Le SPD vient de dépasser pour la première fois en 15 ans la CDU d’Angela Merkel dans les intentions de vote, à un mois des élections générales. Une situation inédite qui doit beaucoup à un candidat de la droite, Armin Laschet, qui a multiplié les bourdes.
Angela Merkel s’en va, mais la CDU reste : tel était jusqu’à présent le scénario le plus probable pour les élections générales allemandes du 26 septembre. Mais une petite révolution politique s’est produite à un mois de cette échéance. Pour la première fois en 15 ans, les sociaux-démocrates du SPD (23 %) sont devant les conservateurs de la CDU (22 %) dans les derniers sondages.
“C’est surprenant car le SPD stagnait autour ou en dessous de 20 % dans les intentions de vote au niveau national depuis une dizaine d’années”, souligne Thomas Poguntke, politologue à l’université de Düsseldorf, contacté par France 24.
Problème d’image
En parallèle, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a chuté de près de dix points dans les intentions de vote depuis mi-juillet. Les sondages ne sont certes pas des paroles d’évangile, “mais, en l’occurrence, ils confirment une tendance observée depuis plusieurs semaines dans la campagne, à savoir les difficultés du candidat conservateur“, assure Klaus Schubert, politologue à l’Institut de recherches politiques de l’université de Münster, contacté par France 24.
Armin Laschet, le candidat qui, à droite, veut être chancelier à la place de Merkel, semble ne pas s’en sortir. Il a notamment accumulé les ratés à l’occasion des inondations catastrophiques en Allemagne survenues mi-juillet. Une image en particulier passe très mal auprès des Allemands : celle d’un Armin Laschet presque hilare derrière le président fédéral Frank-Walter Steinmeier qui, d’un ton grave, prononce un discours sur les destructions causées par les pluies.
Mais ce n’est pas tout. Il apparaît aussi “comme particulièrement peu concret dans ses prises de position et reste souvent très flou”, souligne Klaus Schubert. Lors d’un récent débat télévisé avec les deux autres principaux candidats – Olaf Scholz pour le Parti social-démocrate (SPD), Annalena Baerbock pour les Verts –, il a été le seul à ne pas vouloir dire où il se rendrait pour son premier déplacement officiel en tant que chancelier. “C’est pourtant une question facile et classique”, note Klaus Schubert.
Mais il n’est pas le seul responsable de ses malheurs. L’actualité ne l’a pas aidé. Les inondations, la pandémie ou encore le retour au pouvoir des Taliban en Afghanistan sont autant de dossiers permettant à quelqu’un qui exerce déjà des responsabilités politiques de se mettre en avant. Et c’est ce qu’Olaf Scholz a fait. “En tant que ministre des Finances, il a pu apparaître comme le sauveur en promettant, par exemple, de débloquer les fonds nécessaires pour les sinistrés des inondations ou de ne pas regarder à la dépense pour surmonter la crise sanitaire”, précise Klaus Schubert.
À quoi joue Angela Merkel ?
La CDU semble également le soutenir à reculons et donne l’impression “de ne pas savoir comment faire porter les idées du parti par ce candidat”, note Wolfgang Schroeder, politologue au Wissenschaftszentrum Berlin (Centre de recherche scientifique de Berlin), contacté par France 24.
Armin Laschet l’a dit lui-même : “On ne peut pas mener une campagne seul.” Même Angela Merkel est restée très discrète quant à son soutien au candidat de son parti. “L’absence d’implication de la chancelière, qui aurait pu faire bénéficier d’un peu de sa popularité à Armin Laschet, reste pour moi l’un des grands mystères de cette campagne”, remarque Stefan Marschall, politologue à l’université de Düsseldorf, contacté par France 24.
Et c’est sans compter avec les voix à droite qui lui mettent des bâtons dans les roues. Markus Söder, le patron de la CSU bavaroise, “ne manque pas une occasion pour souligner qu’il aurait fait mieux qu’Armin Laschet”, souligne Thomas Poguntke. Pour ce politologue, c’est l’un des principaux points faibles de la campagne du candidat de la CDU : “Il n’a absolument pas réussi à s’entourer d’une équipe à lui, ce qui fait qu’à droite tout le monde semble jouer pour soi.”
Face à cette désunion des chrétiens-démocrates, le SPD “a réussi l’exploit d’apparaître comme un parti en rang serré derrière son candidat qui, en plus, est l’un des ténors du gouvernement actuel”, note Stefan Marschall.
Le tableau apocalyptique
Armin Laschet espérait passer pour l’homme de la continuité après Angela Merkel, mais c’est finalement “Olaf Scholz qui apparaît comme le dauphin naturel de la chancelière sortante”, assure Wolfgang Schroeder, du Centre de recherche scientifique de Berlin. “Il a le même pragmatisme politique, sait aussi se montrer très flexible et a une véritable expérience sur la scène internationale”, résume ce politologue.
Armin Laschet n’a plus que très peu de temps pour redresser la barre s’il veut éviter une défaite à la CDU aux prochaines élections. Le plus probable est “que les conservateurs jouent la carte du scénario apocalyptique en dépeignant un futur sombre si la gauche arrivait au pouvoir”, estime Wolfgang Schroeder.
Difficile de dire si une telle stratégie peut marcher. Les Allemands, d’un côté, peuvent être sensibles à un tel discours car “ils sont politiquement plutôt conservateurs et n’aiment pas trop les expérimentations au gouvernement”, juge Stefan Marschall, de l’université de Düsseldorf.
Mais de l’autre, l’argument “apocalyptique” risque tout autant de faire long feu car pour beaucoup, Olaf Scholz ne fait pas peur car “il symbolise davantage la continuité que n’importe quel candidat puisqu’il est déjà au gouvernement”, estime Klaus Schubert de l’université de Münster.
Et si Armin Laschet n’arrive pas à remonter la pente, un scénario inédit au niveau fédéral est de plus en plus discuté en Allemagne : la possibilité d’un gouvernement à trois partis. Mais avec ou sans la CDU ?