Deux jours après des manifestations historiques à Cuba, quelque 130 personnes étaient emprisonnées ou signalées comme disparues mardi. Le gouvernement, qui nie toute “explosion sociale”, a fait état d’un manifestant mort lundi. Pendant ce temps, la pression internationale s’accroît : Washington a réclamé le rétablissement de tous les moyens de communication, notamment l’Internet mobile.
Une centaine de personnes, dont des figures de la dissidence, étaient en détention mardi 13 juillet à Cuba, deux jours après des manifestations sans précédent contre le gouvernement.
“Le 11 juillet, il n’y a pas eu une explosion sociale à Cuba, il n’y en a pas eu en raison de la volonté de notre peuple et du soutien de notre peuple à la Révolution et à son gouvernement”, a cependant déclaré le ministre des Affaires étrangères cubain, Bruno Rodriguez, en conférence de presse.
Comme le président Miguel Diaz-Canel avant lui, Bruno Rodriguez a accusé Washington d’être à l’origine des manifestations inédites qui ont éclaté dimanche sur l’île socialiste dans une quarantaine de villes et villages aux cris de “Nous avons faim”, “Liberté” et “À bas la dictature”.
Dissidents en prison
Mardi, quelque 130 personnes étaient emprisonnées ou signalées comme disparues, selon une liste nominative publiée sur Twitter par le mouvement contestataire San Isidro. Parmi elles figurent José Daniel Ferrer et Manuel Cuesta Morua, deux des principaux dissidents du pays. L’organisation dissidente des Dames en Blanc a aussi annoncé sur Twitter l’arrestation de sa dirigeante Berta Soler.
Alors qu’aucun chiffre officiel n’a été publié concernant les arrestations, des familles ont tenté mardi d’obtenir dans les commissariats de la capitale des informations sur leurs proches arrêtés, a constaté l’AFP.
Le ministère de l’Intérieur a annoncé, sans donner de détails sur les circonstances, qu’un manifestant était mort lundi dans le quartier populaire Güinera, dans la périphérie de La Havane, alors qu’il participait aux “troubles”.
Une journaliste d’un média espagnol arrêté
Plus tôt, la secrétaire d’État adjointe des États-Unis pour les Amériques, Julie Chung, avait dénoncé “la violence et les arrestations de manifestants cubains, ainsi que la disparition d’activistes indépendants” citant Guillermo ‘Coco’ Fariñas – depuis libéré – José Daniel Ferrer, Luis Manuel Otero Alcantara et Amaury Pacheco. “Nous demandons leur libération immédiate”, a-t-elle ajouté.
Parmi les personnes arrêtées, se trouvait aussi Camila Acosta, une Cubaine de 28 ans, selon le journal madrilène ABC, avec lequel elle collaborait depuis six mois. “Arrêter une journaliste d’un média espagnol, ABC, me semble inapproprié”, a réagi le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez qui a appelé La Havane à respecter le droit des Cubains à “manifester librement”.
Mardi, une youtubeuse, Dina Stars, a été arrêtée chez elle par la police alors qu’elle parlait en direct dans une émission de télévision espagnole, selon cette dernière.
Washington met la pression
Un calme apparent régnait mardi dans la capitale, toujours sous forte présence policière, militaire et d’agents civils. Mais l’Internet mobile, moteur des mobilisations, était toujours coupé. L’observatoire spécialisé Netblocks a signalé des perturbations à Cuba sur les principaux réseaux sociaux et plateformes de communications, comme Whatsapp et Facebook.
Washington a appelé au rapide rétablissement de “tous les moyens de communication, en ligne et hors ligne”. “Fermer les voies d’information (…) ne répond en rien aux besoins et aux aspirations légitimes du peuple cubain”, a déclaré le porte-parole du département d’État, Ned Price. Les Etats-Unis ont indiqué cependant qu’ils ne laisseraient pas entrer les Cubains qui tenteront de fuir par la mer leurs pays en crise.
“Besoins et espoirs”
Sur l’île, les évêques catholiques ont appelé le gouvernement et les protestataires à “s’entendre” pour éviter les violences, alors que des manifestations ont viré aux échauffourées avec les forces de l’ordre. S’ils ont souligné les efforts du gouvernement pour faire face à la crise économique, “le peuple a le droit d’exprimer ses besoins, ses désirs et ses espoirs”, ont-ils déclaré dans un communiqué.
Les manifestations, inédites depuis 1994, ont irrité le gouvernement communiste. “Nous éviterons la violence révolutionnaire, mais nous réprimerons la violence contre-révolutionnaire”, a mis en garde lundi le président Diaz-Canel.
Plusieurs manifestations de partisans du régime ont d’ailleurs eu lieu dimanche puis lundi, avec des affrontements parfois violents entre les deux camps.
Raul Castro sort de sa retraite
Signe de la gravité de la situation, Raul Castro, 90 ans, a dû sortir de sa retraite. L’ex-meneur de la révolution cubaine de 1959, avec son frère Fidel, a laissé les rênes du Parti communiste (PCC, unique) en avril à Miguel Diaz-Canel, qui lui avait succédé à la présidence en 2018.
Il a assisté dimanche à une réunion du Bureau politique du Comité central du PCC dans laquelle “ont été analysées les provocations orchestrées par des éléments contre-révolutionnaires, organisés et financés depuis les États-Unis avec des objectifs de déstabilisation”, a indiqué mardi Granma, journal officiel du parti.
Avec AFP