Depuis plusieurs mois, Jeron Combs partage des vidéos de recettes et d’astuces pour cuisiner avec les moyens du bord dans sa cellule d’une prison américaine en Californie. Condamné à 70 ans de prison pour assassinat quand il avait 18 ans, ce prisonnier de 31 ans s’est mis, au début de la pandémie de Covid-19, à partager avec le monde extérieur des bribes de son quotidien.
Pour réussir à cuisiner dans sa cellule, qui n’est pas équipée de plaques électriques ou de four, Jeron Combs a dû faire preuve de créativité : il a démonté une bouilloire et récupéré une petite plaque chauffante circulaire qu’il a ensuite branchée et placée sous son lit métallique pour transformer ce dernier en surface de cuisson.
Dessus, il a pu faire cuire de la viande pour confectionner des tacos, faire griller des sandwiches ou préparer des œufs brouillés.
“Je veux montrer que nous prenons des initiatives et que nous pouvons même être créatifs”
Jeron Combs a publié sa première vidéo en mai 2020 et a depuis récolté des millions de vues sur la plateforme TikTok, où plus de 300 000 personnes le suivent. Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, il a expliqué sa démarche.
J’ai commencé à faire ces vidéos environ deux mois après le début de la pandémie, on n’entendait parler que du virus à la télé. Cette pandémie a aussi changé notre quotidien : les visites ont été suspendues et nos sorties ont été considérablement limitées.
On a décidé de filmer pour montrer au monde extérieur ce que nous faisons en prison. On s’est concentrés sur ces recettes créées pour nous et nos amis parce qu’on en avait ras-le-bol de la nourriture servie à la cantine.
Mon compte TikTok a rapidement pris des proportions folles, j’ai eu beaucoup de vues d’un coup et je ne m’y attendais pas du tout. Beaucoup de personnes qui ne sont pas en prison étaient intéressées et curieuses. J’ai eu un peu de réactions négatives mais dans des proportions moindres.
Et au fil du temps je suis devenu la voix de la prison, ce qui est assez rare. Les gens ont généralement une très mauvaise image de la prison et des prisonniers. Je veux montrer que nous avons une voix, que nous prenons des initiatives et que nous pouvons même être créatifs. J’ai voulu montrer cela, et filmer le quotidien de façon authentique.
“Je reste prudent car les smartphones sont interdits en prison”
À côté de ces vidéos, je m’occupe du nettoyage dans la prison et je passe le temps comme tout le monde, en jouant au basketball, aux échecs ou au scrabble, avec la lecture, l’écriture de lettres et l’étude de mon dossier judiciaire.
Même si je m’exprime en mon nom publiquement, j’évite de filmer certaines choses et je reste prudent car les smartphones sont interdits en prison. Ce qui n’empêche pas la plupart des prisonniers d’en avoir et d’être sur les réseaux sociaux.
Dans le milieu carcéral américain, les téléphones portables sont considérés comme des objets de contrebande mais sont très largement passés illégalement aux prisonniers via des gardiens corrompus, des visiteurs voire des drones. Dans le seul État de l’Oklahoma, 9 766 appareils ont été saisis sur l’année 2016, ce qui représente un téléphone pour 2,8 détenus.
Jeron Combs n’est pas le seul prisonnier à avoir rencontré un certain succès sur les réseaux sociaux en montrant des astuces permettant d’améliorer le quotidien. Sur Twitter, un détenu français de la pénitentiaire de Fleury-Mérogis a partagé des photos et vidéos de ses réalisations comme le fraisier, le couscous et la pizza.