La judokate Clarisse Agbégnénou a ajouté la plus belle des lignes à son incroyable palmarès. Avec cinq couronnes de championne du monde, la Française a enfin décroché l’or olympique. Née prématurée, la sportive n’a jamais cessé de se battre.
Cinq ans après sa médaille d’argent à Rio, Clarisse Agbégnénou n’a pas laissé passer une nouvelle fois sa chance. La judokate (-63 kg) a pris sa revanche, mardi 27 juillet, sur sa rivale, la Slovène, Tina Trstenjak, championne olympique en titre. À 28 ans, la quintuple championne du monde a décroché l’or, le seul titre qui manquait à sa déjà riche carrière.
Pour celle que l’on surnomme “Gnougnou”, les Jeux ont plusieurs fois été un rendez-vous manqué. À Londres, elle avait dû se contenter du banc des remplaçants, tandis qu’à Rio elle était repartie terriblement frustrée et amère avec cette deuxième place.
5 ans que j’attends ce moment!🔥
Il y a eu 1 année qui a été particulièrement douloureuse mais ça y est j’y suis. EN-FIN🙌🏾 🤩
Demain c’est à mon tour de jouer!🔥 Je combattrai á ~05h du matin heure française.
Let’s go! Let’s play! Let’s enjoy!💙🤍❤️ #tokyo2020 #UneSeuleEquipe
— AGBÉGNÉNOU Clarisse (@Gnougnou25) July 26, 2021
Depuis les derniers JO, Clarisse Agbégnénou mûrissait sa revanche, comme une forme d’obsession. Et c’est pourquoi l’année d’attente supplémentaire imposée par le Covid avant de pouvoir poser les pieds au Budokan, la mythique salle de judo du centre de Tokyo, lui a tant pesé. “Ça a été très, très dur, parce que c’est beaucoup d’engagement de sa part, beaucoup de sacrifices. Et ce report, ces incertitudes, ça a été très compliqué pour elle”, a expliqué Larbi Benboudaoud, directeur de la haute performance et entraîneur de l’équipe de France féminine.
Clarisse Agbégnénou avait même pensé tout arrêter. “Ça a été très difficile, très, très dur. Je n’aurais jamais pensé être aussi bas, dans ma vie, dans ma carrière”, avait-elle expliqué en juin dernier, après avoir décroché un cinquième titre mondial.
Pour se reconstruire, la sportive a procédé à des changements radicaux. “Il fallait que je me retrouve moi, toute seule. J’avais besoin de me recentrer sur moi. Ça a peut-être été dur à comprendre, mais il fallait aussi qu’on m’écoute. Je devais penser aussi à moi”, a-t-elle expliqué à l’AFP. Elle a ainsi passé plusieurs mois à La Réunion, s’est beaucoup investie dans une formation de coach de vie à HEC et a pratiqué boxe, yoga et jiu-jitsu brésilien. “Il y a des choses que sans doute on n’aurait pas accordées en temps normal, mais à elle comme aux autres. On a peut-être lâché des choses”, a reconnu Larbi Benboudaoud. “C’était elle la plus prête pour les JO et c’est elle qui a le plus ‘morflé’. Donc on a du s’adapter.”
Une battante née
Dès sa naissance à l’automne 1992, deux mois avant le terme, le tempérament de battante d’Agbégnénou a été mis à rude épreuve. Réanimée dès sa venue au monde avec son jumeau Aurélien, elle a passé ses quatre premières semaines en couveuse, alimentée par perfusion. Puis une malformation rénale a nécessité une opération “alors qu’elle ne pesait que deux kilos”, raconte sa mère Pauline Agbégnénou au journal L’Équipe. “Et elle est tombée dans le coma. Elle y est restée durant sept à huit jours. Lorsqu’elle s’est réveillée, dans une grande inspiration, je me souviens que le médecin a dit que ma fille était une battante”, poursuit-elle.
Sa gnaque, elle explique la devoir aussi à son enfance au milieu de ses trois frères passée en région parisienne. “Ça ne peut que te forger. T’es la seule fille, t’as pas le choix : il faut leur faire la guerre, sinon tu te fais bouffer !”, lance-t-elle.
Dirigée vers le judo à neuf ans pour canaliser son énergie débordante, la jeune Clarisse y trouve sa voie. À quatorze ans, elle quitte le foyer familial pour le pôle France d’Orléans. Puis trois ans plus tard, en 2009, elle rejoint l’Insep, la pépinière à champions du sport français.
Aux Mondiaux-2010 et 2011, ses deux premières sélections internationales senior tournent court. La troisième, en 2012, est la bonne : elle obtient du bronze européen avant ses vingt ans, puis de l’or européen et de l’argent mondial l’année suivante. Et son premier or mondial en 2014, à 21 ans, comme elle l’ambitionnait haut et fort : “Franchement et sans avoir le melon, je ne me vois pas ne pas être championne du monde cette année”.
“Je n’ai pas besoin de lui transmettre la culture de la gagne, elle l’a”, résumait avant les Mondiaux-2019 Larbi Benboudaoud, qui la suit depuis ses débuts en Bleu et désormais directeur de la haute performance du judo français.
Une sportive engagée
Son engagement et son énergie débordent des dojos. Sur les réseaux sociaux qu’elle utilise intensément, “Gnougnou” documente sa vie à 100 à l’heure et met en avant les causes auxquelles elle est sensible, celle des femmes en particulier, elle qui a participé au développement de culottes menstruelles avec une marque spécialisée ou posé en une de L’Équipe Magazine pour un dossier sur les seins des sportives.
Devenue l’un des symboles du sport français, bien au-delà du judo, Clarisse Agbégnénou a été choisie pour être la porte-drapeau des Bleus aux côtés du gymnaste Samir Aït Saïd, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo. En remportant l’or, elle a suivi le glorieux destin de ses prédécesseurs judokas David Douillet (2000) et Teddy Rinner (2016), eux-aussi porte-drapeaux et champions olympiques.
Quelle fierté d’avoir ouvert le pas de notre belle @EquipeFRA avec @samiraitsaid4🥰🔥🇫🇷
La flamme de #Tokyo2020 est officiellement allumée🔥
J’espère que vous avez pris autant de plaisir que nous à porter et chanter les couleur de notre belle🇫🇷
Maintenant il n’y a plus qu’à💪🏽 pic.twitter.com/behldnQEOm
— AGBÉGNÉNOU Clarisse (@Gnougnou25) July 23, 2021
Avec AFP