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Tunisie : Fadi, 15 ans, lynché et dévêtu par la police en plein jour

Le 9 juin, une vidéo montrant des policiers en civil lyncher et dévêtir complètement un jeune homme en pleine rue a suscité la colère et l’indignation des internautes tunisiens. L’agression, perpétrée contre un mineur de surcroît, a eu lieu en marge de manifestations tendues dans l’arrondissement du Séjoumi, à l’ouest de Tunis, où des émeutes ont éclaté après la mort jugée suspecte, le 8 juin, d’un homme en détention dans le commissariat local.

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Une première vidéo, d’une cinquantaine de secondes, montre trois policiers en civil portant des casques de la brigade anti-émeutes lyncher un jeune homme, complètement nu, à terre et lui asséner des coups au sol. L’un d’eux, en t-shirt bleu, le traîne ensuite par le bout du pantalon et lui donne un coup de pied dans le torse. “Pourquoi [faites-vous] comme ça?” leur crie l’auteur de la vidéo, qui s’est réfugié derrière un palmier. 

D’autres extraits, filmés d’un angle différent par une autre personne, suivent. La scène y est plus explicite : le policier assène un grand coup de pied dans le torse du jeune homme, toujours à terre, puis lui jette le pantalon à la figure. Une fourgonnette sur laquelle on lit clairement le mot “police” s’approche. Un second policier en civil prend le jeune homme dénudé par les poignets et le fait marcher, entièrement nu, avant de le faire monter dans le véhicule. “Il est tout nu ! Ils l’ont tué le pauvre, [ils n’ont] aucune pitié !”, commente l’auteure de la vidéo. 

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La scène, dont nous ne diffusons que des captures d’écran au vu de sa violence et de son caractère humiliant, a été visionnée plus de 13 000 fois sur Facebook, et plus de 9 800 fois sur Twitter.

Captures d'écran des extraits documentant le lynchage du jeune Fadi, 15 ans, à Sidi Hassine (Tunis) le 9 juin 2021. On peut voir à droite un policier en civil lui retirer son pantalon puis le lui jeter à la figure.
Captures d’écran des extraits documentant le lynchage du jeune Fadi, 15 ans, à Sidi Hassine (Tunis) le 9 juin 2021. On peut voir à droite un policier en civil lui retirer son pantalon puis le lui jeter à la figure. © Twitter/Facebook

Cette interpellation s’est déroulée à Sidi Hassine, un quartier populaire dans l’arrondissement de Séjoumi dans l’ouest de la capitale. La victime – identifiée le 11 juin par le journal Akher Khabar – est un adolescent déscolarisé de Sidi Hassine. Il se trouvait sur la route C37, au moment où des manifestants et les forces de l’ordre s’affrontaient. 

La rédaction des Observateurs a pu géolocaliser l’incident ici grâce aux indicateurs visuels présents dans les extraits filmés.

À LIRE SUR LES OBSERVATEURS >> Tunisie : enquête sur deux vidéos de violences policières commises lors des manifestations

La veille de l’incident, le 8 juin, Ahmed Ben Ammar, 30 ans, est décédé dans des circonstances jugées suspectes alors qu’il était détenu dans un commissariat du quartier. Plusieurs habitants de Sidi Hassine ont manifesté le lendemain, pour dénoncer sa mort. Selon ses proches, il serait mort des suites de torture infligée au sein du commissariat. 

Un revirement vivement condamné par une quarantaine d’organisations tunisiennes qui ont rappelé que les agents impliqués dans ce genre de crimes ne sont que rarement poursuivis.

Des manifestations ont eu lieu devant le ministère de l’Intérieur, le 12 et 14 juin, appelant Hichem Mechichi, le chef du gouvernement et ministre de l’Intérieur par intérim, à démissionner.  

Le ministère avait d’abord affirmé que la victime était ivre morte au moment de son interpellation, et que le jeune homme s’était “déshabillé volontairement lorsque la patrouille de police avait essayé de le maîtriser, dans un geste provocateur”, dans un communiqué du 10 juin. Il a finalement annoncé le lendemain la suspension des agents impliqués dans le lynchage. L’adolescent a été mis en garde à vue avant d’être libéré le lendemain, et une enquête sur les circonstances de son agression a été ouverte par le parquet de Tunis 2. 

Interviewé par le journal Akher Khabar, Fadi, 15 ans, raconte :

Ce soir-là, je rentrais chez moi, mais, à cause de l’agitation [manifestation] et du gaz lacrymogène étouffant, j’ai dû me rétracter avec les manifestants. Je n’ai jamais touché l’alcool et je n’étais pas du tout ivre [contrairement à la version avancée par le ministère de l’Intérieur, NDLR]. Un peu plus tard, profitant d’une éclaircie de gaz, je me suis précipité pour rentrer à la maison, mais un policier à moto m’a ordonné de m’arrêter. Je me suis figé sur place de peur. 

Quatre ou cinq agents de l’ordre m’ont mis à terre, ils m’ont battu et m’ont dénudé. L’un d’eux m’a enlevé mon pantalon et mes sous-vêtements. Ensuite, ils m’ont fait monter dans le fourgon de police. À l’intérieur, ils m’ont tabassé à coups de matraque et de pieds, puis ils m’ont ordonné de me rhabiller. Mon pantalon était en lambeaux.

Une fois arrivé au commissariat, les coups ont repris. On m’a accusé de beaucoup d’actes que je n’ai jamais pu commettre, comme prendre part aux émeutes ou attaquer des gens dans la rue, le tout sous un flot d’injures.

L’agression de Fadi a fait s’embraser le mouvement de protestation à Tunis et notamment à Sidi Hassine où les manifestants, armés de pierres et de feux d’artifices, affrontent depuis le 8 juin les forces de l’ordre dans des émeutes nocturnes similaires aux émeutes observées début janvier 2021 dans le pays.


Vidéo publiée sur Facebook par un internaute de Sidi Hassine, le 13 juin 2021, montrant les affrontements nocturnes entre protestataires et forces de l’ordre.

À LIRE SUR LES OBSERVATEURS >> Tunisie : immersion en images au cœur des émeutes nocturnes qui ébranlent le pays

Selon un rapport paru le 10 juin du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Le nombre de mouvements de protestation a doublé en mai 2021 pour atteindre 1 155 mouvements, contre seulement 516 mouvements en mai 2020, la capitale Tunis occupant la deuxième place des “régions les plus agitées”. 

Durant les émeutes de janvier 2021 en Tunisie, plus de 600 mineurs ont été arrêtés, torturés et menacés, selon les chiffres de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH).

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