chiffres communiqués par la Road Haulage Association, 20 000 chauffeurs européens ont ainsi quitté leur emploi au Royaume-Uni en raison du Brexit.

“Le Brexit est une partie du problème, au même titre que d’autres facteurs comme le Covid-19”, nuance auprès France 24 David Henig, directeur du Centre européen d’économie politique internationale à Bruxelles. “Certains chauffeurs ont cessé de rouler jusqu’au Royaume-Uni à cause du retour des frontières liées au Brexit. Mais d’autres sont retournés chez eux à cause de la crise du Covid-19.”

Le Brexit a “amplifié” un manque de personnel qui existait déjà dans ce secteur d’emploi, car il a alimenté les tensions entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, analyse de son côté Elvire Fabry, spécialiste des questions économiques européennes à l’institut Jacques Delors à Paris. “Le Royaume-Uni est ainsi devenu moins attractif.”

“Certaines personnes tiraient la sonnette d’alarme depuis longtemps”

Sous pression, le gouvernement de Boris Johnson a annoncé samedi son intention d’assouplir temporairement les règles en matière de visas pour les chauffeurs routiers étrangers. Il souhaite ainsi leur délivrer, à court terme, jusqu’à 5 000 visas temporaires.

Un revirement politique complet pour le Premier ministre, qui refusait jusqu’alors catégoriquement de se tourner vers l’immigration. Depuis le vote du Brexit, en 2016, il n’avait eu de cesse d’insister sur la nécessité de mettre fin à la dépendance du pays vis-à-vis de la main-d’œuvre étrangère. Pour ce faire, son objectif est de mettre en place une politique visant à augmenter les salaires de la main-d’œuvre locale.

“Cette crise est aussi le résultat de salaires trop bas dans le secteur depuis plusieurs années”, a ainsi reconnu vendredi Grant Schapps, refusant cependant de reconnaître le rôle du Brexit.

“Créer des conditions suffisamment attractives pour développer une main-d’œuvre locale suffisante, cela prend du temps et demande beaucoup d’investissement”, réagit de son côté Elvire Fabry.

“La vitesse à laquelle le Brexit a été mis en place est clairement un problème”, abonde Jacob Kirkegaard. “Certaines personnes tiraient la sonnette d’alarme depuis longtemps, avertissant qu’il n’y aurait pas le temps nécessaire pour former tous les chauffeurs routiers nécessaires. Pandémie ou non.”

Et de conclure : “Si le Brexit devait avoir un sens, c’était d’entraîner un changement de paradigme dans le modèle économique. Or, pour complètement et profondément le modifier, il faudra des années.”

Article traduit de l’anglais par Cyrielle Cabot. L’original est à lire ici.

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