L’équipe olympique des réfugiés présente au Japon un contingent étoffé, avec une trentaine de sportives et de sportifs originaires de dix pays. Parmi eux, la taekwondoïste Kimia Alizadeh, médaillée de bronze aux Jeux de Rio 2016, qui a ensuite choisi de quitter l’Iran pour des raisons politiques.
Sur leurs dossards, trois lettres en majuscule remplacent le nom du pays que chaque athlète représente : ROT pour Refugee Olympic Team, à savoir l’équipe olympique des réfugiés (EOR). Leur délégation comptera 29 sportifs et sportives au Japon (21 hommes et 8 femmes), pratiquement trois fois plus que lors des olympiades précédentes. Six des dix athlètes présents à Rio seront de nouveau en compétition aux Jeux de Tokyo.
Les Jeux de Rio avaient marqué les grands débuts de cette sélection. Désireux d’aider les athlètes d’élite frappés par la crise mondiale des réfugiés, le Comité international olympique (CIO) a débloqué des fonds pour participer au financement de cette équipe. “Nous souhaitons envoyer un message d’espoir à tous les réfugiés du monde”, avait alors déclaré le président du CIO, Thomas Bach. Et de poursuivre : “Alors qu’ils n’ont aucune équipe nationale à laquelle appartenir, ni aucun drapeau derrière lequel défiler, ni aucun hymne national, ces athlètes seront les bienvenus aux JO derrière le drapeau et l’hymne olympiques (…). Ils montreront au monde que malgré les tragédies inimaginables qu’ils ont dû affronter, n’importe qui peut contribuer à la société par son talent, ses dons, sa force ou ses capacités mentales.”
Au Brésil, 10 sportives et sportifs originaires du Soudan du Sud, de Syrie, de la RD Congo et d’Éthiopie avaient ainsi pu participer à des épreuves d’athlétisme, de judo et de natation. Leur porte-drapeau était la Sud-Soudanaise Rose Nathike Lokonyen, spécialiste du 800 mètres, qui avait terminé 7e de sa série de qualification. La jeune femme, réfugiée au Kenya, a ensuite bénéficié d’une bourse d’athlète pour continuer à s’entraîner et pouvoir disputer des compétitions internationales. Elle défendra de nouveau au Japon les couleurs de l’équipe des réfugiés, avec la ferme intention de réaliser une meilleure performance.
Yiech Pur Biel disputera lui aussi ses deuxièmes olympiades. Il est également originaire du Soudan du Sud, qu’il a dû fuir à l’âge de 10 ans, et s’alignera sur la distance du 800 mètres. Membre du comité d’administration de la Fondation olympique pour les réfugiés, il a participé ces dernières années à de nombreuses activités et initiatives destinées à aider, dans le monde entier, de jeunes déracinés à pratiquer des activités sportives. Et il est devenu en août 2020 ambassadeur de bonne volonté du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR).
Kimia Alizadeh, première Iranienne médaillée olympique
La délégation présente au Japon compte une médaillée olympique, la taekwendoïste Kimia Alizadeh. Porte-drapeau de l’Iran en 2016, elle a été la première Iranienne à décrocher une médaille olympique, le bronze dans la catégorie des moins de 57 kilos. En janvier 2020, elle annonçait quitter définitivement son pays en compagnie de son mari, fustigeant l'”hypocrisie” d’un système qui, selon elle, utilise ses sportives à des fins politiques et ne fait que les “humilier”.
Kimia Alizadeh a trouvé refuge aux Pays-Bas puis en Allemagne. Âgée de 21 ans, elle espère pouvoir obtenir prochainement la nationalité allemande. Elle représentera logiquement au Japon l’un des meilleurs espoirs de médailles pour l’équipe des réfugiés.
En 2016, Kimia Alizadeh avait fièrement dédié sa victoire aux femmes de son pays. “Je suis contente, pas seulement pour moi-même mais aussi pour toutes les filles iraniennes car cette médaille ouvre la voie (…) pour obtenir d’autres médailles”, avait-elle alors déclaré. Une combat féministe que porte une autre athlète, la cycliste afghane Masomah Alizada, réfugiée en France avec sa famille.
“Je veux montrer à tous les hommes qui pensent que le vélo ce n’est pas pour les femmes que (…) toutes les femmes, de n’importe quel pays, qui veulent faire du vélo peuvent le faire, que c’est seulement une passion, que c’est notre choix de porter les vêtements que l’on veut, dans lesquels on est à l’aise”, a déclaré la jeune femme dans une vidéo de l’Union cycliste internationale (UCI).
Contacté par Infomigrants après l’annonce de la sélection pour Tokyo de Masomah Alizada, Thierry Communal, l’un de ses entraîneurs en France, a insisté sur l’importance du message porté par cette jeune femme de 24 ans qui a toujours pu compter sur le soutien de son père en Afghanistan pour la pratique de ce sport, malgré les menaces, les insultes voire les jets de pierre.
Une équipe paralympique de réfugiés
Pas moins de neuf membres de cette équipe olympique sont originaires de Syrie, où la guerre fait rage depuis plus de dix ans, poussant à l’exil plusieurs millions de personnes. La nageuse Yusra Mardini fait partie de ces athlètes syriens et s’apprête à disputer ses deuxièmes olympiades. Elle avait raconté au New York Times avant les JO de Rio comment elle avait fui la Syrie en prenant place sur une frêle embarcation en direction de la Grèce qui avait sombré et Yusra Mardini avait alors dû nager pendant des heures pour rester en vie.
Âgé de 23 ans, Aram Mahmoud participera à ses premiers Jeux au Japon, dans l’épreuve de badminton. Réfugié depuis six ans aux Pays-Bas, il a rejoint un club allemand la saison dernière. Dans une interview accordée au site de la chaîne CNN, il a évoque les raisons de son départ. “Quitter ma famille, mes amis, ma patrie, c’était vraiment la chose la plus difficile. J’ai décidé de fuir la Syrie car je voulais avoir un avenir meilleur et être en sécurité, pour mener une vie normale. Et l’autre raison est que je voulais avoir plus de chances de continuer ma carrière de joueur de badminton.”
Ces motivations sont un point commun pour quasi tous les membres de cette délégation si particulière. Malgré les obstacles, ces sportives et sportifs n’ont pas abandonné leur rêve olympique, en espérant que ce rendez-vous mondial leur permette de mettre en lumière celles et ceux qui se battent pour connaître un destin similaire. Le CIO a également créé cette année une équipe paralympiques des réfugiés composée de six athlètes. Et tous feront retentir, en cas de victoire, l’hymne olympique créé en 1896 pour les Jeux d’Athènes.