Au lendemain de la fermeture du consulat chinois à Houston, le secrétaire d’État américain s’est violemment attaqué à la Chine, jeudi, en déclarant que les États-Unis et leurs alliés devaient faire preuve de “moyens plus créatifs et affirmés” pour contraindre le Parti communiste chinois (PCC) à changer sa façon de procéder, disant y voir “la mission de notre temps”. En représailles, Pékin a ordonné la fermeture du consulat américain de Chengdu.
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L’escalade se poursuit entre Washington et Pékin. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a appelé, jeudi 23 juillet, “le monde libre” à “triompher” de la “nouvelle tyrannie” incarnée selon lui par la Chine communiste, après la fermeture du consulat chinois à Houston décrit comme “une plaque tournante de l’espionnage”.
“La Chine d’aujourd’hui est de plus en plus autoritaire à l’intérieur du pays, et plus agressive dans son hostilité face à la liberté partout ailleurs”, a-t-il déclaré en Californie lors d’un discours dont la tonalité rappelait plus que jamais la Guerre froide avec l’Union soviétique.
Dans une attaque d’une rare virulence contre le président d’une des principales puissances mondiales, il a aussi accusé Xi Jinping d’être un “adepte sincère d’une idéologie totalitaire en faillite”, en faisant référence uniquement à ses fonctions de “secrétaire général” du Parti communiste.
.@SecPompeo: Perhaps we were naïve about China’s virulent strain of Communism, or hoodwinked by Beijing’s talk of a “peaceful rise.” Whatever the reason, China is increasingly authoritarian at home, aggressive in its hostility to freedom abroad. President Trump has said: enough. pic.twitter.com/7Shar7rjOm
— Department of State (@StateDept) July 23, 2020
Le discours entendait détailler la stratégie de fermeté du président Donald Trump face au géant asiatique, présenté à plusieurs reprises comme une “menace” ou un “danger”.
Il intervient au lendemain de l’annonce spectaculaire de la fermeture du consulat chinois dans la grande ville du Texas – une décision inédite depuis l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays en 1979.
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Dénonçant jeudi une “calomnie malveillante”, Pékin n’a pas tardé à riposter en ordonnant, vendredi 24 juillet, la fermeture du consulat américain de la grande ville de Chengdu, dans le sud-ouest. “Une réponse légitime et nécessaire aux mesures déraisonnables des États-Unis”, a souligné dans un communiqué le ministère chinois des Affaires étrangères, sans préciser s’il avait des accusations spécifiques contre la présence américaine à Chengdu.
“Nous avons fermé le consulat de Chine à Houston car c’était une plaque tournante de l’espionnage et du vol de propriété intellectuelle”, a assuré Mike Pompeo, sans préciser clairement les faits reprochés à ses diplomates.
La stratégie engagée par Richard Nixon ne “marche tout simplement pas”
Signe de la méfiance ambiante, la police américaine soupçonne en outre une chercheuse chinoise, accusée d’avoir dissimulé ses liens avec son armée pour obtenir un visa américain, de s’être réfugiée au consulat chinois de San Francisco afin d’échapper à son arrestation.
Le secrétaire d’État, un faucon qui sonne depuis plusieurs mois la charge contre la Chine, a plus généralement accusé les Chinois de “voler” de “précieux secrets commerciaux” aux Américains.
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Mike Pompeo avait choisi la bibliothèque présidentielle Richard Nixon à Yorba Linda pour formuler son réquisitoire. Tout un symbole, puisqu’il s’agissait d’acter l’échec de la stratégie engagée il y a plus de 40 ans par l’ex-président républicain lorsqu’il avait entamé le dialogue avec la Chine communiste, dans l’espoir que son intégration au sein de la communauté internationale favorise une certaine normalisation.
Ce “vieux paradigme” ne “marche tout simplement pas”, a tranché le ministre. “L’heure est venue pour les nations libres de passer à l’acte”, a-t-il martelé, appelant de ses vœux “une nouvelle alliance des démocraties”.
Objectif : faire “changer d’attitude” à Pékin, a-t-il plaidé, sans aller jusqu’à prôner un changement de régime, même s’il a salué publiquement plusieurs dissidents chinois.
“Si nous nous inclinons maintenant, nos petits-enfants pourraient être à la merci du Parti communiste chinois, dont les actes constituent le premier défi du monde libre”, a-t-il insisté. “Xi n’a pas vocation à semer éternellement la tyrannie en Chine et à l’étranger, à moins qu’on le laisse faire.”
Références à la Guerre froide
Mike Pompeo a multiplié les références à la Guerre froide, exhortant le reste du monde à “choisir son camp” entre “la liberté et la tyrannie”.
Il a certes salué le “réveil” de certains pays, notamment européens, mais a aussi regretté la “timidité” d’autres, comme cet “allié au sein de l’Otan”, qu’il n’a pas nommé, réticent selon lui à défendre l’autonomie de Hong Kong par crainte de perdre son accès au vaste marché chinois.
Un reproche également adressé aux entreprises américaines qui se plient aux exigences chinoises et soutiennent, “sciemment ou à leur insu”, de “graves violations” des droits humains.
.@SecPompeo: We, the free nations of the world, must induce change in the Chinese Communist Party’s behavior in more creative and assertive ways, because Beijing’s actions threaten our people and our prosperity. pic.twitter.com/nFG6VB5BiV
— Department of State (@StateDept) July 23, 2020
Il a d’ailleurs estimé qu’il ne s’agissait pas de revenir à “l’endiguement” (ou “containment”) en vigueur contre l’URSS, car “la Chine communiste est déjà chez nous”. Et contrairement à la doctrine “faire confiance mais vérifier” défendue par un autre ex-président républicain, Ronald Reagan, face à Moscou, il a suggéré de “se méfier, et vérifier”.
Au-delà de cet appel, Mike Pompeo a reconnu que la “fermeté” n’était pas suffisante, alors que les démocrates, mais aussi certains républicains, jugent que cette diplomatie musclée n’a pas permis jusqu’ici de contenir les ambitions chinoises.
“Nous devons parler et donner du pouvoir au peuple chinois”, a-t-il lancé, en estimant que le régime redoutait “les opinions” de ses concitoyens “plus que tout adversaire étranger”.
Avec AFP