Le Conseil de sécurité de l’ONU a unanimement approuvé vendredi la prolongation du mécanisme onusien d’aide humanitaire transfrontalière à la Syrie. Ce vote est vu par les États-Unis et la Russie comme un nouveau départ dans leurs relations.
Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont voté à l’unanimité, vendredi 9 juillet, pour prolonger l’acheminement d’aide humanitaire à la population syrienne via la Turquie. Un mécanisme mis en place sans l’aval de Damas, et qui a fait l’objet d’un compromis entre Moscou et Washington.
La durée de l’extension est interprétée différemment par les États-Unis, pour qui elle est d’un an, et la Russie, qui considère qu’il s’agit de six mois renouvelables en fonction d’un rapport attendu en fin d’année du secrétaire général de l’ONU.
Des diplomates ont précisé qu’un nouveau vote dans six mois n’était pas obligatoire. La résolution décide d’une extension du mécanisme pour le seul point d’accès de Bab al-Hawa, à la frontière nord-ouest de la Syrie avec la Turquie, “avec une prorogation d’un délai supplémentaire de six mois, c’est-à-dire jusqu’au 10 juillet 2022, sous réserve de la publication d’un rapport substantiel du secrétaire général”.
Ce rapport devra mettre “un accent particulier sur la transparence des opérations et les progrès sur l’accès via les lignes de front pour répondre aux besoins humanitaires”, précise la résolution. L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, a souligné qu’après le sommet récent à Genève des présidents Vladimir Poutine et Joe Biden, l’accord sur une prolongation du mécanisme était “historique”.
“Pour la première fois, la Russie et les États-Unis sont non seulement parvenus à s’accorder, mais ils ont aussi présenté un texte commun appuyé par tous les collègues du Conseil”, a-t-il souligné. “Nous espérons que ce scénario représentera un tournant qui bénéficiera non seulement à la Syrie mais aussi à l’ensemble de la région du Moyen-Orient et à l’ensemble du monde”, a ajouté le diplomate russe.
Soutien principal du régime syrien, la Russie milite depuis longtemps pour la fin de ce mécanisme transfrontalier au profit d’aide acheminée à travers les lignes de front à partir de Damas, afin de reconnaître la pleine souveraineté du régime sur le territoire syrien.
Rare moment d’unité
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a aussi salué une coopération rarement vue avec la Russie. “Il est important que les États-Unis et la Russie aient pu s’associer dans une initiative humanitaire qui serve les intérêts du peuple syrien”, a-t-elle dit après le vote.
“Et c’est un moment important pour l’ONU et le Conseil de sécurité, qui ont montré aujourd’hui que nous pouvons faire plus que simplement parler. Nous pouvons travailler ensemble pour trouver des solutions et mettre en œuvre des actions”, a insisté la diplomate américaine.
“Grâce à cette résolution, des millions de Syriens peuvent pousser un soupir de soulagement sachant que l’aide humanitaire vitale continuera d’affluer vers Idleb par le poste frontière de Bab al-Hawa”, s’est félicitée l’ambassadrice, qui avait réclamé au début de la négociation trois points d’accès à la Syrie.
Créé en 2014, le mécanisme transfrontalier de l’ONU s’exerce depuis un an par le seul point d’accès de Bab al-Hawa, après une réduction conséquente du dispositif imposée par la Russie en 2020. À raison d’un millier de camions par mois, cet accès permet de desservir plus de trois millions de personnes dans la région d’Idleb (nord-ouest), dernier bastion de l’opposition échappant au contrôle de Damas.
Si les Occidentaux et la Russie sont d’accord pour reconnaître que la situation humanitaire est pire aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a un an, Moscou considère que les sanctions occidentales en sont la raison principale, ce que démentent les États-Unis et les Européens.
Dans un communiqué, l’ONG Human Rights Watch a dénoncé le maintien d’un seul point d’accès à la Syrie. “Une fois de plus, la Russie a réussi à faire chanter la communauté internationale pour qu’elle n’autorise qu’un seul passage pour l’aide transfrontalière de l’ONU en Syrie”, a fait valoir Louis Charbonneau, directeur pour les Nations unies au sein de l’ONG. “S’il est bon qu’une partie de l’aide transfrontalière des Nations unies continue d’affluer dans le nord-ouest, de nombreuses personnes dans le nord-est se verront refuser l’aide”, a-t-il déploré.
Avec AFP