L’escalade entre le président Farmajo et son Premier ministre, Mohamed Hussein Roble, a atteint son apogée. Le chef d’État somalien, au mandat expiré depuis février, a retiré, jeudi, les pouvoirs exécutifs de son chef de gouvernement. Les deux hommes se sont opposés au sujet de limogeages et de nominations à des postes cruciaux de l’appareil sécuritaire.
Un nouvel épisode de tension au sommet de l’État vient fragiliser la Somalie. Le président Mohamed Abdullahi Mohamed, connu sous le nom de Farmajo, a retiré, jeudi 16 septembre, “les pouvoirs exécutifs” de son Premier ministre, Mohamed Hussein Roble.
“Le Premier ministre a violé la Constitution de transition de sorte que ses pouvoirs exécutifs lui sont retirés (…), notamment ses pouvoirs de destitution et/ou de nomination de dirigeants jusqu’à ce que les élections aient eu lieu”, affirme un communiqué du bureau du président.
Le chef de l’État justifie sa décision par le fait que le Premier ministre a pris “des décisions imprudentes pouvant ouvrir la voie à l’instabilité politique et sécuritaire”, et qu’il n’a procédé à “aucune consultation et collaboration avec le président”.
Les deux hommes, qui nourrissent des relations tendues depuis plusieurs mois, se sont opposés à deux reprises ces dix derniers jours au sujet de limogeages et de nominations à des postes cruciaux de l’appareil sécuritaire.
Des décisions ministérielles sans cesse contestées
Le 5 septembre, Mohamed Roble avait limogé le chef de l’Agence des services de renseignement et de sécurité (Nisa) Fahad Yasin, un intime de Farmajo, pour sa gestion de l’enquête sur la disparition inexpliquée d’une de ses agentes, Ikran Tahlil.
Le président avait annulé cette décision “illégale et inconstitutionnelle”, puis nommé un remplaçant de son choix après avoir promu Fahad Yasin comme conseiller à la sécurité nationale.
La semaine dernière, après avoir accusé le président d'”entraver” l’enquête et jugé que ses décisions constituaient une “menace existentielle dangereuse” pour le pays, le Premier ministre avait remplacé le ministre de la Sécurité. Le président avait également jugé cette décision non conforme à la Constitution.
Des responsables politiques s’étaient ensuite employés à désamorcer les tensions entre les deux dirigeants, sans succès.
Un risque pour l’organisation d’élections
“Les factions somaliennes jouent avec le feu”, mettait en garde le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié mardi, face à l’escalade entre Farmajo et Roble.
Élu en 2017, Farmajo a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s’entendre avec les dirigeants régionaux sur l’organisation d’élections, déclenchant une grave crise constitutionnelle. L’annonce, mi-avril, de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio, ravivant le souvenir des décennies de guerre civile qui ont ravagé le pays après 1991.
Mohamed Hussein Roble, nommé en septembre 2020, occupe le centre de la scène politique depuis que Farmajo l’a chargé, en mai, d’organiser ces élections très sensibles. Le Premier ministre est parvenu à un accord sur un calendrier électoral, avec pour horizon initial une élection du président le 10 octobre.
Ce processus a déjà pris du retard. La désignation des membres de la Chambre basse, dernière étape avant l’élection du chef de l’État selon le complexe système électoral indirect somalien, doit désormais se tenir entre le 1er octobre et le 25 novembre.
Mohamed Roble a assuré à des diplomates de l’ONU, que les élections se dérouleraient “comme prévu”. L’ICG estime que “se débarrasser de Roble (…) ruinerait probablement l’accord sur lequel sont basées les élections”.
Avec AFP