Les Three Lions et la Nationalmannschaft se retrouvent à Wembley pour un huitième de finale chargés de sentiments contrastés et souvenirs douloureux. Les deux sélections sont ambitieuses, mais le premier tour a quelque peu douché cet enthousiasme. Mardi soir, l’une d’elles restera à quai avec beaucoup de questionnements en tête.
C’est l’Euro des retrouvailles pour l’Angleterre. Après avoir croisé le fer dans le groupe D contre l’Écosse, son plus vieux rival, l’équipe dirigée par Gareth Southgate voit se dresser sur sa route l’Allemagne, mardi 29 juin, en huitièmes de finale. Un autre classique du football, en somme, et aussi “une grande opportunité pour cette équipe d’écrire l’histoire et d’offrir aux supporters des souvenirs”, selon les mots du sélectionneur anglais, bien placé pour commenter ce rendez-vous majeur.
Comme l’a rappelé Southgate en conférence de presse, nombre de ses joueurs n’étaient pas nés lorsque la Nationalmannschaft élimina les Three Lions dans l’ancien stade Wembley, en demi-finale de l’Euro 1996. Ce triste 26 juin-là, Gareth Southgate vit Andreas Köpke repousser son tir au but et l’Allemagne s’envoler vers la finale (1–1, 6 tirs au but à 5). La mémoire de cet échec et d’autres affrontements demeure, mais les deux sélections ont d’autres tracas en tête à l’heure de se retrouver.
L’attaque, symbole des difficultés anglaises
Annoncée comme une prétendante au sacre dans cet Euro 2021, l’Angleterre a livré un premier tour mi-figue mi-raisin. Bien sûr, Harry Kane et ses coéquipiers ont terminé invaincus et premiers du groupe D, avec deux victoires et un nul. Mais sur le terrain, ils sont loin d’avoir convaincu. L’armada offensive a été très discrète avec seulement deux buts inscrits, soit le plus faible total parmi tous les qualifiés pour les huitièmes de finale.
Le capitaine Kane, triple meilleur buteur de Premier League, a couru dans le vide et essuyé les plus vifs reproches. Phil Foden a déçu. Mason Mount n’a pas convaincu. Marcus Rashford n’est apparu que 57 minutes. Bilan encore plus famélique pour Jadon Sancho, la pépite du Borussia Dortmund : lui n’a eu droit qu’à six petites minutes de jeu lors du troisième match contre la République tchèque. Seul Raheem Sterling a tiré son épingle du jeu en marquant les deux buts anglais du premier tour.
3 – @England have topped their group at a European Championships for only the third time, also in 1996 and 2012. With just two goals scored, they are the lowest scoring side to ever finish top of a group at a EUROs tournament. Economical. #ENG #EURO2020 pic.twitter.com/jn3pxvy5kp
— OptaJoe (@OptaJoe) June 22, 2021
Certes, l’Angleterre est au rendez-vous des huitièmes. Mais de l’autre côté de la Manche, les espoirs nés après la demi-finale du Mondial 2018 ont laissé place en quelques jours à un scepticisme croissant. La méthode Southgate interroge, le temps de jeu famélique accordé à Sancho irrite (“On a plein de bons attaquants”, élude l’entraîneur) et les prestations livrées déçoivent. Les supporters ont même sifflé à l’issue du 0–0 concédé face aux Écossais. Ils seront 40 000 dans les tribunes mardi, à attendre un tout autre visage de leur sélection qui les a habitués aux déconvenues.
La tactique de Löw divise en Allemagne
L’Allemagne, elle, a survécu de justesse au premier tour. Le groupe F, le “groupe de la mort”, a failli lui être fatal. Après la défaite inaugurale contre la France (0–1), Manuel Neuer et les siens ont relevé la tête contre le Portugal (4–2) avant de retomber dans leurs travers contre la Hongrie. Deux fois menés, les Allemands étaient même éliminés jusqu’à l’égalisation salvatrice de Leon Goretzka à six minutes de la fin de ce troisième match (2–2). Après le fiasco de l’élimination au premier tour de la dernière Coupe du monde, il s’en est fallu de peu que le couperet tombe à nouveau.
Outre-Rhin, la presse et les anciens joueurs ne sont pas tendres avec la Nationalmannschaft. Joachim Löw, qui quittera ses fonctions de sélectionneur après cet Euro, cristallise les critiques. Le coach a rappelé l’ex-banni Mats Hummels mais voit sa défense prendre l’eau, avec cinq buts encaissés en trois sorties. Même Manuel Neuer est passé au travers face aux Hongrois. Au milieu, les débats sont vifs quant au maintien et au rendement des anciens Toni Kroos et Ilkay Gündogan, alors que Joshua Kimmich doit jouer contre-nature sur un côté et Leon Goretzka se contenter d’un statut de remplaçant.
Lothar Matthaüs, le Ballon d’or 1990 jamais avare en commentaires, tacle l’entrejeu bâti par Löw, où “il manque des choses absolument indispensables dans le football de 2021”. Le sélectionneur défend son équipe en louant le “caractère formidable” dont elle a fait preuve pour se sortir du groupe F. Mais il n’est pas sûr que cela suffise durant la phase à élimination directe, à l’extérieur, face au rival anglais.
L’Angleterre et l’Allemagne se sont affrontées à 32 reprises depuis 1930, pour un bilan presque équilibré : 13 victoires anglaises, 4 nuls, 15 victoires allemandes. Deux rencontres restent particulièrement dans les mémoires en raison de “buts fantômes”.
Le 30 juillet 1966, les Anglais, chez eux, accueillent les Allemands en finale de la Coupe du monde. Le score est de 2-2 et la prolongation commence. A la 101e minute, l’illustre Geoff Hurst frappe au but. Le ballon percute la barre transversale, rebondit au sol et sort sans avoir agité les filets. Il n’y a pas d’assistance vidéo à l’époque. Les Anglais sont certains d’avoir marqué, les Allemands sont convaincus du contraire. L’arbitre suisse, Gottfried Dienst, hésite quelques instants avant d’accorder le but. L’Angleterre l’emportera finalement 4-2 et sera sacrée championne du monde. L’Allemagne, ulcérée, en gardera l’expression “Wembley Tor” (“Le but de Wembley”), qui désigne généralement une injustice.
Le 27 juin 2010, à Bloemfontein en Afrique du Sud, les deux équipes se retrouvent en huitièmes de finale de la Coupe du monde. Rapidement, la Mannschaft mène 2-0. Mais l’Angleterre réagit et réduit l’écart à la 37e minute. Les Three Lions insistent, et une minute plus tard, Frank Lampard décoche une frappe qui lobe Manuel Neuer. Le ballon touche la transversale, franchit largement la ligne de but et ressort. Les Anglais sont euphoriques, certains d’avoir égalisé. Les images sont nettes. Mais l’arbitrage vidéo n’est toujours pas adopté, et l’arbitre uruguayen, Jorge Larrionda, n’a pas vu le ballon franchir la ligne de but. Point d’égalisation pour des Three Lions outrés. Ils seront éliminés sur le score cinglant de 4-1.