Des centaines de milliers de personnes ont envahi mardi les rues des grandes villes brésiliennes à l’appel de Jair Bolsonaro, qui leur a promis d’écrire “une nouvelle histoire” pour le Brésil. Le président d’extrême droite a attaqué avec virulence un des juges de la Cour suprême et jeté le doute sur les élections dans le pays.
Acclamé par des dizaines de milliers de partisans à Brasilia, le président brésilien Jair Bolsonaro a adopté, mardi 7 septembre, un ton menaçant envers la Cour suprême, au risque d’aggraver la crise institutionnelle en cette journée de manifestations dans tout le pays. Quelques heures plus tard à Sao Paulo, il a par ailleurs jeté le doute sur les élections au Brésil, déclarant devant des centaines de milliers de personnes qu’il ne pouvait pas “participer à une farce”.
Le président d’extrême droite a voulu faire de la fête nationale du 7 septembre une démonstration de force en appelant “des foules gigantesques” à lui apporter leur soutien.
C’est à Brasilia, quadrillée par plus de 5 000 policiers, qu’a commencé cette fête de l’Indépendance atypique. Jair Bolsonaro a survolé en hélicoptère l’immense esplanade des Ministères avant de haranguer la foule importante qui l’a accueilli aux cris de “Mito, Mito !” (“le Mythe”, son surnom).
“À partir d’aujourd’hui, une nouvelle histoire commence à être écrite au Brésil”, a-t-il lancé sous les ovations.
Le chef de l’État a ensuite attaqué avec virulence un des juges de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, qui a ordonné l’ouverture d’enquêtes contre lui et son entourage, notamment pour dissémination de fausses informations.
“Soit le chef de ce pouvoir (la Cour suprême) remet (ce juge) à sa place, soit ce pouvoir va subir des conséquences dont personne ne veut”, a-t-il déclaré.
Des propos clairement menaçants, alors que Jair Bolsonaro avait déjà présenté cette journée de mobilisation comme un “ultimatum” contre la Cour suprême.
“Défendre notre liberté”
“Nous ne voulons pas de rupture. Nous ne voulons pas nous battre avec les autres pouvoirs. Mais nous ne pouvons pas permettre que quiconque mette en péril notre liberté”, a-t-il ajouté, sous les applaudissements des manifestants ceints dans les drapeaux vert-jaune du Brésil.
Pratiquement aucun d’entre eux n’utilisait de masque, alors que, malgré l’avancée de la vaccination, la pandémie est loin d’être contrôlée dans le pays, où plus de 580 000 personnes sont mortes du Covid-19.
De nombreux manifestants portaient des pancartes exigeant la destitution des juges de la Cour suprême. L’une d’elle réclamait une “intervention militaire avec Bolsonaro à Brasilia”.
“Je suis venu pour défendre notre liberté et libérer le pays de cette bande immonde de politiciens corrompus de la Cour suprême qui veulent nous la retirer”, a déclaré à l’AFP Brasilia Marcio Souza, un agent de sécurité portant un tee-shirt arborant le visage de Jair Bolsonaro.
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“Ce qui est le plus inquiétant, ce sont ces discours du président contre des institutions démocratiques, notamment la Cour suprême, du jamais-vu depuis le retour de la démocratie” après la dictature militaire de 1964-1985, déplore le politologue Mauricio Santoro.
“C’est un peu comme en Hongrie, en Pologne, au Venezuela ou aux États-Unis à l’époque de Trump : un discours autoritaire qui affaiblit la démocratie de l’intérieur”, conclut-il.
Le processus électoral qualifié de “farce”
Les institutions du pays ont été encore plus mises à mal dans l’après-midi, à Sao Paulo, lorsque le président a de nouveau appelé à une modification du système actuel de vote électronique, alléguant qu’il entraînait des fraudes.
“Nous voulons des élections propres, démocratiques, avec un comptage public des bulletins”, a déclaré le chef de l’État. “Je ne peux pas participer à une farce telle que celle promue par le président du Tribunal supérieur électoral.”
Le président brésilien assure sans preuve que le vote électronique, en vigueur au Brésil depuis 1996, est entaché de fraudes et qu’il aurait dû être élu dès le premier tour en 2018.
Il exige que chaque vote électronique soit validé avec un reçu imprimé afin de permettre un recomptage des voix en cas de contestation. Un système qui, selon les spécialistes, favorise précisément les fraudes.
La journée était à haut risque alors que l’opposition manifestait elle aussi. Elle réclame le départ d’un président accusé de menacer la démocratie, d’avoir géré pitoyablement la crise du Covid-19, de même que l’économie avec un chômage quasi record et une inflation préoccupante.
La mobilisation à Brasilia a été importante, mais certains commentateurs politiques disaient néanmoins à la mi-journée qu’ils s’attendaient à voir une foule plus nombreuse. Et surtout “au vu des sommes investies pour mobiliser les partisans du président”, avec notamment une grande campagne sur les réseaux sociaux, a estimé Mauricio Santoro.
Avec 51 % des Brésiliens défavorables à sa gestion, Jair Bolsonaro n’a jamais été aussi impopulaire depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019. Il est largement distancé par l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva dans les intentions de vote pour l’élection d’octobre 2022, et même parfois battu dès le premier tour.
Avec AFP