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Impôt “mondial” sur les sociétés : pourquoi Amazon pourrait s'en tirer à bon compte

Le G7 Finances a proposé, samedi, une meilleure taxation des multinationales en suggérant la création d’un taux plancher mondial de 15 % pour l’impôt sur les sociétés. Mais une disposition visant les bénéfices des géants du Net semble exclure Amazon, pourtant l’un des champions de l’optimisation fiscale.

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C’est le chiffre que tout le monde met en avant depuis l’accord qualifié d’historique pour une nouvelle taxe mondiale sur les sociétés, trouvé, samedi 5 juin, par les pays du G7. Le taux d’imposition minimum de 15 % doit permettre de mettre “fin à la course au moins-disant fiscal pour les entreprises”, s’est notamment réjoui Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor.

Si ce taux a été salué comme un formidable bond en avant dans la lutte contre les paradis fiscaux par une large partie des commentateurs, plusieurs spécialistes de la lutte contre la fraude fiscale l’ont pourtant qualifié d’insuffisant. Il est, en effet, à peine supérieur à l’impôt sur les sociétés pratiqué en Irlande (13 %), pays notoirement accommodant pour les géants de la tech sur le plan fiscal, et largement inférieur au taux de 21 % proposé par le président américain Joe Biden, à l’origine du mouvement pour une taxation globale des multinationales. 

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>> À lire : Les États-Unis relancent la bataille mondiale contre l’optimisation fiscale

Amazon sauvé par sa faible marge bénéficiaire ?

“On aurait pu s’attendre à un plancher aux alentours des 20 %, ce qui aurait été proche de la moyenne du taux d’imposition des pays de l’OCDE”, résume Richard Murphy, professeur de comptabilité associé à l’école de management de l’université de Sheffield et spécialiste de la fiscalité internationale, contacté par France 24.

Mais ce taux de 15 % n’est pas la seule déception d’une partie des experts depuis l’annonce du G7 Finances. Un autre chiffre, bien moins médiatisé, a tout autant retenu l’attention d’ONG comme Taxe Justice Network ou la Fair Tax Foundation, car il semble offrir une échappatoire à l’un des champions de l’optimisation fiscale : Amazon.

Dans leur communiqué final, les membres du G7 finances ajoute une règle qui ne doit s’appliquer qu’aux grands groupes dont la marge bénéficiaire dépasse les 10 %. Une partie des profits de ces multinationales pourra être taxée dans les pays où elles exercent une activité réelle, même si elles n’y ont pas de présence “physique” sous la forme d’un siège social, par exemple. 

Cette mesure de “plus juste répartition des recettes fiscales” apparaît “taillée sur mesure pour permettre une meilleure taxation des géants de la tech comme Apple, Google ou Facebook, qui réalisent une marge bénéficiaire dépassant aisément les 20 %”, souligne Richard Murphy. Elle semble couvrir le cas de ces multinationales très profitables qui ont établi, par exemple, leur siège social européen au Luxembourg pour y rapatrier la majeure partie de leur chiffre d’affaires et bénéficier du taux d’imposition très avantageux du Grand-Duché.

>> Optimisation fiscale : pourquoi le Luxembourg est-il aussi attrayant 

C’est de cette manière que la filiale européenne d’Amazon a pu échapper à l’impôt au Luxembourg sur les 44 milliards d’euros de revenus tirés de ses ventes sur l’ensemble du Vieux Continent en 2020. Un montage pointé comme l’un des exemples les plus flagrants de ce qui devait être pris en compte par la lutte contre l’optimisation fiscale, rappelle le quotidien britannique The Guardian.

Sauf que, grâce à la règle des 10 % de marge bénéficiaire, Amazon passerait au travers d’un pan entier des nouvelles règles de taxation globale proposées par le G7 Finances. Le géant du e-commerce a en effet une particularité par rapport aux autres mastodontes du Net : “Sa politique tarifaire agressive pour gagner des parts de marché et son modèle économique plus proche de la grande distribution que de l’économie numérique fait qu’Amazon a une marge bénéficiaire plus faible”, rappelle Markus Meinzer, analyste de l’ONG Tax Justice Network, contacté par France 24. Une marge qui s’établit aux alentours de 6 %.

Séparer les activités d’Amazon pour mieux les taxer

En d’autres termes, Amazon serait, certes, soumis au nouvel impôt “mondial” sur les sociétés d’au moins 15 %, comme toutes les autres grandes multinationales, mais la règle spécifiquement conçue pour les géants du Net les plus friands d’optimisation fiscale ne pourrait pas lui être appliquée. “Ce serait un comble alors qu’Amazon était tout de même l’une des principales cibles de cet effort de lutte contre ces pratiques”, regrette Richard Murphy.

La messe n’est cependant pas encore dite. La proposition du G7 Finances va encore faire l’objet de nombreuses tractations et “il est possible d’améliorer ce qu’il y a sur la table”, assure Richard Murphy. L’une des solutions les plus évidentes serait de séparer fiscalement les deux principaux cœurs de métier d’Amazon. Le groupe n’est pas seulement un grand supermarché du Net, il a aussi “une activité de services web (comme ses offres d’hébergement dans le “cloud”, NDLR) très rentable et en pleine progression, dont la marge bénéficiaire est largement supérieure à 20 %”, pointe Markus Meinzer. En ciblant cette activité spécifique, les nouvelles règles de taxation internationale sur la répartition des recettes fiscales pourraient concerner une part non négligeable des profits d’Amazon.

Pour Tax Justice Network, il est d’autant plus important de ne pas laisser le groupe profiter de cette échappatoire car sinon “d’autres géants du Net pourraient essayer de faire de même”, souligne Alex Cobham, directeur de l’ONG, interrogé par The Guardian.

Mais Markus Meinzer n’est pas des plus optimistes. “La proposition du G7 Finances est déjà moins ambitieuse que l’idée initiale du président américain Joe Biden, qui avait milité pour un taux d’imposition des sociétés de 21 %, et le fait que cette clause existe en ce qui concerne la marge bénéficiaire démontre qu’il va falloir faire attention à chaque détail. Les lobbys des grands groupes vont chercher à ajouter toujours plus d’exceptions à leur avantage”, conclut-il. L’analyste craint qu’à chaque étape du processus – validation des règles par le G20 cet été, puis négociation entre les pays de l’OCDE – de nouveaux bâtons vont être mis dans les roues d’une plus grande justice fiscale.

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