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Du commandement militaire à la diplomatie des Taliban, l'ascension du mollah Abdul Ghani Baradar

Le mouvement des Taliban a toujours eu à sa tête des personnages de l’ombre, tels que son co-fondateur, le mollah Omar, ou encore son leader suprême, Haibatullah Akhundzada. Alors que les insurgés viennent de prendre le pouvoir en Afghanistan, c’est pourtant sur les réseaux sociaux que son chef politique, Abdul Ghani Baradar, a revendiqué la victoire.

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Lorsque les combattants talibans ont pénétré dans la capitale afghane, le 15 août, une vidéo du mollah Abdul Ghani Baradar a été diffusée sur les réseaux sociaux. Le regard un peu méfiant face à la caméra, devant le drapeau blanc de l’Émirat islamique d’Afghanistan, il a salué la victoire de son mouvement.

Abdul Ghani Baradar, qui a longtemps été le visage modéré du groupe islamique radical, fait son retour après vingt ans d’exil. Derrière ce visage devenu la figure publique des Taliban, se cache un commandant militaire aguerri et aux convictions religieuses strictes sur la façon dont le monde devrait être.

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Des Soviétiques aux Américains

Né en 1968 dans la province d’Uruzgan, dans le sud du pays, il a grandi à Kandahar, le berceau des Taliban. Comme nombre d’Afghans, sa vie a été transformée par l’invasion soviétique en 1979, qui en a fait un moudjahid. C’est à cette époque qu’il aurait combattu aux côtés du mollah Omar, qui a perdu un œil lors de ce conflit.  Les deux hommes ont cofondé le mouvement des Taliban qui a émergé au début des années 1990 dans des écoles religieuses du sud du pays et dans des camps de réfugiés afghans au Pakistan. Selon un article de la BBC, ils sont mêmes devenus beaux-frères lorsque Abdul Ghani Baradar a épousé la sœur du mollah Omar.

Baradar a été un insurgé toute sa vie d’adulte, à l’exception des cinq années au cours desquelles les Taliban ont contrôlé l’Afghanistan (1996-2001). Il était déjà une figure importante et ministre de la Défense lorsque les Américains ont envahi le pays après les attentats du 11 septembre 2001. Son rôle est resté important après la chute du régime. Il aurait été la tête pensante de nombreuses attaques jusqu’à son arrestation en 2010, à Karachi, au Pakistan, par des agents de la Direction pour le renseignement interservices, la plus importante et la plus puissante des trois branches des services de renseignements du Pakistan. Il avait alors été photographié et avait dû parader les chaînes autour des poignets afin de montrer à quel point les autorités pakistanaises prenaient au sérieux la chasse aux insurgés talibans.

Sous la pression, en particulier de Washington qui intensifiait ses efforts pour quitter l’Afghanistan, il a été libéré en 2018. Écouté et respecté des différentes factions talibanes, il a ensuite été nommé chef de leur bureau politique, situé au Qatar. C’est lui qui a mené les négociations avec l’administration Trump qui ont abouti le 29 février 2020 à un accord historique prévoyant le retrait de tous les soldats étrangers d’ici le 1er mai 2021, en échange de garanties sécuritaires et de l’ouverture de négociations directes inédites entre les insurgés et les autorités de Kaboul. 


Alors que le premier régime des Taliban n’avait été reconnu que par trois pays (le Pakistan, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis), Abdul Ghani Baradar a rencontré de nombreux dignitaires étrangers pour obtenir une reconnaissance plus globale. Le mois dernier, il a aussi conduit une délégation en Chine où il a rencontré le ministre des Affaires étrangères Wang Yi. Un déplacement qui porte aujourd’hui ses fruits. Pékin a été le premier pays à exprimer, le 16 août, sa volonté d’entretenir des “relations amicales” avec les Taliban.

Les pays occidentaux sont, en revanche, plus circonspects et demandent au mouvement islamique radical de respecter les droits de l’Homme. Ils s’inquiètent aussi de la possibilité de voir les Taliban autoriser la présence de groupes jihadistes dans le pays, comme ce fut le cas pour Al-Qaida avant le 11-Septembre.

Un “code de conduite”

Aujourd’hui, les Taliban veulent montrer un autre visage. Lorsqu’il était l’un des commandants militaires des insurgés, Abdul Ghani Baradar s’était fait remarquer par son souci d’obtenir le soutien du peuple afghan. En 2009, selon un article du New York Times, Abdul Ghani Baradar avait ordonné à ses combattants de conserver sur eux un petit livre leur expliquant comment gagner le cœur des villageois.

Ce “code de conduite”, qui inclut des conseils sur la manière d’éviter les pertes parmi les civils et prône la limitation des attaques suicides, reflète son état d’esprit politique. Selon lui, les Taliban, qui avaient imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique du temps où ils étaient au pouvoir, doivent désormais gagner la confiance de la population. “À présent, c’est le moment d’évaluer et de prouver, à présent nous devons montrer que nous pouvons servir notre nation et assurer la sécurité et le confort dans la vie”, a-t-il affirmé dans la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux après la prise de Kaboul, dimanche, en appelant ses troupes à la discipline.

Sur les comptes Twitter qui leur sont favorables, les Taliban se vantent d’avoir été chaleureusement accueillis à Kaboul ou encore du fait que des jeunes filles sont retournées, dès lundi, à l’école, comme à l’accoutumée. Ils ont aussi assuré que des milliers de combattants convergent vers la capitale pour en assurer la sécurité.

Mais ces mots n’ont pas balayé les craintes de milliers d’Afghans. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent depuis le 15 août des scènes de totale anarchie, comme ces centaines de personnes courant près d’un avion de transport militaire américain qui roule pour aller se mettre en position de décollage, pendant que certaines tentent follement de s’accrocher à ses flancs ou à ses roues.

Cet article a été adapté de l’anglais par Stéphanie Trouillard. L’article original est à retrouver ici.

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