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Le Mouhoun, plus long cours d’eau du Burkina Faso, est-il menacé par l’orpaillage ?

Le 7 juillet, au lendemain de pluies diluviennes, les populations de plusieurs communes rurales riveraines de la rivière Mouhoun, dont celles de Poura et de Siby, ont constaté la présence de plusieurs tonnes de carcasses de poissons sur les bords du cours d’eau. Quelques têtes de bétail ont également été intoxiquées. Des élus locaux évoquent une pollution de la rivière causée par l’orpaillage. Mais le ministère burkinabè de l’Eau indique qu’aucun agent chimique n’y a été retrouvé.

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S’étirant sur près de 1000 km, la rivière Mouhoun – appelée aussi La Volta noire – est le plus long cours d’eau du Burkina Faso. Elle traverse du nord au sud plusieurs régions du pays dont la province des Balé. Mercredi 7 juillet, des pêcheurs de cette région située dans le centre du pays n’ont remonté de leur filet que des poissons morts.

“On ne pouvait pas faire 30 secondes sans qu’un poisson mort ne passe”

Dans la commune de Poura, un journaliste d’une station radio locale ayant requis l’anonymat a été alerté de la présence de carcasses de poissons par des paysans qui cultivent sur les bords du cours d’eau. Il raconte :

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Sur les lieux, nous avons constaté que les poissons flottaient sur l’eau. On ne pouvait pas faire 30 secondes sans qu’un poisson mort ne passe. Et tous les poissons que les pêcheurs prenaient étaient en décomposition.

La rivière a été polluée au niveau de la commune de Siby. Et le courant a drainé les poissons déjà intoxiqués jusqu’au niveau de Poura. Mais nous n’en connaissons pas la véritable cause.

Pour prévenir tout risque d’intoxication des populations, les autorités locales ont immédiatement saisi les poissons qui étaient en vente dans la commune.


“La pollution est due à l’intense activité d’orpaillage qui se fait dans la méprise totale des règles environnementales”

Dans la commune de Siby, il n’y a pas que les espèces halieutiques qui ont été touchées par la pollution. Même le bétail qui s’abreuvait ou broutait tout près de la rivière a été retrouvé sans vie. Une vrai hécatombe, s’inquiète Issifou Ganou, le maire de la commune, membre du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti politique au pouvoir : 

C’est la première fois qu’on voit autant de poissons mourir dans la rivière. Le constat a été fait au lendemain des fortes pluies qui sont survenues dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 juillet.

Nous avons constaté des traces de produits chimiques le long du chemin de fer qui enjambe le cours d’eau. Les herbes ont jauni. Et les bœufs qui paissaient à cet endroit sont morts. 

En l’absence d’analyses précises, nous ne sommes pas en mesure de dire quelle sorte de produit s’est déversé.

Près de la rivière Mouhoun, le bétail est mort intoxiqué après s'être abreuvé près du cours d'eau dans la commune de Siby dans le centre du Burkina-Faso.
Près de la rivière Mouhoun, le bétail est mort intoxiqué après s’être abreuvé près du cours d’eau dans la commune de Siby dans le centre du Burkina-Faso. © Issoufou Ganou

Dans l’immédiat, nous avons incinéré les bêtes mortes et les poissons ont été enterrés. Nous avons demandé aux populations de rester prudentes et d’éviter de pêcher ou de puiser de l’eau dans la rivière pendant un certain temps, jusqu’à ce que la situation revienne à la normale. Cette mesure pourrait durer un mois.

Toutefois, nous pensons que la pollution est due à l’intense activité d’orpaillage qui se fait le long du cours d’eau, dans la méprise totale des règles environnementales. Les orpailleurs utilisent beaucoup de produits toxiques comme le mercure, le cyanure pour extraire l’or. Ils creusent un peu partout, et ensuite rejettent de la boue toxique dans la rivière. Les poissons auraient pu être intoxiqués par ces produits chimiques qui ont été déversés sur les bords de la rivière.

Avec une production annuelle évaluée à 50 tonnes, le Burkina Faso fait partie des dix plus grands producteurs d’or d’Afrique. L’activité d’orpaillage pratiquée un peu partout sur l’ensemble du territoire, contribue également à la production nationale. Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié en 2018, les 500 à 700 sites d’orpaillage que compte le pays produisent environ 9,5 tonnes d’or par an. 

Mais l’article 77 du code minier burkinabè interdit formellement l’utilisation “des explosifs et des substances chimiques dangereuses notamment le cyanure et le mercure dans les activités d’exploitation artisanale.”

Pas de pollution au cyanure mais une eau très trouble, selon le ministère de l’Eau 

Dans un communiqué qui rend compte des résultats des analyses des eaux prélevées – que l’on peut également retrouver sur sa page Facebook –, le ministère a déclaré que la mort de poissons dans le fleuve Mouhoun (ouest), n’était pas due à la pollution au cyanure ou aux pesticides, mais à l’augmentation de la turbidité de l’eau, caractéristique d’une eau dont la teneur en particules suspendues la rendent trouble.

Au niveau de la rivière Mouhoun, elle serait passée d’une valeur de “100 UTN (unité de mesure de turbidité) à pratiquement 2000. Ce qui confirme une eau très trouble dans laquelle certains types de poissons meurent par des difficultés respiratoires” liées à la mauvaise oxygénation, peut-on lire dans le communiqué.

Le ministère précise également que “l’augmentation de la turbidité est un phénomène qui est observé chaque année sur certains tronçons du Mouhoun en raison des techniques culturales qui consistent à remuer le sol en début de la saison pluvieuse. Les premières pluies entraînent la terre remuée dans les cours d’eau qui sont à proximité des zones cultivées.”

“La turbidité de l’eau peut être aussi due aux activités d’orpaillage”

Ces arguments ne convainquent pas Issifou Ganou. La commune dont il a la charge abrite l’un des plus grands sites d’orpaillages de la province des Balé où travaillent près de 10 000 orpailleurs, selon l’Agence d’information du Burkina-Faso.

Je n’ai pas qualité à contester ces conclusions. Mais je parle de ce que nous avons vu sur le terrain. C’est leur droit de dire que l’eau est trouble. Mais la turbidité de l’eau peut être aussi due aux activités d’orpaillage puisque de la boue est rejetée dans le cours d’eau par les orpailleurs. Et elle est toxique. C’est cela le danger. 

Nous ne sommes pas contre l’orpaillage qui est un secteur pourvoyeur d’emplois. Mais cette activité doit être faite dans le respect de l’environnement. Il faut qu’elle soit bien encadrée. Sinon, nos nappes phréatiques, à ce rythme, seront totalement polluées et cela va contaminer nos forages et nos puits.

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Idrissa Sanou, directeur provincial de l’Environnement, n’a pas voulu répondre à nos questions sur la possibilité que ces activités d’orpaillage soient à l’origine de la pollution.

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