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Cybersurveillance en Libye et en Égypte : des chefs d'entreprises françaises mis en examen

Quatre dirigeants des entreprises françaises Amesys et Nexa Technologies, accusées d’avoir fourni du matériel de cybersurveillance aux régimes libyen et égyptien ayant permis de traquer des opposants, ont été mis en examen, a annoncé mardi la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH).

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Les investigations sur la vente de matériel de cybersurveillance par les sociétés françaises Amesys et Nexa Technologies aux régimes autoritaires libyen et égyptien ont connu une surprenante accélération la semaine dernière, avec la mise en examen de quatre de leurs dirigeants, notamment pour “complicité d’actes de torture”.

Coup sur coup, et alors que les enquêtes semblaient en sommeil, des juges d’instruction du pôle “crimes contre l’humanité” du tribunal judiciaire de Paris ont mis en examen, mercredi 16 et jeudi 17 juin, Philippe Vannier, président d’Amesys jusqu’en 2010, pour “complicité d’actes de torture” dans le volet libyen, Olivier Bohbot, président de Nexa, Renaud Roques, son directeur général, et Stéphane Salies, ancien président, pour “complicité d’actes de torture et de disparitions forcées” dans le volet égyptien.

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Ces poursuites ont été annoncées par un communiqué de la Fédération internationale des droits de l’Homme, mardi 22 juin, et confirmées de source judiciaire. Elles interviennent dans deux informations judiciaires distinctes ouvertes à la suite de deux plaintes déposées par la FIDH et la Ligue des droits de l’homme (LDH).

>> À lire : L’ombre du régime de Kadhafi plane sur la société française Amesys

La première instruction, ouverte après un classement sans suite de la plainte initiale, vise la vente entre 2007 et 2011 au régime de Mouammar Kadhafi d’un programme de cybersurveillance baptisé Eagle, développé par Amesys. Dans ce dossier, les parties civiles accusent la société d’ingénierie d’avoir fourni en toute connaissance de cause ce matériel à l’État libyen, qui l’a utilisé pour repérer des opposants, ensuite emprisonnés et torturés.

L’affaire avait éclaté en 2011, en plein Printemps arabe, quand des journalistes du Wall Street Journal avaient découvert qu’Amesys, rachetée par Bull en janvier 2010, avait équipé le centre de surveillance d’Internet de Tripoli avec un système d’analyse du trafic internet (DPI), permettant de contrôler les messages qui s’échangent.

Système d’écoute à 10 millions d’euros

Amesys avait alors reconnu avoir fourni au régime de Mouammar Kadhafi du “matériel d’analyse” portant sur des “connexions Internet”, tout en rappelant que le contrat avait été signé dans un contexte de “rapprochement diplomatique” avec la Libye, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Au moins six victimes, qui s’étaient constituées parties civiles, ont été entendues entre 2013 et 2015 par les juges français. En mai 2017, la société avait été placée sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre celui de témoin simple et celui de mis en examen.

>> À lire : Amesys revient pour servir d’outil de cybersurveillance massive à l’Égypte

La deuxième information judiciaire, ouverte en 2017, vise la vente au régime d’Abdel Fattah al-Sissi par l’entreprise Nexa Technologies, dirigée par d’anciens responsables d’Amesys, du logiciel mis au point par cette dernière et appelé cette fois-ci “Cerebro”, aussi utilisé pour traquer ses opposants.

Les investigations ont été lancées par une plainte de la FIDH et de la LDH, avec le soutien du Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) qui s’appuyait sur une enquête du magazine Télérama révélant la vente en mars 2014 d'”un système d’écoute à 10 millions d’euros pour lutter – officiellement – contre les Frères musulmans”, l’opposition islamiste en Égypte.

Empêcher l’exportation de technologies de surveillance

Selon la FIDH, cette deuxième information judiciaire a “par ailleurs été étendue à des faits de vente de technologie de surveillance à l’Arabie saoudite”.

“C’est une formidable avancée qui signifie que ce que nous constatons tous les jours sur le terrain, à savoir les liens entre l’activité de ces entreprises de surveillance et les violations des droits humains, peut recevoir une qualification pénale et donner lieu à des inculpations pour complicité”, ont déclaré Clémence Bectarte et Patrick Baudouin, avocats de la FIDH, cités dans le communiqué.

Michel Tubiana, avocat et président d’honneur de la LDH, a pour sa part exprimé le souhait que les autorités françaises s’engagent “résolument à prendre toutes les mesures pour empêcher l’exportation de technologies de surveillance ‘à double usage’ vers des pays qui violent gravement les droits humains”.

Selon la FIDH, ces mises en examen “pourraient précéder celle des deux entreprises en tant que personnes morales”.

Fin décembre, une autre société française, Qosmos, accusée de “complicité de crimes contre l’humanité et d’actes de torture” pour avoir vendu du matériel de cybersurveillance au régime syrien de Bachar al-Assad, a bénéficié d’un non-lieu, au terme de plus de huit ans d’enquête.

Avec AFP

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