Deux semaines après l’assassinat de son président, Jovenel Moïse, Haïti se recueille, vendredi, pour ses funérailles. Il sera inhumé dans sa région natale de Cap-Haïtien, au nord du pays. Des heurts ont éclaté la veille et des habitants du nord de l’île ont érigé des barricades afin d’empêcher les habitants de Port-au-Prince d’assister aux obsèques.
Haïti préparait sous haute sécurité, jeudi 22 juillet, les obsèques du président Jovenel Moïse, 15 jours après son assassinat qui a encore davantage plongé le pays dans l’incertitude. Il a également fait resurgir des tensions historiques au sein de la population.
Abattu à l’âge de 53 ans par un commando armé, le chef de l’État sera inhumé vendredi à Cap-Haïtien, la métropole septentrionale de sa région natale.
La deuxième ville d’Haïti s’est réveillée jeudi dans le calme. Mais, la veille, des heurts ont éclaté en raison de la présence sur place du directeur général de la police nationale, Léon Charles.
Le chef policier a été chahuté alors qu’il inspectait les dispositifs de sécurité installés pour les obsèques. Il n’a pas pris part jeudi matin à une messe de requiem célébrée en la cathédrale, les cérémonies d’hommage se déroulant sur plusieurs jours.
Tensions entre Nord et Ouest
Des locaux lui reprochent d’avoir échoué à protéger le président Moïse, l’enfant du pays, dont l’assassinat a été perpétré en pleine nuit, avec une apparente passivité des agents censés surveiller son domicile. Haïti est gangréné par l’insécurité et la loi des gangs, un fléau qui a empiré sous le mandat de Jovenel Moïse.
La police d’Haïti a diffusé des photos de Léon Charles en train de visiter l’esplanade où se dérouleront les funérailles nationales, en bordure de laquelle une vaste estrade couverte était en voie de construction.
La mort de Jovenel Moïse a fait resurgir les tensions historiques entre le Nord d’Haïti et l’Ouest, où se trouve la capitale, Port-au-Prince. Et notamment l’ancien antagonisme entre les deux composantes de la population haïtienne : les Noirs descendants d’esclaves, plus au nord, et les métis qu’on appelait “mulâtres”, plus au sud et à l’ouest.
Les habitants du Nord rappellent que Jovenel Moïse est le cinquième chef d’État originaire du Nord à avoir été tué dans l’Ouest, après Jean-Jacques Dessalines, Cincinnatus Leconte, Vilbrun Guillaume Sam, et Sylvain Salnave. Certains accusent les Haïtiens de l’Ouest d’avoir perpétré ces assassinats.
“Je prie pour que justice lui soit rendue”
Des riverains ont ainsi érigé des barricades sur les routes nationales qui mènent au Cap-Haïtien afin, disent-ils, d’empêcher aux gens de Port-au-Prince de venir assister aux funérailles.
Carine, une croyante rencontrée près de l’église, confiait souhaiter que justice soit rendue au président : “Son assassinat m’attriste beaucoup. Je prie pour son âme. Je prie pour que justice lui soit rendue”. Une marche était prévue après la messe.
“Après son assassinat, on comprend mieux son importance. On comprend ses projets pour les masses défavorisées”, déclarait de son côté Petit D’or, un ancien employé d’une ONG, reconverti en chauffeur de taxi moto.
À Port-au-Prince, plusieurs cérémonies d’hommage distinctes ont aussi été organisées cette semaine à la mémoire du président assassiné.
L’une d’entre elles s’est déroulée en présence d’Ariel Henry, le nouveau Premier ministre qui a pris ses fonctions mardi, promettant de rétablir l’ordre afin d’organiser des élections exigées par la population et la communauté internationale.
“La France réitère l’importance que les élections législatives et présidentielles fiables puissent se tenir dès que les conditions seront réunies”, a déclaré jeudi la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
Une importance également réaffirmée jeudi par les États-Unis, qui ont nommé jeudi le diplomate Daniel Foote émissaire pour Haïti, chargé de “faciliter la paix et la stabilité” et la tenue d’élections “libres et justes”.
Ariel Henry a promis de traduire en justice les assassins de Jovenel Moïse. La police haïtienne a pour l’instant procédé à l’arrestation d’une vingtaine de mercenaires colombiens et affirme avoir mis au jour un complot organisé par un groupe d’Haïtiens ayant des liens avec l’étranger. Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent.
Avec AFP