Le débat sur la vaccination obligatoire des soignants contre le Covid-19 se poursuit. Alors que l’exécutif doit multiplier dès ce lundi les consultations, notamment autour de cette question, France 24 a interrogé des soignants qui refusent d’être vaccinés.
Depuis plusieurs jours, le débat enfle en France. Faut-il ou non rendre obligatoire la vaccination contre le Covid-19 pour les soignants ? Dans une tribune publiée le 4 juillet dans le Journal du dimanche (JDD), 96 médecins, dont des chefs de service devenus des figures médiatiques de la pandémie, ont demandé au gouvernement “de prendre dès à présent la décision d’obligation vaccinale” pour tout salarié d’Ehpad ou d’hôpital “s’exposant ou exposant les personnes dont (il) est (chargé) à des risques de contamination” au Covid-19. Ils réclament une mesure “effective avant le début du mois de septembre” pour “éviter une quatrième vague”, une crainte renforcée par la progression rapide du variant Delta, très contagieux.
Alors que le gouvernement travaille à un projet de loi en ce sens et que le Premier ministre, Jean Castex, doit recevoir à partir de lundi les chefs de file du Parlement et des élus locaux pour aborder cette question, le ministre de la Santé s’est dit favorable à cette mesure. “Demander à un soignant de se vacciner, ce n’est pas le pointer du doigt”, a estimé dimanche soir Olivier Véran, qui assistait à une édition spéciale du festival de musique Solidays dédiée aux soignants. Il s’agit de “leur demander d’aller au bout de leur engagement”, a insisté le ministre.
Crainte d’effets secondaires
Le taux de vaccination des soignants plafonne à 57 % dans les Ehpad et 64 % à l’hôpital, selon la Fédération hospitalière de France (FHF). Alors qu’un risque de quatrième vague se dessine, l’étau se resserre autour de ceux qui ne sont toujours pas vaccinés. Mais certains des professionnels de santé affichent clairement leur réticence. Sur les réseaux sociaux, ils n’hésitent pas à faire part de leur position avec la mention #JeNeMeVaccineraiPas ou au sein de groupes Facebook intitulés “Non à la vaccination”, “Contre le vaccin” ou encore “Entraide pour les non vacciné(e)s”.
Sylvie, soignante dans une maison de retraite, refuse de se plier à cette injection. Elle s’inquiète surtout des possibles effets secondaires. “Je n’ai pas confiance dans leur thérapie génique. Il n’y a pas assez de recul pour ce produit. C’est en cours d’expérimentation et l’humain sert de cobaye. Pour moi, il est toxique”, explique-t-elle à France 24. Infirmier dans un service de psychiatrie, Martin partage lui aussi ces craintes. “Il n’y a aucune certitude sur l’absence d’effets secondaires à moyen et long termes”, estime-t-il. “La vaccination ne devrait concerner que les personnes à risque, à savoir les personnes âgées et celles présentant des facteurs de comorbidité”, ajoute ce soignant, qui précise qu’il n’est pas antivaccin et qu’il est à jour de toutes ses autres vaccinations. D’après lui, la moitié de ses collègues partagent son point de vue. La vaccination est devenue “un sujet de crispation”, insiste-il. “Que va-t-il advenir de ceux qui refusent malgré l’obligation ?”, s’interroge Martin. Pour cet infirmier, une possible loi pourrait même “entraîner une vague de départs”.
Pendant un moment, Anita, aide-soignante dans un service de gastro-entérologie et de soins palliatifs, s’est aussi posé les mêmes questions, comme une grande partie de ses collègues. “Je me demandais comment un vaccin pouvait être efficace et sans risque en si peu de temps”, résume-t-elle. “Nous n’avions pas de communication sur ce qu’il se passait, que ce soit sur la maladie, les vaccins, les traitements, alors que les choses avaient été totalement différentes lors du H1N1 où les explications et la sécurité étaient mises en place.” Après un temps de réflexion, Anita a fini par changer d’avis et s’est fait vacciner. “Lorsqu’on travaille dans un service comme le mien, il y a du passage, donc des entrées, des sorties, avec toujours ce risque de croiser un patient atteint du virus. Je ne voulais pas infecter ma famille et tomber malade”, raconte-t-elle. “Je me suis aussi dit qu’il n’était pas possible qu’ils injectent un vaccin à une population mondiale avec un risque de dangerosité élevé.”
Des vaccins déjà obligatoires
Du côté des syndicats, ces mêmes interrogations remontent. “Ce qui nous est opposé le plus souvent, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de recul sur les effets secondaires du vaccin. Les professionnels nous disent qu’habituellement, en phase de recherche clinique, les délais sont largement plus longs que ceux qu’on a connus”, rapporte ainsi Daniel Guillerm, le président de la Fédération nationale des infirmiers. Pour rassurer ceux qui sont hostiles à la vaccination, ce syndicat fait avant tout de la pédagogie, mais il se positionne aussi en faveur de la vaccination obligatoire pour les soignants. “Nous avons aujourd’hui des études qui nous montrent que la vaccination ne fait pas que protéger l’individu, mais réduit aussi les risques de transmissibilité. Il n’est donc pas incohérent d’inclure la vaccination contre le Covid dans le calendrier vaccinal obligatoire des soignants”, prône Daniel Guillerm.
Quatre vaccins sont déjà en effet obligatoires pour les personnels des hôpitaux et des Ehpad : diphtérie, tétanos, poliomyélite et hépatite B. L’obligation de la vaccination contre la grippe figure également dans la loi depuis 2005, mais a été suspendue par décret en 2006, après l’avis du Conseil supérieur d’hygiène publique qui estimait qu’elle “risquerait d’altérer l’adhésion des professionnels”.
En Italie, une loi, entrée en vigueur en avril, impose déjà aux soignants de se faire vacciner contre le Covid-19. En cas de manquement, le contrevenant, s’il travaille au contact du public, est affecté dans un autre service ou suspendu sans solde dans le cas où l’employeur n’a pas de nouvelles tâches à lui proposer. Moins de 3 % des salariés du secteur sanitaire italien ont refusé de se soumettre à cette vaccination. Mais 300 d’entre eux ont saisi la justice en vue d’obtenir la levée de cette obligation. Un recours a été déposé devant le tribunal administratif de Brescia et une audience est prévue le 14 juillet.
En France, des sénateurs LR et centristes ont déjà déposé une proposition de loi en avril pour rendre la vaccination des soignants obligatoire. Selon une étude Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro et France Info publiée le 1er juillet, 72 % des Français y sont favorables. Ils sont aussi une majorité (58%) à approuver la vaccination obligatoire pour l’ensemble de la population.