L’astronaute français Thomas Pesquet et l’Américain Shane Kimbrough s’apprêtent mercredi à s’élancer dans le vide spatial. Un “rêve” mais aussi une épreuve physique pour les deux hommes qui doivent installer un nouveau panneau solaire.
L’opération s’annonce périlleuse. Pour la troisième fois de sa vie, Thomas Pesquet se prépare en compagnie de l’Américain Shane Kimbrough à s’élancer dans le vide spatial. À partir de 12 h 00 GMT et durant plus de six heures, les deux astronautes flotteront en apesanteur, à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, accrochés à la Station spatiale internationale, pour y installer un nouveau panneau solaire. Ils recommenceront l’opération dimanche pour en déployer un deuxième, et ainsi augmenter la puissance du vaisseau construit en 1998.
Cette sortie extravéhiculaire (“EVA”), la première depuis leur arrivée dans l’ISS fin avril, est inédite sur le plan technique. Elle s’annonce “plutôt complexe”, a affirmé Pooja Jesrani, responsable des sorties orbitales à la Nasa, lundi lors d’un point presse.
“Il y a une appréhension, ce sont des années de boulot pour des centaines de personnes, on n’a pas envie de faire une erreur et de casser un équipement qui a coûté un million de dollars”, a confié Thomas Pesquet dans son journal de bord sur France Inter.
L’astronaute connaît le terrain, arpenté à deux reprises durant sa précédente mission en 2017, avec le même co-équipier. Cette fois, les rôles sont inversés : lui sera “EVA 1”, Shane Kimbrough “EVA 2”.
“Le n°1, c’est le chef en gros. Maintenant je ne suis plus le petit jeune”, a commenté l’astronaute de 43 ans. “J’ai hâte que Thomas soit dans ce rôle et d’être un bon soutien”, a tweeté son collègue de 54 ans.
“Courir un 100 mètres sur la durée d’un marathon”
Les mécanos se répartiront les tâches durant l’opération, minutieusement chorégraphiée par la Nasa. Objectif : aller déployer les panneaux solaires à bâbord de l’ISS, tout au bout du mastodonte grand comme un terrain de football.
Les panneaux “nouvelle génération”, livrés par cargo sous forme compacte, ont déjà été fixés à l’extérieur du vaisseau. Thomas Pesquet ira récupérer l’objet de 350 kilos, puis, mû par un bras robotique, longera la Station pour aller le passer à son acolyte.
Les panneaux solaires 🛰️ que nous allons installer et déployer demain ! Pour l’instant ils sont enroulés sur eux-même. Les équipes sont prêtes et Shane et moi aussi… on est tous très impatients ! #MissionAlpha pic.twitter.com/DEwJs0rXX1
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) June 15, 2021
Accrochés au bras par les pieds, ils déplieront le panneau et ses 19 mètres de long.
La journée sera éprouvante. “Une EVA revient à courir un 100 mètres sur la durée d’un marathon”, explique à l’AFP Hervé Stevenin, chargé de l’entraînement à ces sorties pour l’Agence spatiale européenne (ESA).
Perte d’étanchéité
“Travailler en scaphandre est extrêmement difficile. Tous les sens sont limités, on manque de dextérité avec les gants : tenir un outil, c’est comme presser une balle de tennis, des centaines de fois pendant six heures”, décrit l’instructeur.
Malgré un champ de vision limité, les astronautes doivent avoir en permanence une “conscience de leur environnement qui va au-delà de la vie de tous les jours”.
Sans compter l’inconfort : avec le temps de préparation, ils restent engoncés une dizaine d’heures dans leur scaphandre, comme dans une “boîte de conserve”, avec seulement une petite poche d’eau pour boire.
Aucun danger qu’ils tombent dans le vide, puisqu’une “triple sécurité”, incluant un câble les reliant en permanence à la Station, empêche le scénario cauchemardesque du film “Gravity” de se produire en vrai, rassure l’expert.
Des incidents gênants, voire dangereux, peuvent en revanche survenir, comme la perte d’étanchéité du scaphandre en cas d’impact de micrométéorite.
Le système de refroidissement peut aussi s’écouler dans le système de ventilation, comme l’a vécu l’Italien Luca Parmitano en 2013.
“Un rêve dans le rêve”
“Une bulle d’eau s’est collée derrière sa tête, il n’entendait plus et a dû écourter sa sortie. Il aurait pu se noyer”, raconte Hervé Stevenin.
“On n’a pas l’impression de risquer sa vie en permanence”, témoigne Thomas Pesquet, pour qui les “EVA” représentent un “rêve dans le rêve”. Même s’il n’était “pas très fier” la première fois qu’il a lâché ses doigts du vaisseau.
“Le reste ça va, on a l’impression d’être fixes, de faire de l’escalade avec une grosse boule qui tourne sous nos pieds. Lors ma première sortie, Shane m’avait dit ‘regarde autour de toi’ parce qu’on n’avait pas levé le nez du guidon. Là je vais essayer de le faire”.
Avec AFP