Otage pendant six ans, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt a été confrontée pour la première fois à d’anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Elle intervenait dans le cadre de la Commission de la vérité mise en place à l’issue des accords de paix de 2016.
La Colombie continue son travail pour apaiser les plaies du plus long conflit armé des Amériques. Ingrid Betancourt, otage des Farc pendant six ans dans la jungle colombienne, a été confrontée mercredi 23 juin, pour la première fois, à d’anciens membres de la guérilla marxiste devant la Commission de la vérité.
“Nous sommes là, nous qui portons nos blessures et nos morts avec la difficulté de nous regarder en face. Avec la douleur de nous écouter et avec la pudeur de nos émotions, mais avec la décision partagée de briser le cercle vicieux de la violence”, a déclaré, émue, l’ancienne candidate à la présidence, symbole international du fléau des enlèvements en Colombie.
Ingrid Betancourt, 59 ans et qui ne vit plus en Colombie, avait été libérée en 2008 lors d’une opération militaire après six ans d’une éprouvante détention aux mains des Farc.
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L’accord de paix de 2016, qui a mis fin à plus de cinq décennies de conflit armé entre les Farc et le gouvernement, a prévu la mise en place d’une juridiction spéciale pour la paix (JEP), mais aussi une Commission de la vérité, entité non judiciaire.
Enlevée alors qu’elle était en campagne électorale, l’ex-candidate a critiqué devant la Commission les déclarations faites par d’anciens guérilleros qui n’ont pas parlé “avec leur cœur” mais pour “la politique”.
“J’ai entendu avec émotion les histoires de mes frères de douleur (…) mais je dois vous avouer que je suis surprise que de ce côté de la scène nous pleurions tous et que de l’autre côté il n’y ait pas eu une seule larme”, a-t-elle déclaré.
“Tant que notre cauchemar n’appartient qu’à nous (…) nous serons toujours éloignés, incapables d’expliquer à la Colombie ce qui s’est réellement passé”, a ajouté l’ex-otage.
“Une très grave erreur”
“À ceux qui ne sont jamais revenus de leur enlèvement, à ceux qui ont perdu la vie entre nos mains, à leurs proches accablés pendant des années par leur absence (…) nous demandons pardon pour la terrible souffrance que nous avons causée. Nous parlons avec un sentiment de honte”, a répondu Rodrigo Londoño, dernier commandant de la guérilla.
Huit hauts commandants des ex-Farc, dont Rodrigo Londoño, ont été inculpés en janvier de crimes contre l’humanité pour les enlèvements de 21 396 personnes entre 1990 et 2016.
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En septembre, la direction de ce qui est maintenant un parti politique avait déclaré que les enlèvements avaient été “une très grave erreur”. L’organisation utilisait les enlèvements comme un levier de pression politique et se finançait avec les rançons.
Les ex-rebelles qui admettent leur responsabilité devant la JEP peuvent bénéficier d’une peine alternative à la prison. Autrement, ils seront jugés par un tribunal pénal et risquent jusqu’à vingt ans de prison.
Avec AFP