Des harkis, leurs descendants et des responsables d’associations sont invités, lundi, à l’Élysée par Emmanuel Macron, qui souhaite “franchir un nouveau pas “. Les associations réclament le vote d’une “loi de reconnaissance” de l’abandon de ces anciens combattants aux côtés de l’armée française durant la guerre d’Algérie et une revalorisation de leurs indemnisations.
L’abandon des harkis par la France sera-t-il reconnu dans une loi ou sa reconnaissance restera-t-elle à l’état de discours ? Emmanuel Macron préside, lundi 20 septembre, une réception consacrée à ces anciens combattants aux côtés de l’armée française durant la Guerre d’Algérie, pour “franchir un nouveau pas” vers la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans les souffrances de ces hommes et de leurs familles.
Ont été invitées à l’Élysée quelque 300 personnes : des harkis, désormais très âgés, soixante ans après la fin du conflit, mais aussi leurs descendants, des responsables d’associations et des personnalités. Cette réception se tient cinq jours avant la journée nationale d’hommage aux harkis, qui est célébrée tous les 25 septembre depuis 2003, notamment dans le sud de la France où ils sont très présents.
Le temps fort lundi sera, à 10 h 30, le discours d’Emmanuel Macron dans lequel il annonce “ouvrir le chantier de la réparation”, en allant plus loin que son prédécesseur François Hollande qui, en 2016, avait reconnu “les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis”.
“Le président considère que le travail accompli depuis soixante ans est important mais qu’il faut franchir un nouveau pas dans la reconnaissance au manquement qui a été fait aux harkis mais aussi au manquement de la République française à ses propres valeurs”, explique l’Élysée.
Une loi réclamée pour reconnaître “l’abandon des harkis”
Les harkis sont ces anciens combattants – jusqu’à 200 000 hommes – recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France. À l’issue de cette guerre, une partie d’entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie.
Plusieurs dizaines de milliers d’autres, souvent accompagnés de femmes et d’enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des “camps de transit et de reclassement” aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.
Depuis, “la République a fait des pas : il y a eu diverses procédures d’indemnisation installées au fil du temps”, rappelle un conseiller de la présidence.
Autant de gestes jugés insuffisants par les associations de harkis, qui réclament, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, qu’une “loi de reconnaissance de l’abandon des harkis” soit votée d’ici “la fin de l’année”. “On vous a vu avoir le courage de reconnaître des pages sombres de notre histoire, sur la guerre d’Algérie, le Rwanda ou les essais nucléaires en Polynésie. Nous avons espoir que vous serez celui qui mettra fin à soixante ans d’une certaine hypocrisie consistant à reconnaître l’abandon des harkis dans les discours mais à la refuser dans une loi”, écrit Ajir, l’Association Justice Information Réparation pour les Harkis.
>> Webdocumentaire : Femmes de harkis et tisseuses de la République
Les associations, qui disent représenter une communauté d’environ 400 000 personnes (harkis et descendants), réclament également une revalorisation des indemnisations existantes.
En septembre 2018, la secrétaire d’État aux Armées Geneviève Darrieussecq avait présenté un “plan Harkis” comprenant le déblocage de 40 millions d’euros sur quatre ans pour revaloriser les pensions des anciens combattants et venir en aide à ceux de leurs enfants qui vivent dans la précarité.
Distribution de Légions d’honneur
Emmanuel Macron avait annoncé qu’il s’adresserait aux harkis en recevant, en janvier, le rapport de l’historien Benjamin Stora visant à promouvoir “l’apaisement des mémoires” autour de la guerre d’Algérie, qui reste “une plaie ouverte” entre les deux rives de la Méditerranée.
Au cours de la réception, le président doit décorer Salah Abdelkrim, un représentant harki blessé au combat, un officier français, le général François Meyer, qui a organisé le rapatriement “de plusieurs centaines de harkis en désobéissant aux ordres”, et une fille de harki, Bornia Tarall, “militante de l’égalité des chances et de la diversité”.
Après avoir pris différentes initiatives (sur Maurice Audin, l’ouverture des archives ou l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel…), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d’ici la fin du quinquennat : la répression par la police française d’une manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.
Autant de rendez-vous politiquement sensibles à l’approche de la présidentielle d’avril 2022 alors que les harkis représentent un électorat traditionnellement courtisé par le Rassemblement national et la droite.
Avec AFP