Une vidéo filmée le 3 juillet dans la prison de Kalehe, dans la province congolaise du Sud-Kivu, montre une douzaine de jeunes hommes amaigris, souffrant de malnutrition. Elle a suscité l’indignation des défenseurs des droits de l’Homme en RD Congo, qui déplorent le manque de moyens alloués aux prisons.
La vidéo a été envoyée à notre rédaction et a circulé sur Facebook. Les jeunes hommes, amaigris, sont étendus sur le sol, inertes. Des personnes essaient de leur porter secours en les abreuvant à l’aide d’une cuillère en bois. Certains des hommes inertes ont sur les bras et les jambes des blessures qui rappellent la gale, selon l’infirmier qui a filmé la scène.
Cet infirmier est membre d’une association de défense des droits de l’Homme. Ayant reçu des menaces suite à la diffusion de la vidéo, il a souhaité garder l’anonymat.
Alors qu’il effectuait une visite de la prison le 3 juillet en tant que volontaire associatif, il raconte avoir trouvé une quinzaine de détenus dans un état de santé critique, complètement déshydratés. Il leur a fait boire de l’eau et a organisé leur évacuation vers le centre de santé le plus proche.
“Les prisonniers ne sont pas correctement pris en charge par l’État.”
Alerté par la vidéo, Jean-Chrysostome Kijana, président de la Nouvelle Dynamique de la Société Civile en RD Congo (NDSCI), s’est rendu avec d’autres membres de son association à la prison de Kalehe le 4 juillet. Il a trouvé les prisonniers quasiment dans la même situation que la veille : les détenus pris en charge par le centre de santé avaient été renvoyés dans la prison après avoir été soignés.
Sur place, nous avons constaté que la situation était vraiment apocalyptique. Nous avons trouvé une prison avec une trentaine de détenus à l’intérieur, dont une femme, et quatre enfants d’environ 14 ans. Ils sont tous extrêmement maigrichons, dans une situation de malnutrition aiguë suite à la famine. Il y a aussi une maladie très contagieuse qui est en train de les décimer.
À l’intérieur de la prison, il n’y a pas d’infrastructures sanitaires : pas de dispensaire, pas de centre hospitalier, pas d’infirmier, pas de médecin. Les détenus sont abandonnés à leur triste sort, malgré l’état dans lequel ils se trouvent. Il n’y a pas de toilettes, ils doivent faire leurs besoins dans des bidons. Ils dorment sur le ciment, il n’y a pas de matelas, c’est l’enfer. Alors que la RD Congo fait face à une troisième vague de Covid-19, il n’y a aucune mesure de protection.
Dans nos prisons, c’est presque la même situation un peu partout. Les prisonniers ne sont pas correctement pris en charge par l’État : il n’y a pas de subventions, les prisons sont surpeuplées. Les provinces dédient aussi des fonds aux prisons, mais ils sont souvent détournés.
Les prisons ne doivent pas être des mouroirs. Les prisonniers disposent de droits qui doivent être respectés. Il faut que les prisonniers soient bien traités, et qu’ils puissent même apprendre un métier, car la prison a aussi pour mission de resocialiser les détenus pour qu’ils puissent facilement se réintégrer à la communauté.
Lors de sa visite à la prison de Kalehe, la NDSCI a apporté une aide humanitaire de 200 kg de farine de maïs, devant permettre de nourrir les détenus pendant quelques jours. Elle a également alerté les autorités locales sur les conditions de vie des prisonniers.
Contacté par la rédaction des Observateurs, le ministre de la Justice de la province du Sud-Kivu, Jospin Bitafanwa Mukono, dit s’être rendu dans la prison de Kalehe le 3 juillet. Il affirme avoir trouvé seulement quatre détenus malades, et s’être assuré que leur traitement soit pris en charge par le gouvernement provincial. “Les conditions de détention sur la province ne sont pas tellement acceptables, concède-t-il. La prison de Kalehe n’est pas budgétisée par le gouvernement central [contrairement à six des onze prisons de la province, NDLR]. Nous avons lancé des cris d’alarme auprès du gouvernement central pour demander à ce qu’il prenne en charge toutes les prisons de la province”.
En juin 2021, la NSDCI a lancé un Observatoire Citoyen des Prisons en RD Congo, afin de faire appliquer les Règles Nelson Mandela des Nations unies visant à protéger les droits fondamentaux des détenus. L’association Avocats Sans Frontières alertait déjà en 2015 sur les conditions de détention en RD Congo, qui, selon l’organisation “violent les droits des prisonniers”.