Depuis la prise de pouvoir par les Taliban, le 15 août, les Américains et leurs alliés ont organisé un gigantesque pont aérien et ont exfiltré en deux semaines 123 000 personnes. Les insurgés ont jusqu’à présent refusé les aides étrangères pour assurer la sécurité, la logistique, et la reprise des vols commerciaux. Tour d’horizon des questions concernant l’aéroport.
L’aéroport de Kaboul, centre névralgique des opérations d’évacuation ces quinze derniers jours, est désormais sous contrôle des Taliban après le départ du dernier avion militaire américain d’Afghanistan, lundi 30 août.
La sécurité de cette porte d’entrée et de sortie du pays est une préoccupation majeure. L’attaque-suicide du 26 juillet dernier revendiquée par le groupe État islamique au Khorasan (EI-K), qui a fait plus d’une centaine de morts, dont 13 soldats américains, a visé l’une des portes du complexe. Et lundi, son système de défense anti-missiles a intercepté des roquettes lancées par l’EI-K.
La Turquie avait proposé de se charger de la sécurité de l’aéroport, mais les Taliban ont toujours répété qu’ils n’accepteraient aucune présence militaire étrangère au-delà du 31 août. “Nos combattants et nos forces spéciales sont capables de contrôler l’aéroport et nous n’avons besoin de l’aide de personne pour la sécurité et le contrôle administratif de l’aéroport de Kaboul”, avait déclaré à l’AFP un porte-parole des Taliban, Bilal Karimi.
Mais Michael Kugelman, expert sur l’Asie du Sud au cercle de réflexion Wilson Center à Washington, estime qu’une présence sécuritaire étrangère est indispensable pour garantir le retour des compagnies aériennes étrangères, et qu’un accord est encore possible.
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, a déclaré au Financial Times que son pays essayait de convaincre les Taliban d’accepter de l’aide étrangère. “Ce que nous tentons de leur expliquer, c’est que la sécurité d’un aéroport implique beaucoup plus de choses que de simplement en sécuriser les périmètres”, a-t-il dit.
L’aéroport est d’une “importance existentielle” pour l’Afghanistan et pour le soutien médical et humanitaire à ce pays, a souligné, de son côté, la chancelière allemande, Angela Merkel. “Il est essentiel de garder l’aéroport ouvert”, a également insisté le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.
Qui assurera la logistique de l’aéroport ?
Entretenir et gérer un aéroport est une tâche complexe, qui requiert une forte expertise. Il n’est pas sûr que les Taliban l’aient, après la fuite de milliers d’Afghans éduqués et qualifiés ces derniers jours.
Le porte-parole du Département d’État, Ned Price, a déclaré que du point de vue américain, l’aéroport était désormais rendu “aux Afghans”. Ces dernières semaines, l’Otan a joué un rôle clé, son personnel civil se chargeant du contrôle aérien, du ravitaillement en carburant et des communications.
Comme pour la sécurité, des discussions ont eu lieu avec la Turquie afin qu’elle fournisse son assistance technique. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué que son pays discutait avec les Taliban.
Dans quel état se trouve l’aéroport ?
Des responsables américains ont reconnu que l’aéroport était dans un mauvais état, l’essentiel de son infrastructure de base ayant été endommagée ou détruite. Un pilote a indiqué à l’AFP que le bâtiment du terminal passagers avait été saccagé par les personnes qui avaient pris d’assaut l’aéroport dans les heures de confusion extrême qui ont suivi la prise de pouvoir par les Taliban.
La tour de contrôle pour le trafic passager devra aussi être remplacée avant que les vols commerciaux ne puissent faire leur retour. Les deux pistes d’envol restent encore utilisables, comme l’ont prouvé ces deux semaines d’évacuations, mais ne sont pas non plus dans le meilleur des états.
Les vols commerciaux reprendront-ils ?
Les Taliban ont insisté sur le fait qu’ils entendent garder ouvert l’aéroport civil. Mais sans de réelles garanties sécuritaires, les compagnies commerciales ne viendront pas à Kaboul. Une “parfaite tempête de risques” est à attendre pour ces compagnies, estime M. Kugelman.
Avoir un aéroport opérationnel permettrait aux Taliban d’améliorer leur image sur la scène internationale. “Si les Taliban cherchent à obtenir la reconnaissance et la légitimité des gouvernements du monde entier, alors ils doivent avoir un aéroport qui marche, où la sécurité est assurée, et en lequel on puisse avoir confiance”, ajoute M. Kugelman.
Les Afghans seront-ils autorisés à quitter le pays ?
Les Taliban ont insisté sur le fait que les Afghans disposant d’un passeport et d’un visa seraient libres d’aller et venir. Nombre d’Afghans et d’observateurs émettent toutefois des doutes sur cette promesse des Taliban, ainsi que sur leur engagement à ne pas s’en prendre à ceux qui ont travaillé pour l’ex-gouvernement ou les forces étrangères.
Il y a également de fortes chances que les Afghans qui n’ont pas réussi à monter à bord d’un des vols d’évacuation ces deux dernières semaines soient désormais trop effrayés pour se rendre de nouveau à l’aéroport, selon M. Kugelman.
“Pour nombre d’entre eux, qui ont déjà des raisons de craindre les Taliban, la perspective de tenter de fuir le pays via un aéroport contrôlé par les Taliban n’est pas une pensée très agréable”, a déclaré l’expert.