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Iran : après son intronisation, Ebrahim Raïssi va prêter serment devant le Parlement

Le nouveau président iranien, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, va prêter serment, jeudi, devant le Parlement et tenter pendant son mandat de quatre ans de redresser une économie minée par les sanctions américaines et la crise sanitaire. Ce religieux traditionaliste de 60 ans est un proche du Guide suprême, dont il devrait suivre la ligne politique à la lettre.

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Vainqueur de la présidentielle de juin marquée par une abstention record, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi succède au modéré Hassan Rohani. Le nouvel homme fort du régime prête serment, jeudi 5 août, devant le Parlement, auquel il devra présenter ses candidats pour les postes ministériels. Ancien chef de l’Autorité judiciaire, il a entamé officiellement mardi son mandat de quatre ans, après l’approbation de son élection par le guide suprême.

“Nous chercherons certainement à obtenir la levée des sanctions oppressives, mais nous ne lierons pas les conditions de vie de la nation à la volonté des étrangers”, a-t-il prévenu lors d’une cérémonie retransmise par la télévision d’État.

 “Nous estimons que la situation économique n’est pas favorable pour le peuple, à la fois en raison de l’inimitié des ennemis et en raison des lacunes et des problèmes à l’intérieur du pays”, a-t-il reconnu après sa prise de fonctions.

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Élu en juin, après avoir échoué lors du précédent scrutin présidentiel en 2017 face à Hassan Rohani, Ebrahim Raïssi est un proche du Guide suprême Ali Khamenei, dont il a été élève au séminaire. Bien qu’il porte le turban, il n’est pas un ayatollah, mais un hodjatoleslam, un rang du clergé chiite inférieur. Il est aussi un seyyed – un descendant du prophète Mahomet dans l’islam chiite –, ce qui l’autorise à porter le turban de couleur noire, une distinction populaire auprès de l’électorat pieux.

Placé à des postes clés du pouvoir

Le nouveau président iranien est un homme de confiance du Guide. Comme lui, il est originaire de la ville sainte de Mashhad. Aussi, ce n’est pas un hasard si Ebrahim Raïssi a été propulsé en 2016 par Ali Khamenei à la direction de la puissante fondation religieuse Astan Qods Razavi, gestionnaire du mausolée de l’imam Reza – huitième successeur du prophète selon les chiites duodécimains –, situé dans cette même ville de Mashhad, dans le nord-est de l’Iran. Il y passera trois ans. 

Ce haut lieu de pèlerinage chiite draine des milliards d’euros de dons que l’organisation Astan Qods Razavi est chargée de faire fructifier. La fondation, qui fonctionne à la fois comme un organisme de charité et une holding, possède une multitude de biens immobiliers, des terres agricoles et des entreprises dans des domaines aussi divers que la construction, le tourisme ou l’agroalimentaire. Prendre la tête de cette fondation, c’est diriger un empire économique. Ce que fera Ebrahim Raïssi durant trois ans, avant d’être appelé par le Guide suprême à de nouvelles fonctions.

En mars 2019, il est nommé cette fois à la tête de l’Autorité judiciaire iranienne. Encore un poste influent pour Ebrahim Raïssi, chargé par l’ayatollah Ali Khamenei de lutter vigoureusement “contre la corruption”.

Loyal comme à l’accoutumée, il multiplie depuis sa prise de fonctions les procès pour corruption largement médiatisés et visant de hauts dignitaires de l’État – mais aussi, fait nouveau, des juges. Des procès qui lui permettent au passage d’évincer quelques adversaires politiques de taille, comme son prédécesseur à la tête du système judiciaire, Sadeq Larijani, dont un proche conseiller s’est retrouvé mêlé à un de ces scandales de corruption jugés devant les tribunaux. Sadeq Larijani n’étant autre que le frère d’Ali Larijani, pressenti pour la présidentielle, mais dont la candidature a été rejetée par le Conseil des gardiens, probablement en raison de cette affaire familiale.

Ebrahim Raïssi a fait d’ailleurs de la lutte contre la corruption l’un de ses slogans de campagne. Dans un communiqué, il s’était ainsi présenté comme “l’adversaire de la corruption, de l’inefficacité et de l’aristocratie”, et avait promis de lutter sans relâche “contre la pauvreté” s’il était élu.

Une figure hostile à l’Occident

Au cours de son mandat, ce partisan d’une vision “étatiste” ne devrait pas plaider pour l’ouverture de l’économie iranienne aux investisseurs étrangers.

“L’Iran sous Ebrahim Raïssi devrait continuer à investir dans les infrastructures, l’eau, l’électricité et la santé avec une économie dominée par les fondations qu’il connaît bien et les Gardiens de la révolution [qui possèdent eux aussi de nombreuses entreprises]”, avait analysé l’économiste et spécialiste de l’Iran Thierry Coville.

Plusieurs chercheurs estiment que ces acteurs paraétatiques représentent actuellement plus de 50 % de l’économie iranienne, mais que le phénomène reste difficile à chiffrer car ces entreprises ne présentent pas de “traçabilité claire” et évoluent dans un “système clientéliste”.

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien en cours de négociation, bien que défiant vis-à-vis de l’Occident, Ebrahim Raïssi ne devrait pas s’y opposer clairement, estime Thierry Coville, qui rappelle que c’est “le Guide suprême qui donne le ton de ces négociations”.

Un religieux “traditionaliste”

Sur la question de l’ouverture des mœurs, l’ultraconservateur, qualifié de “traditionaliste”, est soutenu par les partisans de la ligne dure. Son beau-père n’est autre que l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, le représentant du Guide dans la province du Khorasan (nord-est). Connu pour son austérité, le clerc s’était illustré en 2016 par l’interdiction des concerts de pop iranienne dans la ville de Mashhad, placée sous son autorité religieuse, alors que ceux-ci, en plein essor, avaient été autorisés dans les autres grandes villes d’un Iran modernisé.


Chez les organisations de défense des droits humains et plus particulièrement auprès de la diaspora iranienne, le nom d’Ebrahim Raïssi, qui rappelle les heures sombres de la République islamique, fait encore trembler.

L’ultraconservateur, qui a occupé des responsabilités pendant plus de deux décennies au sein du système judiciaire, dont celui de procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran à la fin de la décennie 1980, a notamment participé en tant que juge à une série de procès politiques en 1988 au terme desquels plusieurs centaines d’opposants emprisonnés ont été exécutés. Un passé judiciaire que ses adversaires lui reprochent encore aujourd’hui, mais qui lui donne encore plus de légitimité aux yeux des plus conservateurs.

Possible successeur du Guide suprême

Certains voient même en lui un probable successeur du Guide. Passé à la tête de l’empire financier de la Fondation du mausolée de l’imam Reza, puis au cœur du système judiciaire iranien, Ebrahim Raïssi est aussi depuis peu le vice-président élu de l’Assemblée des experts, l’organe chargé de proposer un Guide suprême en cas de disparition de l’ayatollah Ali Khamenei.

En remportant la présidentielle, il a acquis la légitimité du peuple qui lui manquait encore. Pour rappel, Ali Khamenei était lui-même président de la République islamique au moment où il a été appelé à occuper le poste de Guide suprême en 1989, à la mort de l’ayatollah Khomeini.

L’âge avancé d’Ali Khamenei, 82 ans, et les questionnements sur son état de santé laissent penser que le nouveau président pourrait être celui qui vivra la succession du numéro un de l’État iranien. Aussi, son élection pourrait finalement servir à Ebrahim Raïssi de tremplin vers la fonction de Guide suprême.

Avec AFP

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