Près de deux mois après s’être arrogé les pleins pouvoirs, le président tunisien Kaïs Saïed a pris, mercredi, des dispositions exceptionnelles qui renforcent le pouvoir présidentiel au détriment du gouvernement et du Parlement, auquel il va de facto se substituer en légiférant par décrets.
Près de deux mois après que Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs en limogeant le gouvernement et en suspendant le Parlement, le président de la Tunisie renforce un peu plus ses pouvoirs. Le chef de l’État tunisien a promulgué, mercredi 22 septembre, des dispositions renforçant ses prérogatives au détriment du gouvernement et avec lesquelles il s’arroge le droit de légiférer par décrets.
Ces dispositions, qui tendent à présidentialiser le système de gouvernement hybride prévu par la Constitution, ont fait l’objet d’une série de décrets publiés dans le Journal officiel. “Les textes à caractère législatif seront promulgués sous forme de décrets signé par le président de la République”, stipule l’un des articles.
Dans un décret mercredi, Kaïs Saïed a annoncé la poursuite du gel du Parlement et la promulgation de “mesures exceptionnelles” pour “l’exercice du pouvoir législatif” et “l’exercice du pouvoir exécutif”, qui font l’objet de deux chapitres de la Constitution désormais suspendus de facto.
Un autre article énonce que “le président exerce le pouvoir exécutif avec l’aide d’un Conseil des ministres présidé par un chef du gouvernement”. “Le président de la République préside le Conseil des ministres et peut mandater le chef du gouvernement pour le remplacer”, ajoute un autre article.
President #Kais_Saied issues a presidential decree extending the freezing of parliamentary powers and the lifting of the parliamentary immunity, and putting an end to the salaries and privileges granted to the Parliament members & speaker. (1/3) #TnPR pic.twitter.com/DHPIxCpRbJ
— Tunisian Presidency – الرئاسة التونسية (@TnPresidency) September 22, 2021
“Le président Kaïs Saïed promulgue un décret présidentiel prolongeant le gel des pouvoirs parlementaires et la levée de l’immunité parlementaire et mettant fin aux salaires et privilèges accordés aux députés et au président du Parlement”, a publié la présidence tunisienne sur Twitter.
Des “dispositions transitoires”
Pour souligner le caractère transitoire de ces décisions, le décret présidentiel ajoute que Kaïs Saïed “entreprend la préparation des projets d’amendements relatifs aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission qui sera organisée par arrêté présidentiel”.
Lundi, depuis Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne de 2011, le président Saïed avait déjà annoncé le maintien des mesures d’exception du 25 juillet. Il a annoncé la prochaine nomination d’un nouveau chef de gouvernement “mais sur la base de mesures transitoires répondant à la volonté du peuple”.
Réforme de la constitution
Le 12 septembre, Kaïs Saïed avait également évoqué une réforme de la Constitution de 2014, considérée comme un système hybride instable entre régime parlementaire et régime présidentiel.
Dans le système initialement en place, l’essentiel du pouvoir exécutif était aux mains du gouvernement et non de la présidence. Les mesures annoncées par Kaïs Saïed font clairement pencher la balance du côté de la présidence.
Le 25 juillet, Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs en limogeant le gouvernement et en suspendant le Parlement. Il avait prolongé ces mesures le 24 août “jusqu’à nouvel ordre”.
Nombre de Tunisiens avaient accueilli ces mesures avec enthousiasme car, exaspérés par leur classe politique, ils disaient attendre des actes forts contre la corruption et l’impunité dans un pays en graves difficultés sociales et économiques. Mais opposants, partis politiques, magistrats et avocats avaient dit craindre une “dérive autoritaire”.
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Avec AFP