L’armée s’est déployée, samedi, dans des stations-service au Liban, en proie à de très graves pénuries de carburant, le gouverneur de la Banque centrale refusant de rétablir les subventions sans vote d’une loi par le Parlement.
Le Liban a vu l’armée se déployer, samedi 14 août, afin de rouvrir des stations-service face aux fortes pénuries de carburant qui affectent l’approvisionnement en biens de première nécessité. Le pays traverse l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale.
Le gouverneur de la Banque centrale refuse en effet de rétablir les subventions sur le carburant sans vote d’une loi par le Parlement. “Je ne reviendrai pas sur (la décision de) la levée des subventions sur les carburants à moins que l’usage des réserves obligatoires (de devises) ne soit légalisé”, a déclaré le directeur de la Banque centrale (BDL), Riad Salamé, au micro d’une radio locale. “Nous disposons encore de 14 milliards de dollars de réserves (obligatoires), en plus de 20 milliards de dollars d’actifs externes”.
La BDL avait annoncé mercredi soir sa décision de n’accorder des lignes de crédits qu’au taux du marché noir pour l’importation de carburants, mais les subventions sur les carburants étaient levées de facto depuis des semaines.
La décision a provoqué colère et panique dans le pays, faisant craindre une énième hausse des prix et aggravant les pénuries, y compris de pain. Plusieurs établissements ont dû également fermer leurs portes, faute de diesel pour alimenter les générateurs privés, alors que les pannes de courant culminent à plus de 22 heures par jour.
Les réserves de la BDL – allouées aux subventions de produits de base depuis le début de la crise pour juguler l’inflation – ont fondu alors que la monnaie nationale ne cesse d’enfoncer les seuils face au dollar rendant le coût de l’importation d’autant plus onéreux.
La livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur face au dollar qui s’échange aujourd’hui sur le marché noir à plus de 20 000 livres, contre un taux officiel toujours maintenu à 1 507 livres pour un dollar.
Critiqué par plusieurs ténors politiques pour cette décision, Riad Salamé s’est défendu samedi : “Tous (…) étaient au courant de la décision. Qu’ils aillent au Parlement et qu’ils votent la loi au lieu de jouer la comédie”, a-t-il répliqué.
“Inacceptable qu’il n’y ait ni diesel, ni essence, ni électricité”
Samedi, des files interminables s’allongeaient devant des stations d’essence tandis que des camions de distribution de carburant ont été pris d’assaut dans certaines régions par des citoyens en colère, selon des médias locaux.
Dans un communiqué, l’armée a menacé de “perquisitionner les stations-service fermées, de confisquer toutes les quantités d’essence qui y sont stockées (…) et de les distribuer directement et gratuitement” aux automobilistes.
Les forces de sécurité intérieures (FSI) lui ont emboîté le pas, affirmant qu’elles ne “resteront pas les bras croisés” face au chaos. Certaines stations-service ont fermé pour conserver du stock de carburant en attendant une nouvelle hausse des prix.
Selon des correspondants de l’AFP, des soldats déployés en masse aux stations d’essence ont imposé en début d’après-midi l’ouverture de plusieurs d’entre elles au nord de Beyrouth et ailleurs.
Riad Salamé a d’ailleurs critiqué samedi les importateurs et distributeurs de carburants, accusés de profiter des subventions et de stocker d’importantes quantités pour les vendre plus cher sur le marché noir ou en Syrie voisine. “Il est inacceptable que nous importions 820 millions de dollars de carburants et qu’il n’y ait ni diesel, ni essence, ni électricité” sur le marché local, a-t-il déploré, indiquant que ce montant devait suffire trois mois, “pas seulement un mois”.
En poste depuis 1993, Riad Salamé est accusé par la rue d’avoir, à l’instar des barons de la politique libanaise, mené le pays à la dérive et transféré d’importantes sommes à l’étranger lors de la contestation populaire d’octobre 2019 et d’avoir imposé des restrictions bancaires draconiennes, toujours en vigueur. Il fait l’objet d’enquêtes judiciaires au Liban, en Suisse et en France dans plusieurs affaires, y compris de détournement de fonds publics et d’enrichissement illicite.
Avec AFP