Le SPD d’Olaf Scholz est en tête des sondages à une semaine des élections générales allemandes. Ce qui fait de l’actuel ministre des Finances et vice-chancelier le favori pour succéder à Angela Merkel au poste de chancelier. Un aboutissement pour un homme politique dont l’engagement à gauche a souvent été remis en question et qui a réussi plus d’une fois à revenir dans la course politique.
C’est une ascension électorale à la fois complètement inattendue et finalement tout à fait prévisible. Olaf Scholz, le candidat du SPD – qui fait figure de favori pour succéder à Angela Merkel à une semaine des élections générales allemandes du dimanche 26 septembre –, partait largement perdant il y a encore quelques mois.
En juin encore, le SPD était à la traîne, non seulement sur les conservateurs de la CDU (chrétiens démocrates) d’Angela Merkel, mais également sur les Verts. Il n’aura donc fallu qu’un été pour que la malédiction du parti social-démocrate, en chute libre dans les sondages depuis le début des années 2000, semble prendre fin.
Favori par défaut ?
Et il aura fallu que ce soit Olaf Scholz, actuel ministre des Finances et vice-chancelier d’Angela Merkel et l’un des cadres historiquement les moins appréciés par la base du SPD, qui incarne ce rebond électoral de la gauche. Les commentateurs politiques ont été prompts à mettre la bonne fortune d’Olaf Scholz sur le compte des bévues de ses principaux adversaires.
Armin Laschet, le candidat du parti chrétien démocrate (CDU), a, en effet, commis un faux pas médiatique majeur lors des inondations catastrophiques en Allemagne survenues mi-juillet en apparaissant hilare sur une photo prise sur place. Quant à Annalena Baerbock, la championne des Verts, elle s’est pris les pieds dans une histoire de CV enjolivé et de plagiat dans son dernier livre.
Olaf Scholz, favori par défaut donc ? Comment pourrait-il en être autrement avec un candidat que les médias anglo-saxons qualifient presque à l’unisson de “politicien le plus ennuyeux du monde”. Mais le soi-disant manque de charisme de Scholz est également pointé du doigt en Allemagne où le candidat SPD a longtemps été surnommé “Scholzomat”, une contraction entre le nom du candidat et “automat”, pour sa manie de répondre comme un robot aux questions. “Il est l’archétype du politicien qui réfléchit bien, mais communique mal”, résume l’hebdomadaire Der Spiegel.
Le SPD semble aussi avoir opté pour Olaf Scholz à contrecœur. L’actuel ministre des Finances avait voulu prendre la tête du parti fin 2019, mais la base lui avait préféré deux représentants de l’aile gauche du SPD, fustigeant à nouveau Scholz de ce que les militants de gauche lui ont toujours reproché : être trop à droite.
Olaf Scholz est d’ailleurs surnommé “le Merkel” sur les réseaux sociaux et certains médias appellent désormais ce soixantenaire “Vati” (“papa”), en référence à “Mutti” (“maman”), le célèbre sobriquet d’Angela Merkel.
Mais ce parallèle avec la chancelière sortante qui, hier encore, servait d’épouvantail aux yeux des électeurs de gauche, commence à jouer en sa faveur. À l’heure où les autres candidats multiplient les gaffes, il apparaît comme le dauphin fiable de celle qui, pendant seize ans, a incarné la stabilité politique allemande et le pragmatisme.
L’homme des remontadas politiques
Il a aussi su jouer de sa position de ministre des Finances d’Angela Merkel pour se forger une réputation de leader politique capable d’être à la hauteur des crises. C’est ainsi que le vice-chancelier est devenu l’homme du “quoi qu’il en coûte” à l’Allemande pour faire face à la pandémie de Covid-19. Il a aussi promis de dépenser sans compter pour indemniser les victimes des inondations de juillet.
En d’autres termes, Olaf Scholz est en train de réussir une remontada politique (toute référence à un ancien ministre français de l’Économie serait fortuite). Encore une, diront ceux qui ont suivi sa carrière de près. Il a, en effet, multiplié les “comeback” improbables. En 2001, il échoue à se faire élire à Hambourg, la ville où il a pourtant grandi. Un an plus tard, il rebondit pour devenir secrétaire générale du SPD, durant l’ère où Gerhard Schröder a été chancelier, de 1999 à 2004. C’est un échec retentissant pour ce mauvais communiquant qui doit, notamment, défendre les très controversées réformes du marché du travail de Schröder.
Scholz est définitivement catalogué comme un social-démocrate de droite et le parti le pousse à démissionner fin 2004. “Il a été la première victime politique des réformes de Gerhard Schröder”, écrivait le Spiegel en 2007. Cette année-là marque le retour d’Olaf Scholz, qui devient ministre du Travail dans le gouvernement d’union nationale d’Angela Merkel. Il essaie de redorer son blason social-démocrate en critiquant la politique sociale de la chancelière et en militant, sans succès, pour l’instauration d’un salaire minimum.
En 2011, il décroche enfin la mairie de Hambourg et s’occupe de politique locale jusqu’à ce qu’Angela Merkel le rappelle pour devenir son ministre des Finances et vice-chancelier en 2018. À ce poste, il n’échappe pas à la comparaison avec son prédécesseur – le très redouté Wolfgang Schauble, qui s’était forgé une réputation de gardien du temple de l’orthodoxie budgétaire européenne. Olaf Scholz décide de reprendre ce crédo à son compte, au grand dam des partenaires européens de l’Allemagne qui ont tôt fait de le surnommer “Wolfgang Scholz”.
De quoi convaincre l’aile gauche du SPD qu’il est hors de question de remettre les clés du parti à ce “social traître” en 2019. Un an et demi avant d’en faire leur candidat pour le poste de chancelier. Contradictoire ? Peut-être. Mais entre-temps, Olaf Scholz a non seulement su se montrer à la hauteur des défis économiques liés à la crise sanitaire, mais il “a aussi soigné sa communication et est apparu plus aimable et ouvert”, souligne la Deutsche Welle.
ll a aussi laissé remonter à la surface médiatique ses “erreurs” de jeunesse lorsqu’il faisait partie des jeunesses socialistes. Il était alors l’un des plus fervents détracteurs du secrétaire général de ce mouvement, Willi Piecyk, à qui il reprochait “de ne pas être suffisamment anticapitaliste”, raconte le quotidien économique Handelsblatt.
Une manière de tenter de rectifier un peu son image de “faux” social-démocrate ? Pas sûr que cela suffise, surtout si, au soir du 26 septembre, le SPD arrivait bel et bien en tête mais était obligé de s’unir au parti de gauche radicale Die Linke pour former une coalition gouvernementale. Ce scénario, discuté très sérieusement dans les médias allemands, n’aurait pas les faveurs d’Olaf Scholz qui a, officiellement, déclaré préférer gouverner avec les Verts, sans Die Linke.