Le Parlement européen a officiellement approuvé, mercredi, le pass sanitaire, qui doit permettre aux citoyens de l’Union de circuler librement au sein du bloc, à condition de présenter une preuve de vaccination, d’immunité ou un test négatif récent. Un défi de taille alors que l’accès aux vaccins et aux tests reste encore très inégalitaire sur le Vieux Continent.
Une liberté de mouvement retrouvée pour les citoyens européens. Dès le 1er juillet, ils devraient pouvoir voyager librement à travers le bloc, sans mesures restrictives, grâce au certificat Covid numérique de l’UE qui vient d’être approuvé, mercredi 9 juin, par les députés européens. Ce pass sanitaire gratuit, qui se présente sous forme de QR code, peut être obtenu par tout résident européen en mesure de présenter un test négatif récent, une preuve de vaccination ou un certificat d’immunité contre le Covid-19.
Fortement critiquée durant la pandémie pour son incapacité à fédérer les États derrière une politique sanitaire commune, l’Union européenne mise sur ce certificat pour réussir une sortie de crise groupée. Mais si les 27 s’accordent sur l’importance de relancer l’économie européenne et d’accélérer le retour à la libre circulation, le texte a néanmoins fait l’objet d’un difficile arbitrage, alors que de grandes disparités perdurent en Europe pour l’accès aux vaccins et aux tests.
Vaccination à plusieurs vitesses
Le certificat Covid numérique de l’UE a pour but de permettre à l’ensemble des pays européens de tourner la page du Covid-19. Mais la course à la vaccination, débutée en décembre 2020, a généré d’importants écarts au sein de l’Union. Alors que la Hongrie et Malte comptent tous deux plus de 40 % de citoyens intégralement vaccinés, la moyenne en France, en Allemagne et en Italie avoisine les 20 %, loin devant la Croatie (14 %) et la Bulgarie (9 %), dernier du classement. Face à ces écarts dans les politiques vaccinales, et alors qu’une partie de la population européenne reste hostile à la vaccination, l’Union européenne s’est bien gardée d’en faire un critère obligatoire.
“Le Traité européen nous permet certes de mettre en place des mesures contraignantes pour l’ensemble du bloc, mais nous devons respecter la souveraineté des États et toute mesure discriminatoire est proscrite”, explique Jeroen Lenaers, député européen, chargé du dossier au sein du Parti populaire européen (démocrates-chrétiens), contacté par France 24. “Avec le certificat Covid numérique, nous avons souhaité mettre en place un outil facile et efficace qui encourage à la vaccination. Mais nous avons bien conscience que les citoyens ne contrôlent pas la politique vaccinale de leur pays et qu’il était primordial d’offrir d’autres possibilités”, souligne l’élu néerlandais.
Le grand écart des tests
Le 7 janvier 2021, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre français, Jean Castex, vantait la politique sanitaire nationale : “les tests sont totalement gratuits en France, pour tout le monde. C’est unique en Europe”. Si cette sortie avait alors fait réagir nombre de médias, prompts à signaler que la région de la Bavière en Allemagne, Malte ou la Norvège avaient eux aussi mis en place des politiques similaires, la forte disparité d’accès aux tests n’en demeure pas moins une réalité au sein de l’Union. Payants dans la plupart des pays du bloc, ils coûtent parfois même très cher, comme en Suède et en Finlande où il faut débourser entre 200 et 300 euros pour effectuer un PCR. “Faire dépenser de tels montants est injuste, notamment pour des jeunes qui ont à la fois moins de moyens et un accès réduit au vaccin puisqu’ils passent en dernier”, déplore Jeroen Lenaers. “Cette situation est également problématique pour les citoyens des régions frontalières, obligés de faire parfois plusieurs tests par semaine”.
Le Parlement européen, ainsi que plusieurs associations de consommateurs, s’étaient montrés favorables à la gratuité des tests pour éviter toute discrimination parmi les personnes non vaccinées. Une mesure finalement écartée après d’âpres négociations. “Malgré notre insistance, certains États de l’Union comme l’Allemagne nous ont opposé un non catégorique, estimant que l’argent public devait avant tout renflouer les entreprises, et que le système de santé décentralisé ne permettait pas de mesures nationales sur ce sujet”, explique Juan Fernando Lopez Aguilar, rapporteur du texte et président de la Commission des libertés civiles, contacté par France 24. Dans la douleur, un compromis a finalement été trouvé pour la mise en place d’un fonds européen de 100 millions d’euros visant à “rendre les tests plus accessibles”.
Liberté de mouvement
Bien que la liberté de mouvement au sein de l’Union constitue l’objectif même du pass européen, cette question a également donné lieu à d’intenses débats, avec certains États, dont la Grèce, l’Espagne ou la France, mettant l’accent sur la reprise du tourisme, pendant que d’autres, comme le Danemark, l’Allemagne ou la Finlande, jugeaient crucial de conserver le contrôle de leur politique sanitaire. Là encore, un compromis a été trouvé : les pays se sont engagés à ne pas imposer de mesures sanitaires additionnelles, comme des quarantaines ou de nouveaux tests, sauf en cas de “circonstances exceptionnelles”, telles que la propagation de nouveaux variants.
Alors que seuls les vaccins autorisés par l’Union européenne sont, en théorie, acceptés pour le certificat sanitaire, une exception a été faite pour la Hongrie qui a massivement utilisé le vaccin russe Spoutnik V, pas encore homologué en Europe. Si le pays est intégré au programme, les autres États membres pourront néanmoins décider individuellement d’autoriser ou non les voyageurs hongrois ayant reçu ce vaccin, à entrer sur leur sol. Enfin, reste la question des enfants, dont la vaccination systématique fait encore débat au sein de l’Union, et qui doivent, pour l’heure, présenter un test négatif ou justifier d’une immunité suite à une infection, à partir de l’âge de six ans.
“Nous avons pensé le pass sanitaire comme un système évolutif”, souligne Juan Fernando Lopez Aguilar. “Il est vrai qu’aujourd’hui tous les citoyens européens ne sont pas logés à la même enseigne, mais l’horizon que nous envisageons est une généralisation du processus de vaccination, y compris des adolescents, et la disparition progressive du test PCR, contraignant et coûteux”, détaille l’eurodéputé espagnol.
Partisan de la gratuité des tests et d’une liberté de circulation totale, le député Jeroen Lenaers reconnaît avoir dû consentir à un certain nombre de compromis. Il se dit néanmoins satisfait du travail accompli : “On accuse souvent l’Europe d’inertie mais avec le certificat Covid numérique, nous avons relevé le défi. Alors que la situation sanitaire s’améliore, notre outil a été mis au point en un temps record pour coordonner cette sortie de crise au début de la période estivale. C’est une belle victoire après une année chaotique”, se félicite-t-il.
Validé par le Parlement européen dans sa forme finale, le certificat de l’Union européenne sera officiellement lancé le 1er juillet, pour une durée de douze mois. Une période de transition qui devrait, selon l’UE, permettre un retour à la vie normale pour tous les citoyens du bloc.