À Tokyo, le karaté sera pour la première fois une discipline olympique. Pour la dernière fois aussi, puisque ce sport n’a pas été retenu pour les JO de 2024. Steven Da Costa sera l’un des deux représentants français et une des chances de médaille. Rencontré à deux mois de l’échéance, il revient sur sa discipline et ses jeux dans le contexte particulier du Covid-19.
Pour Steven Da Costa, ses premiers JO seront aussi les derniers. Non pas que le jeune karatéka de 24 ans n’aurait pas eu envie de défendre les couleurs tricolores à Paris en 2024 après les JO de Tokyo. Cependant, le CIO n’a pas voulu reconduire le karaté comme discipline olympique.
“Devenir le premier médaillé olympique du karaté, ce serait beau, mais être le dernier, c’est moche”, grimace Steven Da Costa, sans doute la meilleure chance française dans la discipline. “On n’a aucune explication sur pourquoi le karaté ne reviendra pas. C’est pourtant l’un des sports les plus populaires au monde.”
Dans le Nippon Budokan, le mythique temple japonais des arts martiaux au Japon construit pour les JO de 1964, l’athlète français, qui combat en moins de 67 kilos, n’aura qu’un seul objectif : “L’or ! Je ne vais pas à Tokyo pour faire du tourisme”, affirme l’athlète dans un sourire qui ne le quitte jamais.
Décontracté, amusé, Steven Da Costa, âgé de 24 ans, nous a accordé une interview alors que la dernière ligne droite avant le décollage pour Tokyo se profile. Pour ce compétiteur né, répondre aux médias ne pose aucun problème, tant que cela n’empiète pas sur sa préparation. Ce jour-là, il nous reçoit dans un lieu tout aussi mythique du karaté : le dojo Daguerre, dans le 14e arrondissement parisien. Ce lieu tenu par la légende française Serge Chouraqui, respire les arts martiaux.
“Les gens qui viennent s’entraîner là sont les professeurs de nos professeurs”, explique Steven Da Costa, bien accueilli par la vieille garde du karaté.
Le karaté, une affaire de famille
Steven Da Costa est tombé dans le chaudron du karaté quand il était petit. Au départ, son frère jumeau Jesse et lui voulaient imiter leur grand frère, Logan, qui avait commencé, inspiré par les films de karaté de Bruce Lee et Jean-Claude Van Damme. Depuis, le père, Michel, s’y est mis aussi. Les trois frères sont tous karatékas de haut niveau et papa est l’entraîneur de tout ce petit monde qui travaille dans le dojo de Mont-Saint-Martin, non loin de la frontière belge et luxembourgeoise.
“Je suis né là-bas, j’ai grandi là-bas, je vis là-bas. Ma vie est là-bas”, explique le karatéka, qui a même acheté et rénové une maison située entre celle de ses parents et celle de son frère Logan. “Je suis parti sept ans en région parisienne. J’y étais pour devenir professionnel mais j’étais là un peu à contrecœur, je rentrais tous les week-ends.”
En effet, à l’âge de 15 ans, Steven Da Costa part s’exiler au Creps de Châtenay-Malabry, au sud de Paris. Il y reste sept ans pour se confronter aux exigences du haut niveau : “C’est éprouvant. Tu rentres des cours, tu as l’entraînement. Tu as du beau monde. Toute l’équipe de France s’entraînait là. Quand tu es jeune, je pense que c’est la meilleure chose, mais ensuite je suis arrivé à un âge où je pouvais disposer des mêmes conditions chez moi”, raconte le karatéka mosellan.
“Sur un tatami, Steven, il est facile. C’est quelqu’un qui ne stresse pas, qui est toujours souriant. Puis, devant son adversaire, il ne laisse rien paraître. Quand il prend un point, il ne perd pas son sang-froid. Il a la tête sur les épaules, l’expérience. Et en dehors, il est pareil”, décrit Maxime Relifox, ami depuis le Creps et “uke” – sparring-partner dans le langage des arts martiaux.
Un an après leur report en raison de la pandémie de Covid-19, les JO de Tokyo s’ouvriront enfin le 23 juillet. Des dizaines d’athlètes vont découvrir cette grande fête du sport dans un contexte très particulier liés aux restrictions sanitaires drastiques. France 24 est allé à la rencontre de plusieurs d’entre eux qui représenteront les nouvelles disciplines de ces JO uniques : le surf, le skateboard, l’escalade, le karaté et le basket 3×3.
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>> 2/3 : Steven Da Costa – karaté : “ce serait beau d’être le premier médaillé, moche d’être le dernier”
La tête sur les épaules qui pousse le sportif à déjà se projeter dans l’après-carrière. Il fait partie du dispositif Athlètes SNCF, qui lui permet de concilier vie pro et sport de haut niveau. Lorsque sa carrière s’arrêtera, il disposera d’un CDI d’agent d’accueil de la SNCF.
Des JO sans famille ni spectateurs
En attendant, Steven Da Costa a enchaîné les succès dans sa discipline. Il a conquis par deux fois les championnats d’Europe (en 2016 et 2019), une fois les championnats du monde (2019) et une fois les Jeux mondiaux (2017). En février 2020, il devient le premier karatéka français à se qualifier pour les JO de Tokyo et le seul titre qui manque à son palmarès.
Entre-temps, la pandémie de Covid-19 est passée par là, décalant les Jeux d’une année et obligeant au huis clos total et à l’absence de spectateurs étrangers. Pour Steven Da Costa, dont la famille est un moteur de son karaté, l’absence sera lourde.
“C’est un regret que mes parents ne puissent pas être là à Tokyo. Ça enlève de la joie parce qu’ils nous suivent partout et ils ne pourront pas être là sur le plus gros défi de ma carrière”, regrette le karatéka. “Après, ce sera pareil pour tout le monde. On fait avec.”
Un espoir subsistait de voir au moins son grand frère Logan voyager avec lui en cas de qualification de leur part lors du tournoi de qualification olympique de début juin. Cependant, l’aîné des Da Costa n’a pas obtenu sa qualification…
Pas de quoi mettre un frein aux ambitions de médaille de Steven qui va s’entraîner dur d’ici l’échéance, le 5 août prochain.
“Ce sera entraînement, entraînement, entraînement… La prochaine étape maintenant, c’est Tokyo et rien d’autre”, affirme Steven Da Costa, peu enclin à s’appesantir sur ses regrets.
“Je n’ai pas envie de lui porter l’œil. Je suis superstitieux. Mais avec tout ce qu’il a montré, il peut gagner”, note son ami Maxime Relifox.