Les Taliban ont affirmé, lundi, avoir pris le contrôle de tout l’Afghanistan, y compris la vallée du Panchir, fief du défunt commandant Massoud. Pourtant, la résistance locale, dirigée par son fils Ahmad Massoud, assure continuer la lutte. Et ce, fidèlement à la réputation de cette province connue pour être imprenable.
En Afghanistan, les regards sont désormais tournés vers la vallée montagneuse du Panchir, dans le nord-est du pays. Les Taliban ont annoncé, lundi 6 septembre, avoir pris le contrôle “complet” de cette dernière poche de résistance armée qui leur échappait, située à une centaine de kilomètres au nord de la capitale.
Une affirmation démentie par le Front national de résistance (FNR) dirigé par Ahmad Massoud, le fils du défunt commandant Massoud, le “lion du Panchir”.
L’un des porte-paroles du FNR, Fahim Fetrat, a indiqué aux Observateurs de France 24 que les Taliban avaient pris la route principale de la vallée, la Saricha Road, et les villes, mais il a assuré que le FNR continuait “de résister dans les montagnes et les vallées” de la province à majorité tadjike.
Signe de la détermination des Panchiri, Ahmad Massoud a appelé, de son côté, à un “soulèvement national” contre les nouveaux maîtres de Kaboul.
Une géographie hostile
“Le jeune Massoud, qui peut compter sur 9 000 à 10 000 combattants, ralliés par des supplétifs, incarne cet esprit de résistance et de lutte contre le fanatisme et l’obscurantisme et a une certaine capacité à fédérer”, précise Olivier Weber, écrivain et auteur de “Massoud, le rebelle assassiné” (éd. de l’Aube), interrogé par France 24.
Des milliers de moudjahidines de la région du Panchir, ainsi que des soldats de l’armée afghane et des forces spéciales ont rallié le Panchir après la conquête de leurs villes par les Taliban, selon Fahim Fetrat.
L’esprit de résistance des Massoud est à l’origine de la légende de la vallée enclavée du Panchir, du nom de la rivière éponyme qui la traverse, qui est pourtant la plus petite province d’Afghanistan.
Imprenable, inexpugnable… Elle doit sa réputation à sa géographie naturelle composée de gorges étroites et de vallées encaissées entre de hautes montagnes aux versants abrupts, qui ne la rendent accessible que par quelques rares points d’entrée, dont le principal est la Saricha Road.
Province fertile enviée pour la qualité de ses fruits, elle est synonyme de paradis pour ses habitants et, à l’inverse, d’enfer pour tous ceux qui ont tenté de la conquérir.
“Cette vallée n’a jamais été totalement prise, ni pendant l’occupation soviétique, entre 1979 et 1989, ni pendant l’acte I des Taliban, de 1996 à 2001”, rappelle Olivier Weber.
L’artisan de cette résistance farouche est Ahmed Chah Massoud qui, après avoir lutté contre le régime communiste afghan, a en effet repoussé les nombreuses tentatives de l’envahisseur soviétique de déloger ses moudjahidines de la vallée, ainsi que celles des Taliban.
L’héritage de Massoud
L’aura et l’héritage du commandant Massoud, tué par des kamikazes en 2001, deux jours avant les attaques du 11-Septembre, restent omniprésents dans la province insoumise, qui a juré fidélité à son fils âgé de 32 ans, Ahmad Massoud. Son Front national de résistance, composé par l’Alliance du Nord, formée par son père, et d’autres mouvements, s’est préparé à l’arrivée au pouvoir des Taliban.
Après un temps avoir pensé préserver l’inviolabilité de la région, et même entamé des discussions avec le nouveau pouvoir, les résistants se sont résolus à faire face aux Taliban.
“Nous sommes dans une nouvelle phase de la guerre”, a confié Fahim Fetrat. “Nous entrons dans la phase de guérilla maintenant. Ce n’est pas la première fois que cela arrive au Panchir, la même chose s’était produite pendant l’occupation soviétique et contre les Taliban dans les années 1990, lorsque l’ennemi avait capturé les villes et que nous avions résisté dans les montagnes.”
“Militairement, la situation est compliquée car les Taliban ont préparé leur offensive en prenant 21 vallées adjacentes au Panchir et restent sur une dynamique de victoire”, estime Olivier Weber. “Le rapport de force n’est pas favorable à la résistance, qui est totalement encerclée, même si on peut faire confiance aux résistants qui sont des maquisards de longue date.”
Et de conclure : “Aux yeux des Taliban, le Panchir fait tache sur la carte, car il n’est pas totalement sous contrôle, et il ne le sera peut-être pas tout de suite.”
Repliés dans les montagnes et les vallées, les héritiers du “lion du Panchir” jouent une nouvelle fois leur avenir et celui de leur forteresse naturelle.