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RD Congo : le passage à tabac de creuseurs artisanaux, un révélateur des tensions dans les mines

Une vidéo publiée à partir du 21 juillet sur Facebook et Twitter, et qui a beaucoup circulé sur WhatsApp, montre des militaires fouetter des creuseurs clandestins, sur ordre de responsables chinois, dans une concession minière de l’entreprise Commus près de Kolwezi, dans le sud de la RD Congo. Si la scène a profondément choqué, le phénomène n’est pas nouveau selon plusieurs ONG, et met en lumière la mainmise des entreprises étrangères sur les sites miniers au détriment des communautés locales.

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Durant les 30 secondes de la vidéo, un militaire en treillis, accompagné d’un de ses collègues, fouette à l’aide d’une corde deux creuseurs allongés au sol. Le militaire s’attarde sur l’un des creuseurs en le cravachant à plusieurs reprises devant trois responsables chinois de l’entreprise, en combinaison, qui regardent la scène.

Étant donné le caractère choquant de cette vidéo, nous ne publions que des captures d’écran. 


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Selon le média en ligne Actualite.cd, la scène s’est déroulée mardi 20 juillet sur le site de la Compagnie minière de Musunoi (Commus), détenue par des intérêts chinois, à Kolwezi, dans la province du Lualaba. Ces deux creuseurs s’étaient introduits de manière frauduleuse dans la carrière, à la recherche de cuivre.

La vidéo, rapidement devenue virale, a suscité des commentaires indignés. Fifi Masuka Saini, gouverneure intérimaire de la province du Lualaba, a dénoncé des actes de torture. La justice s’est immédiatement saisie de l’affaire et a condamné le 23 juillet les deux militaires, un adjudant-chef et un caporal, respectivement à deux ans et dix-huit mois de prison pour coups et blessures selon Radio Okapi. Les trois responsables chinois ont également été mis aux arrêts.

“Les creuseurs artisanaux sont régulièrement maltraités”

Selon Papy Nsenga, président d’un syndicat de creuseurs de Kolwezi, contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, ce n’est pas la première fois que des creuseurs artisanaux sont torturés sur des concessions minières.

Ce qui s’est passé est un drame que malheureusement nous vivons tous les jours. Les creuseurs artisanaux sont régulièrement maltraités par les responsables d’entreprises minières quand ils sont arrêtés. Ils sont tabassés sauvagement par les agents de sécurité des mines.

Il est vrai que nous n’avons pas le droit d’exploiter des concessions minières détenues par d’autres entreprises. Mais nous n’avons pas de sites propres à nous. Nous avons longtemps réclamé des zones d’exploitation artisanales, mais aucun espace ne nous a été octroyé, ni par l’État congolais, ni par la province.

Tous les sites miniers ont été concédés aux entreprises minières étrangères. Nous n’avons pas d’autre choix que d’envahir ces concessions minières pour pouvoir vivre et nourrir nos familles.

“Un intrus doit être transféré à la police”

Pour autant, les militaires n’ont pas le droit de “commettre des actes de violence sur les creuseurs”, dénonce Freddy Kasongo, secrétaire général de l’Observatoire d’études et d’appui sur la responsabilité sociale et environnementale.

Normalement, quand un intrus est arrêté sur une concession minière, il doit être maîtrisé puis transféré par les services de sécurité de l’entreprise à la police, après qu’il a été entendu sur procès-verbal.

D’ailleurs, la loi minière interdit la présence des militaires sur les sites miniers. Les entreprises minières doivent faire appel à des agents de sécurité privés pour protéger leur concession. Ils peuvent être appuyés par la police des mines qui, elle, est armée dans un but de dissuasion.

Mais dans la pratique, des officiers des Forces de sécurité ont créé leur propre entreprise de sécurité privée et ils détournent une partie du personnel de l’armée et de la police pour faire leur business.

Dans un communiqué publié lundi 26 juillet et rapporté par Actualite.CD, l’entreprise Commus confirme que l’incident a bien eu lieu sur sa concession minière, mais indique que “les militaires concernés se trouvaient dans la concession pour une mission militaire spéciale qui est bien légale aux alentours de notre concession et non ordonnée par la société”.

Nous n’avons pas réussi à joindre les deux creuseurs qui ont été passés à tabac. Arthur Ilunga, le procureur général de la Cour d’appel de Lualaba qui s’est chargé du dossier n’a pas voulu répondre à nos questions. 

Des concessions minières cédées à des industriels au détriment de l’exploitation artisanale

La République démocratique du Congo est le premier producteur africain de cuivre et le premier producteur mondial de cobalt avec une production annuelle évaluée à 90 000 tonnes. Les principaux gisements de ces deux matières premières qui, une fois associées avec le nickel, servent à la fabrication de batteries automobiles, se concentrent dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga.

Là-bas se côtoient plusieurs géants miniers occidentaux comme le Suisse Glencore ou le Canadien Ivanhoe. Mais depuis plusieurs années, le marché est dominé à 80 % par la Chine, avec notamment la présence de Tenke Fungurume Mining, qui exploite, près de Kolwezi, la plus grande mine de cuivre du pays.

Au fur et à mesure, ces concessions minières ont été cédées par l’État congolais après la faillite, dans les années 1990, de la Gécamines, l’entreprise publique qui jouissait d’un monopole. Mais les gouvernants n’ont pas tenu compte des creuseurs artisanaux qui, pour la plupart, étaient installés sur ces mines depuis plusieurs années.

Les tensions entre les communautés locales et ces entreprises minières sont devenues récurrentes, selon Richard Ilunga, directeur exécutif d’African Resources Watch (Afrewatch), une ONG qui milite pour le respect des droits humains dans le secteur minier.

Après la faillite de la Gécamines, certains sites inexploités ont été pris d’assaut par les populations qui cherchaient à travailler. Les creuseurs sont devenus très nombreux au fil des années. Et quand les entreprises minières se rendaient compte que les terres exploitées par les populations avaient une forte teneur en minerai de bonne qualité, elles obtenaient des titres miniers sur les périmètres ciblés. Elles en sont devenues alors les exploitants légaux et les creuseurs ont dû laisser la place. Cela crée des tensions qui peuvent dégénérer.

Le 20 juillet, des centaines de creuseurs se sont ainsi soulevés à Kolwezi après avoir été chassés d’un site minier de l’entreprise indienne Chemaf.

Selon Amnesty international, 10 000 mineurs artisanaux avaient été expulsés en juin 2019 de concessions de l’entreprise Tenke Fungurume Mining.

35 cas de sévices corporels

Pour apaiser et prévenir les tensions, l’État demande aux entreprises minières de laisser les creuseurs exploiter de petites portions de leurs concessions. Mais cela n’empêche pas les cas d’intrusion ou de vol de minerai de creuseurs indélicats qui, une fois arrêtés, risquent la torture par les services de sécurité.

Depuis 2018, Afrewatch a recensé près de 35 cas connus de sévices corporels ou de torture sur des mineurs artisanaux s’étant introduits illégalement dans des concessions minières.

Désormais, les syndicats de creuseurs réclament des sites qui leur soient entièrement dédiés. Plusieurs sites ont été identifiés par les autorités provinciales mais ne sont pas encore ouverts à l’exploitation.

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Jean-Marie Tshizainga, le ministre provincial des Mines, n’était pas joignable au moment de la publication de cet article.

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