À Tokyo, l’escalade fera ses grands débuts en tant que discipline olympique. Anouck Jaubert, 27 ans, fait partie des quatre athlètes du contingent français. Elle savoure cette qualification qu’elle visait depuis des années et espère briller sans se soucier du contexte pandémique.
La nouvelle est arrivée alors que le monde du sport était à l’arrêt. Le 30 avril 2020, alors que la moitié de la planète vit au rythme du confinement en raison du Covid-19, Anouck Jaubert découvre qu’elle fait partie des qualifiés pour les Jeux olympiques de Tokyo. Une consécration et un soulagement pour l’athlète qui en avait son objectif, alors que l’escalade deviendra pour la première fois une discipline olympique.
“Il y a eu beaucoup de péripéties. Je n’ai pas été retenue lors du tournoi de qualification et finalement ils ont ouvert le quota alors que j’étais juste en-dessous de la ligne”, raconte la jeune femme. “On était en plein confinement, c’était un peu particulier d’apprendre ça dans ce contexte mais c’était un grand soulagement.”
Treize mois plus tard, au moment de notre rencontre, la spécialiste d’escalade de vitesse est dans la dernière ligne droite de sa préparation. Avec ses trois camarades de l’équipe de France olympique, Julia Chanourdie et les frères Mickaël et Bassa Mawem, elle est en démonstration sous les flashes des photographes dans la salle fédérale Karma, en lisière de la forêt de Fontainebleau.
“Ce sont mes premiers JO mais ce sont surtout les premiers pour l’escalade. C’est un grand pas. On espère que ça va créer un engouement et permettre le développement de notre sport. Pour nous, en tant qu’athlètes, c’est génial car les JO sont la compétition de référence dans la plupart des sports”, explique la grimpeuse.
“C’est une évolution presque normale au vue du développement de l’escalade depuis 30 ans. C’était presque anormal qu’on ne soit pas aux JO. C’est un sport en plein essor”, explique Alain Carrière, président de la Fédération française de montagne et d’escalade (FFME). “L’escalade a gagné en popularité car désormais tout le monde peut grimper près de chez lui. Avec les salles d’escalade, on pratique partout et non plus seulement en montagne. Et par ailleurs, c’est un sport ludique, convivial, mixte.”
La veille de sa démonstration à Fontainebleau, Anouck Jaubert était à Salt Lake City pour la Coupe du Monde de vitesse. La double vainqueur de cette épreuve n’a pas brillé mais l’essentiel n’était pas là. La grimpeuse iséroise était engagée dans une course contre la montre pour retrouver la compétition : en raison de blessures et de douleurs aux chevilles, elle n’avait pas grimpé en compétition depuis plus de 500 jours.
Un an après leur report en raison de la pandémie de Covid-19, les JO de Tokyo s’ouvriront enfin le 23 juillet. Des dizaines d’athlètes vont découvrir cette grande fête du sport dans un contexte très particulier liés aux restrictions sanitaires drastiques. France 24 est allé à la rencontre de plusieurs d’entre eux qui représenteront les nouvelles disciplines de ces JO uniques : le surf, le skateboard, l’escalade, le karaté et le basket 3×3.
1/3 : Anouck Jaubert : “C’est un grand pas pour l’escalade”
“Finalement, cela m’a arrangé qu’il n’y ait pas de compétitions en raison du Covid-19. J’ai traîné mes douleurs jusqu’à mi-mars. J’ai dû adapter ma préparation. Aux États-Unis, l’idée était de retrouver des sensations et mission accomplie là-dessus”, confie-t-elle, encore un peu groggy par le décalage horaire.
En équipe de France depuis 2011
Anouck Jaubert a découvert l’escalade assez tôt avec ses parents. Alors que ses premières années sont plutôt dédiées à la gymnastique, au patinage et au judo, elle ne commence à grimper régulièrement qu’au collège lors des compétitions scolaires. Puis, elle s’inscrit en club et rejoint le Pôle France de Voiron en 2010.
C’est à cet endroit qu’elle découvre l’escalade de vitesse, qui deviendra sa spécialité. Parfois boudée par la famille de la grimpe qui préfère les épreuves de difficulté ou de bloc, l’escalade de vitesse est pourtant le 100 mètres de la discipline. Le grimpeur ou la grimpeuse doit rejoindre plus rapidement que son adversaire le sommet d’un mur de 15 mètres de haut et de 6 mètres de large.
“Quand je suis au pied du mur, ma seule pensée, c’est d’atteindre le plus rapidement possible le buzzer en haut”, explique Anouck Jaubert. “Pour réussir, il faut être technique, savoir placer son corps, déplacer son centre de gravité. Ensuite, il faut des qualités physiques, travailler ses bras, ses doigts. En vitesse, on travaille aussi l’explosivité des jambes.””Pour moi, ce qui fait la différence, c’est aussi le mental. Lors d’une compétition. On est tous préparés et entraînés. La seule différence, c’est de réussir à performer le jour-J”, analyse celle qui s’est adjoint les services d’un préparateur mental qui lui “a énormément apporté” pour préparer les échéances.
Objectif médaille
En raison de la pandémie de Covid-19, la grimpeuse de 27 ans s’attend à des Jeux olympiques un peu spéciaux, loin de la grande fête du sport qu’ils sont habituellement :
“La description qu’on nous fait des Jeux olympiques, c’est beaucoup d’effervescence, une certaine magie autour de l’évènement. Il paraît que beaucoup d’athlètes se font piéger sur leurs premiers JO en raison de l’ambiance. Cela ne risque pas d’arriver avec la pandémie”, note-elle, fataliste. “Forcément, j’aurais aimé vivre ces Jeux avec mes proches et qu’ils puissent assister à la compétition. Mais c’est comme ça, on n’a pas notre mot à dire. On fait avec.”
Interrogée sur son objectif, Anouck Jaubert est catégorique : “J’espère ramener une médaille. Au vu du format, il faudrait un sacré alignement des astres pour qu’elle soit en or mais pourquoi pas ?”
En effet, le format adopté par le CIO n’est pas de nature à avantager la grimpeuse. Il a adopté un format combiné qui récompensera les athlètes performants sur une suite d’épreuves de vitesse, de bloc et de difficulté, qui donnera lieu à un classement du combiné.
“Anouck Jaubert, c’est notre spécialiste de la vitesse. Elle a la capacité d’être la première en vitesse. Si elle réussit suffisamment bien la difficulté et pas trop mal le bloc, son point faible, elle peut faire un résultat”, juge Alain Carrière.
Après des années à chasser la qualification olympique, la grimpeuse tricolore devrait raccrocher les chaussons et la magnésie à l’issue de la saison : “Mon plan a toujours été d’arrêter après Tokyo : finir la saison fédérale, terminer mes études de kiné et passer à autre chose. L’escalade a toujours été un loisir même quand j’y consacre 100 % de mon temps en ce moment”, sourit Anouck Jaubert, assez ferme dans sa décision.
Dommage. Les JO de Paris auraient pu mieux convenir à ces talents. Le CIO va revoir le format des épreuves : d’un côté un combiné bloc/difficulté, de l’autre la vitesse. Ce qui aurait été parfait pour les qualités d’Anouck Jaubert.